Floating Points sort enfin son tant attendu premier album après une poignée de maxis à la qualité incontestables et qui ont su lui forger une solide réputation. Sam Sheperd de son vrai nom, était donc attendu au tournant avec la sortie de ce premier long format. Sobrement intitulé « Elaenia », le disque sort sur son nouveau label : Pluto. D’une durée d’à peine 45 minutes, cet album nous emmène dans un voyage au croisement de l’electronica, du jazz et de la soul. 

Au fil des années, le producteur anglais s’est construit un univers particulier et une patte reconnaissable entre milles, au travers de ses DJ sets et de ses sorties entre boogie, house, rythmes brésiliens et electronica. Chaque maxi dont il est l’auteur nous a dévoilé une facette différente de ses talents à la production. S’il a attendu près de 10 ans pour sortir cet album, c’est sans doute parce que Sam Sheperd est un artiste des plus méticuleux et qu’il a su prendre l’exercice du long format au sérieux. Mais qu’en est-il alors? En 8 morceaux, Floating Points s’évertue ici à montrer les différents aspects de son art. Pianiste de formation, son sens de l’arrangement et de l’harmonie a un rôle central tout au long de l’album. La production apparait également plus fine que jamais, avec un savant mélange de sonorités acoustiques et électroniques, à l’image du premier single dévoilé le mois dernier “Silhouette I,II & III”. Ce morceau se rapproche de ses précédents travaux  avec son ensemble jazz, rappelant le magnifique “Wires” sorti il y a 2 ans. Faisant la part belle aux instruments acoustiques, “Silhouette” sonne comme une improvisation jazz sur des thèmes rappelant la soul des grandes heures. Les grooves se font complexes et subtils et le morceau éclôt lentement avec l’arrivée de violons sur lesquelles viennent se poser les improvisations de synthé de l’anglais. Un voyage long de 10 minutes, jamais ennuyeux et aux nombreux rebondissements. Il s’agit d’une des pièces les plus complètes de l’album, avec “Peroration Six” qui clôt le disque sur une montée de jazz progressif montrant l’étendu du talent des musiciens qui accompagnent le producteur anglais ainsi que leur cohésion en tant que groupe. Cela a aussi le mérite de nous montrer, si besoin en était, que Sam Sheperd n’est pas seulement un producteur de musique électronique classique, mais possède également une véritable science de l’enregistrement et du mixage acoustique.

Hormis ces deux pièces faisant appel à son fidèle ensemble, le reste de l’album est une méditation plus minimaliste, faisant la part belle au synthétiseur modulaire et à l’harmonie. “Nespole”, qui ouvre l’album, possède ainsi tout le charme des premiers disques new age avec son modulaire subtil et ses nappes éthérées. Les morceaux “Elaenia” et “Argenté” fonctionne comme un duo complémentaire, s’enchaînant parfaitement, ils nous plonge dans une réflexion suave avec des envolées d’arpèges et des modulations de synthés portant le tout. Mélodiquement proche du jazz spirituel des seventies, ces deux morceaux semblent faire tomber les barrières des époques et des styles, sonnant à la fois traditionnels et modernes.

Floating Points, avec ce premier long format, réussit le pari de créer un ensemble de morceaux intemporels et riches, démontrant sa grande sensibilité artistique et mélodique ainsi que ses multiples talents de producteurs. Elaenia souffre cependant sans doute de l’attente qu’il a suscité. On peut rester quelque peu sur sa faim face à cette collection de morceaux qui sonne plus comme un long EP qu’un album à proprement parler finalement. En effet, s’il y a des ensembles cohérents sur la longueur,  Elaenia sonne comme un bout à bout de diptyques et singles. Il n’en reste pas moins un disque des plus appréciables, un véritable voyage à la croisée des genres et des époques offrant une esthétique et une richesse mélodique rafraîchissante dans le paysage des musiques électroniques actuelles.