DK Drop Phonographe Corp

Une brise rafraîchissante vient déchirer la chaleur tropicale d’un mois d’août caniculaire, la végétation calcinée reprend un instant vie sous la pluie tiède de la fin d’après-midi. On paresse dans un hamac, écrasé par cette atmosphère étouffante et moite. Avec Drop, D.K. parvient à capter ces instants d’éclat, qui viennent soudain panser les brûlures infligées par un soleil belliqueux.

Moitié du duo Darabi dont il partage le nom avec Low Jack, D.K. avait déjà insufflé à la house parisienne un vent de fraîcheur cet hiver en signant son premier maxi solo sur le label Get The Curse, institué depuis quelques années maintenant parmi les structures solides et créatives de la scène locale. Un premier EP prometteur pour le jeune producteur qui avait fait mouche chez quelques mélomanes amateurs de deep culottée, de sonorités analogiques et de beats déconstruits. All Day Every Day fût avant tout l’émergence de son projet solo dans le paysage de l’IDM hexagonal. On pouvait donc décemment supposer revoir l’artiste sur un nouveau projet dans les mois qui suivirent cette première release sur Get The Curse.

C’est chose faite avec la sortie en cet été 2014 de son premier album sur Antinote Records, jeune label prometteur fondé en 2012 , ayant pour maîtres mots l’ouverture d’esprit et la diversité à l’image de ses fondateurs,  Zaltan et IUEKE, grands amateurs de disques vinyles et de curiosités musicales en tout genre ( Interview Zaltan pour Phonographe Corp ). Mis en lumière par Resident Advisor en mai 2013 qui lui attribua le titre de “label of the month” et par la même occasion celui d’un des labels parisiens les plus prometteurs du moment, Antinote se démarque par une démarche musicale éclairée et résolument novatrice.
D’abord focalisé sur la sortie de vieilles archives techno oubliées, le label a évolué et met désormais un point d’honneur à produire les jeunes pousses locales, des new-comers inventifs et talentueux incarnés à la perfection par D.K. et l’univers qu’il déploie à travers Drop.

L’album est plutôt court, il comporte 8 tracks originales dépassant rarement les quatre minutes. Cela affirme finalement la volonté de l’artiste de ne pas s’enfermer dans une boucle interminable qui risquerait de ternir un album en marge des schémas traditionnels de la production électronique. Nous sommes bel et bien en présence d’une création dans laquelle chaque morceau est une balade évolutive et surprenante. La force de Drop réside dans sa capacité à capter l’attention par ses progressions inattendues, sa structure anarchique et ses rythmiques “faites maison” ainsi que dans le son chaud des machines.

L’album débute avec Juicy, préface céleste de ce long format. Le morceau prend la forme d’une introduction sommaire qui initie l’auditeur à l’univers astral de Drop. Rythmiques élégantes et pointilleuses nappées généreusement de synthés deep à la limite de l’ambient invitent à la mollesse, plaisir coupable d’une oreille avide de caresses. On roucoule volontiers, enveloppé de ces draps de soie cousus avec maîtrise. Le schéma se prolonge presque à l’identique jusqu’au troisième et morceau phare du LP, Pool Rules. Il s’agit d’une composition plus musclée aux déluges de rythmiques artisanales efficaces, une Tropical House vitaminée et dévastatrice. Soudain, émergeant du chaos ambiant, nous parviennent les notes cristallines d’un xylophone, des gouttes de pluie d’une pureté absolue perlant sur la base rythmique comme sur les feuilles d’un acajou.

All Due Respect prend la forme d’un downtempo lunaire au snare impitoyable. Incontestablement UK, le morceau se rapproche de ce que pouvait faire il y a quelque temps de cela le Disclosure pré-aliénation. Safety Games nous plonge dans les volutes langoureuses d’une Deep House charnue avant que les délires schizophréniques de Losing Ground, minimale industrielle conçue dans les tréfonds d’une centrale électrique amiantée nous laissent entrevoir une conclusion sur fond d’apocalypse. Il n’en sera rien puisque D.K. clôture l’album avec Keep On ( Part II ) comme il l’avait commencé, au son d’un clairon deep et atmosphérique qui séduit, mais ne marque pas..

Si Drop est un album incontestablement charmant, il n’en reste pas moins qu’il manque à l’oeuvre cette once de caractère qui en ferait un excellent album. On a le sentiment d’une composition inachevée et c’est frustrant tant ce que l’on a pu écouter regorge d’idées et de talent. Peut-être que la démarche initiale aurait-elle mérité d’être encore plus poussée, d’abord séduits nous restons finalement un peu sur notre faim. Pourtant, il serait injuste de limiter Drop à un gâteau dérobé au moment d’y plonger la cuillère. Il est en effet certain qu’il faudra bientôt compter sur D.K. qui se place à l’évidence comme l’un des artistes à suivre des prochains mois.

Drop, dont certains se plairaient à qualifier le genre de “New Wave Techno”, se place dans la lignée de l’héritage contemporain de la Deep de Détroit, et il ne serait pas insensé de rapprocher D.K. de ce que peut faire actuellement un jeune Kyle Hall ou de ce que produisait jadis Marcellus Pittman. Quoi qu’il en soit et pour les esprits purement pratiques, Drop, sera le compagnon parfait de vos errances estivales et nous n’avons pas hésité une seconde à en faire l’un de nos albums de l’été.

3,5/5