Une bonne soirée vaut mieux qu’un long discours et si les deux Ep de Marquis Hawkes sur Dixon Avenue Basement Jams ont fait des émules, ses sets généralement musclés plaident également en sa faveur. Rien ne sert d’épiloguer plus sur un artiste dont on sait finalement peu de choses. Avant de l’apprécier le samedi 21 septembre dans La Chaufferie de la Machine du Moulin Rouge nous tenions à vous présenter un mixe très calme de M. Hawkes ainsi qu’une interview un peu particulière, réalisée à bord d’une voiture à l’extrême Est de Berlin. Bonne écoute!

A good party worst more than a long speech, and if the two Ep’s released by Marquis Hawkes on Dixon Basement Jams made huge impressions, his sets generally powerful are also a good testimony in favor this character . It’s not really useful to go on and on for about an artist we don’t know so much. Before to appreciate his skills the next Sunday (21/09/2013) in the Basement of La Machine Du Moulin Rouge. We were really keen on present you a smooth mixe from Mr Hawkes with a really special interview (in French) realized during a visit by car of the extrême east of Berlin. Good Listening!

Marquis Hawkes : FacebookSoundcloudDiscogs

 

Cet entretien a été réalisé avec Marquis Hawkes, à Berlin, dans sa voiture, puis dans un restaurant Hongrois entre Prenzlauer Allee, Französich Buchholz, Ahrensfelde, Lichtenberg  et Friedrischain.  Notre conversation a suivi plusieurs itinéraires réels et fictifs, sur la route et en dehors. Tout au long de cette balade en voiture, nous avons découvert, au gré de la narration et des espaces déployés, l’univers d’un homme et d’un artiste qui donne l’impression d’avoir déjà vécu plus d’une vie… C’est sans doute pour cela que cette interview-balade n’a rien de conventionnel, et offre une vision originale d’un artiste dont nous ignorons beaucoup de choses. Bonne lecture !

– Salut Mark, nous sommes à bord de ta voiture et tu as décidé de nous présenter Berlin à ta manière c’est ça ?

(Rires) Oui, enfin là on est dans le nord donc c’est un endroit un peu bizarre, les gens prennent cet endroit pour une zone fantôme dans laquelle seule une poignée de Russes téméraires osent s’aventurer (rires). En réalité, c’est juste que ce n’est pas très joyeux mais ça va !

– Mais alors quand as-tu décidé de bouger d’Angleterre pour venir t’installer ici ?

Ça fait deux ans et demi, avec ma femme qui est Lituanienne, on voulait partir tous les deux avec notre enfant, au regard du contexte actuel en Europe, ça n’a pas été facile, la décision n’était pas des plus évidentes!

J’ai des amis ici qui parlaient Allemand, je ne suis pas vraiment venu ici pour la musique, plus parce que j’avais des proches. J’en ai un peu partout dans le monde mais aussi parce que j’ai vécu ici par le passé il y a 8 ans environ et j’ai rencontré pas mal de gens avec qui je traînais dans le coin. Et quand je suis retourné en Angleterre, les choses avaient changé et comme j’avais envie de vivre là où sont mes proches, ça me donnait une bonne raison de vivre ici.

Là nous allons à l’est, si on continue ça va pas tarder à ressembler à la Russie, des blocs de béton froids partout. Je trouve le parallèle assez marrant quand tu compares ça à Chicago ou il y avait tous les mecs de Dance Mania qui vivaient dans ces blocs et produisaient de la musique. Je vis dans une tour un peu comme ça. Mais bon ici c’est beaucoup plus sécurisé. Quand je vois tous ces gamins dans les rues, je me dis « mon Dieu, tu ne passerais même pas 5 minutes dans Londres ». Mais si tu veux un endroit pas cher où vivre à Berlin, va à l’est ! Tu sais aujourd’hui tout le monde veut vivre à Kreuzberg ou Prenzlauerberg et il m’arrive parfois d’aller me balader là-bas, mais les gens se ressemblent tellement: même sapes, mêmes goûts on dirait des stéréotypes. C’est drôle parce qu’ils essaient d’être uniques, mais ils se ressemblent tous au final.

– Tu penses que Berlin n’est plus aussi productrice de talents qu’elle a pu l’être par le passé ?

