Ron Morelli sort en cette fin d’année un album inattendu sur Hospital Productions. Le boss de L.I.E.S nous sert un LP aux contours sombres et chaotiques, collant parfaitement à l’esthétique d’Hospital, label de Dominick Fernow alias Vatican Shadow.  Ce n’est pas la première sortie du producteur sur Hospital. Mais si Spit, sorti en 2013, restait tout de même un disque assez club, A Gathering Together résonne bien différemment. Pour cette sortie, Morelli  atrouvé en Fernow son âme sœur esthétique, distillant une techno noise à la limite de l’ambient, parfois brutale, respirant plus de la froideur de caves souterraines que de l’euphorie du club.

A Gathering Together  n’est pas facile d’accès et déconcertera sans doutes les fans des hymnes techno analogique de L.I.ES. Car ici rien de tout cela. Morelli nous plonge dans un univers anxiogène et complexe. L’atmosphère se fait lourde et pesante dans un chaos sonique plus organisé qu’il n’y parait. En effet, l’album possède une véritable narration, abstraite mais perceptible à l’écoute des 9 morceaux qui le composent. Ron Morelli utilise ici massivement la technique du sampling d’une façon assez peu conventionnelle, et offre un panel sonore abstrait des plus étranges. Les ambiances déconcertent et les structures perdent l’auditeur dans un environnement hostile. Les rythmes déconstruits se font mécaniques et rappellent l’environnement industriel des villes contemporaines.

L’album s’ouvre sur “Cross Waters”, où un drone menaçant et des basses lourdes montent en puissance, le tout distordu à l’excès, rappelant certaines productions de Low Jack ou Vatican Shadow. Le ton est ainsi donné. “Desert Ocean”, avec sa rythmique hypnotique et ses modulations de claviers subtiles et répétés est probablement le morceau qui se rapproche le plus de la techno et peut sembler faire office de point d’ancrage dans un album où les repères sont définitivement brouillés. “Voices Rise” et son sample vocal répété et pitché offre une méditation sombre pouvant évoquer les chants des moines tibétains et constitue sans doute un des moments les plus intéressants de l’album.

Le morceau éponyme forme un bon condensé du reste du disque, avec son intro claustrophobique faite d’enregistrements de bruits divers, processés et compressés à outrance et son climax, fait de percussions métalliques et de polyrythmes frénétiques. Cette formule, où tout semble enterré sous un amoncellement de bruits urbains ralentis, accélérés, compressés, déstructurés, semble porter un message sur le caractère de nos villes et de nos espaces urbains, où nous nous rassemblons, nous entassons malgré nous, suivant les pressions d’un corps politique et social qui peut parfois sembler oppressant.

Si A Gathering Together n’est pas un album pour les clubs, il n’en reste pas moins un album très physique, où tout est fait pour nous malmener et nous transporter malgré nous dans un état d’immersion totale. Morelli s’inscrit très bien dans la tradition des musiques noise et techno industrielle, florissantes depuis les années 80. Difficile de tenir sur la longueur cependant, car si ce disque est intéressant dans le parcours discographique de Ron Morelli, dans sa construction narrative et son message, il ne parvient pas nécessairement à transcender les genres qu’il approche ici, rendant finalement l’exercice assez anecdotique. Un disque pour les fans de noise et de musique industrielle, très appréciable mais peu marquant.