Je me rappelle de Berlin il y a une 8 ou 9 ans , la première fois que je suis venu ici, il n’y avait pas tous ces building et ces installations. Warschauerstrasse était entouré de terrains vagues, c’était à l’ancienne. C’était beaucoup moins construit qu’aujourd’hui, il y avait plus de squats et moins de clubs officiels. Mon loyer me coutait 200e par mois et il y avait des trous dans les murs, la neige rentrait par le toit, et pas vraiment de chauffage central. Ce n’était pas la même histoire, donc oui ça a pas mal changé !

Là où nous sommes dans un endroit qui ressemble à peu près à Friedrichschain il y a 10 ans. C’est un endroit pour les classes populaires berlinoises, il y a très peu d’étranger qui vivent ici. Il y a beaucoup de gens qui viennent du centre pour s’installer ici car le centre devient de plus en plus cher avec la gentrification. Au moins il y a encore des endroits où bouger.

– En venant ici tu avais déjà un pied dans la musique ?

Ouais j’avais déjà bossé en club, j’avais quelques projets musicaux, mais pas de quoi fanfaronner, j’avais fait des trucs, trainé avec des gens, genre depuis 1993, donc ça fait un moment que je suis dans ce milieu, mais pas du tout comme professionnel, enfin je veux dire pas à un niveau artistique au sens où je l’entends. Mais oui j’ai la tête dans les disques depuis très longtemps et je mixe depuis pas mal de temps aussi. Je me rappelle à l’époque on achetait les tout premiers Dance Mania quand ils ont commencé à sortir. C’était difficile de les trouver et de faire les bons choix, car on n’avait pas Discogs ou Youtube et tous ces outils de référence, et parfois on allait dans les shops de vinyles et il n’y avait même pas  de platine pour écouter.

– Donc maintenant tu en fais à plein temps ?

En fait, ce n’était pas spécialement prévu comme ça mais je travaillais dans un club comme ingénieur son pendant deux ans et en finissant il y a 3 mois, j’ai commencé à avoir plus de gigs, mes projets musicaux se sont précisés mais il y’a toujours cette nécessité de trouver un  taff pour nourrir ma famille tu sais, donc ça n’a rien d’évident. Je me suis jamais retrouvé la dedans par « choix », c’est juste que j’essaie de faire quelque chose de mon temps et le temps est profitable si tu en fais quelque chose de créatif en donnant le meilleur de toi.

J’essaie de mener mes projets à bien, j’ai déjà joué en Angleterre et en France, dans des Teknivals, il y a de ça des années, à l’époque des Spiral Tribes, qui ont surement représenté une des plus grandes influences sur ce que j’ai joué et joue encore aujourd’hui et dans ce que je produis évidemment. Je les connais depuis des années. J’ai vécu dans un camion avec des amis pendant 5 ans, un peu comme tous ces types à cette époque, avec un soundsytem embarqué à l’arrière, vagabondant de fêtes en fêtes. C’était l’époque où j’ai vu mes premiers lives dans les années 1996/1997 où personne n’osait vraiment le faire. C’était fascinant, je me souviens de 69db jouant la même boucle pendant 10 minutes (rires) et prenant un instrument en jouant avec le kick. Mais j’aime aussi ne pas voir que des D, j’adorais voir les musiciens jouer avec leurs boites à rythmes et leurs MPC … Ça m’a vraiment inspiré et encouragé à tester. Je me suis dit que je pouvais faire de la musique.

Là nous allons nous diriger vers un coin un peu moins urbanisé et on n’arrivera pas très loin de là où je vis. C’est différent mais chaque endroit où tu vis dégage une chose particulière qui te modifie, t’affecte au plus haut point, comme toute expérience que tu as ou chaque musique que tu écoutes.

– Penses-tu que l’on puisse se construire uniquement en opposition à son environnement ou en reproduisant ce qui nous entoure ?

Non bien sûr tout n’est pas noir et blanc et il y a mille nuances entre ces deux extrêmes, mais on réagit toujours à ce qui nous entoure et la musique fait encore figure de très bon exemple. J’ai des amis qui font de la musique, et je me souviens d’un pote en particulier qui m’avait dit : « Je ne veux écouter la musique de personne pour ne pas être influencé parce que je veux rester authentique ». J’y ai longtemps pensé, mais au final c’est la plus grosse connerie que j’ai jamais entendu. Même si tu prétends ne pas écouter, tu te laisses inconsciemment influencer car à moins d’être mort, ou de te balader avec des bouchons vissés dans les oreilles, le son est toujours présent autour de toi : le bruit de ma voiture en ce moment, du train là-bas ou des oiseaux dehors c’est de la musique… Donc tu ne peux pas contrôler ces influences, le mieux c’est d’écouter quelque chose, de rentrer profondément dedans, d’être influencé mais conscient de l’être.

Là nous arrivons à la frontière de Berlin et d’Ahrensfelde, c’est là où j’emmène ma fille se balader, c’est mon coin par ici. Après cette voie de chemin de fer ça n’est plus Berlin. Si tu prends une carte mesurant le revenu par habitant de Berlin, ce quartier doit être en bleu ou gris. C’est très pauvre ici. Donc j’évite de dire aux gens ou je vis, car ça a mauvaise réputation, mais quand tu vis ici tu te rends compte que les gens sont normaux.

Bien sûr qu’il se passe des trucs, mais je vis ici sans crainte aucune, et je peux me balader un vendredi soir tard en me sentant plus en sécurité qu’à Warschauerstrasse où tu peux finir dans une bagarre. C’est juste galère de faire venir les gens ici, du coup je vais souvent les voir. C’est seulement à 20 minutes de Warschauer. Là c’est ma rue, personne ne parle anglais, à la rigueur si tu entends quelque chose ce sera du Russe ou Vietnamien. Il y’a également pas mal de Polonais.

Voici mon bloc, je suis dans l’appartement avec les fleurs taguées sur le balcon. Dans cette petite galerie marchande tu as quelques magasins et un bar miteux appelé le Wonderbar qui est plein à craquer jusqu’à 4h du matin le samedi (rires).

– Comment vois-tu la scène musicale à Berlin aujourd’hui ? C’est assez spécial, l’écart entre ce qui s’y produit et ce qui s’y passe ?

Il n’y a aucun endroit comme Berlin aujourd’hui, surtout du fait de l’espace disponible ici. En fait, si tu enlèves la vie nocturne de l’économie de la ville, Berlin pourrait avoir de gros problèmes financiers. Tu perdrais plus de la moitié des touristes qui ne viendraient plus faire la fête. Les gens se plaignent du fait que tel ou tel club est un endroit à touriste mais si les gens ne venaient pas il n’y aurait pas eu le développement culturel que l’on connait et qui donne cette industrie. Ce n’est pas une ville de travailleurs, c’est une ville d’artistes. Le seul problème c’est que beaucoup de clubs restent englués dans la même musique ce que je trouve un peu déprimant et ne m’encourage pas à sortir. Je ne pense pas que la minimale soit un mauvais genre, il y a plein de supers disques qui sont sortis au début de ce mouvement, mais c’est comme sur toute scène. Tu as quelques artistes qui font des trucs intéressants puis il y en a 1000 qui essayent de les copier. C’est ce qui se passe avec chaque genre musical et on remarque qu’à chaque réitération le résultat devient encore plus mauvais, comme lorsque tu enregistres une cassette à partir d’une autre cassette et que le contenu de celle-ci se dégrade à chaque reproduction du procédé.

Je trouve ça dommage que les gens ne fassent pas preuve de plus d’imagination. Mais le problème c’est surtout que beaucoup de gens veulent devenir Dj ou devenir musiciens pour les mauvaises raisons. Pas pour la beauté de la musique ou pour proposer quelque chose de différent. Il y pleins de gens qui manquent de motivation. Si tu n’entends pas ce que tu veux entendre, tu dois le faire toi-même, heureusement il y aussi plein de personnes créatives qui font des trucs cools.

– Où est-ce que tu vas digger ici ?

De temps en temps je vais chercher des trucs chez Hard Wax. Récemment je n’ai pas pu acheter beaucoup de disques mais je suis énormément ce qui se passe sur Discogs. Dès qu’il y a une référence pas trop chère et en bon état, je saute sur l’occasion. Ce qui est cool, c’est qu’avec Dixon Avenue Basement Jams, c’est qu’ils sont engagés dans Rubadub à Glasgow, et qu’ils ont un magasin de disques et une entreprise de distribution. Parfois je fais une liste que je reçois quelques semaines plus tard. Donc c’est vraiment pratique pour avoir les nouveautés. Il y a pas mal de bons magasins à part Hard Wax dans cette ville. Il y a une base de consommateurs de vinyles ici qui est beaucoup plus importante que n’importe où dans le monde.

– Comment es-tu rentré en contact avec Dixon Avenue Basement Jams ?

Je les connais depuis des années, et en fait ils commençaient à monter un label et ils m’ont contacté pour me demander de leur envoyer mes morceaux. J’ai envoyé quelques beats et au début ils étaient réticents, mais c’était super d’avoir une réponse construite qui me guidait et me motivait à tirer le meilleur de moi. Je fais de la musique depuis presque 15 ans et j’ai commencé à mixer 2 après. J’ai trainé dans pas mal de studio d’amis. A l’époque tu ne pouvais pas télécharger Fruity Loops ou un logiciel comme ça. Tu devais avoir des machines. A un moment j’étais sans abris, donc je dormais sur le sofa de chez mes amis. Un ami chez qui je vivais disposait d’un studio, je lui ai demandé de me laisser l’essayer. C’est comme ça que j’ai commencé. Je me suis fait la main sur pas mal de machine et d’équipements et je pense que ça paye maintenant.

– Tu as vécu dans un camion, tu as également été sans-abris, peux-tu nous en dire plus sur ton parcours ?

Mes parents étaient normaux, ils écoutaient de la musique de plusieurs influences, même des trucs électroniques comme les albums de White Noise issue du projet de David Vorhaus et Delia Derbyshire et Brian Hodgson du BBC Radiophonic Workshop. Aujourd’hui mes influences viennent plus des 80’s. J’ai joué récemment à GTA Vice City et je me disais que je voulais bien faire une loop avec un des morceaux de la bande originale.

Mon studio est dans cet immeuble, je ne fais pas tant de musique que ça dedans mais je teste. Je compose essentiellement à la maison, comme dans un processus continu. J’ai mon ordinateur chez moi, des machines, parfois avant de préparer le diner je commence quelque chose et je le reprends dans la nuit au lieu de me coucher.

– Pourquoi as-tu décidé de ne pas montrer ton visage ?

Quand je travaillais comme ingénieur du son dans un club, j’ai rencontré plein de personnes géniales mais également un nombre incalculable d’abrutis. Tu les rencontres et ils attendent de toi que tu te comportes autrement car tu es  censé savoir qu’ils sont producteurs ou Djs. Puis tu les vois sur internet en train de poser avec un paysage industriel comme il y en a des milliers à Berlin. Si l’on ne peut pas te décrire par la musique que tu fais et non par ton apparence, dans ce cas-là, à quoi bon faire de la musique ? Je n’ai pas envie d’être célèbre pour être honnête, je veux que mon projet musical soit respecté, mais ma personne n’a rien à voir avec ça. Je donne déjà de moi dans ma musique.

Le mec qui me prête le studio travaille tout le temps. Un jour il me l’a mis à disposition pour faire mes mixes et tester mes morceaux. Depuis que j’ai un enfant à la maison c’est plus compliqué de travailler, puis dans ces bâtiments l’insonorisation laisse à désirer. En fait dans tout ce coin là, il y a pleins de studio car le taux de criminalité à fortement chuté. Je pense que d’ici 10 ans ça sera le nouveau Warschauerstrasse. Il y aura eu énormément de gentrification et ce coin-là sera pour les riches.

On est à Lichtenberg maintenant c’est le quartier où je vivais avant. Ma fille est né dans ce quartier. On va aller dans un café hongrois que je connais bien dans Friedrichshain

– Tu as beaucoup voyagé en Europe de l’est ?

Oui, enfin, j’ai pas mal voyagé… J’ai été en Russie sept fois donc quand je vais dans ce genre d’endroits , je ne me sens pas vraiment étranger. Et même si la plupart des anglais voyagent pas beaucoup, ils n’aiment pas sortir de leur zone de confort. Enfin j’imagine que c’est le cas pour la majorité des gens finalement: ils ont peur de ne pas aimer la nourriture d’un pays, ou toute autre sorte de choses qui dérogent à leurs habitudes. J’aime ça, j’ai toujours eu cette instinct en moi, ce désir de toujours partir, et au final c’est quelque chose qui correspond très bien avec la musique. J’ai eu la chance de beaucoup voyager. J’ai toujours eu ça dans le sang et du coup j’ai pu voir un bon paquet de choses. Par exemple avec cette voiture: il y a quelques mois j’ai conduit jusqu’en Lituanie afin de passer Noël avec la famille de ma femme. Je ne sais pas combien de fois je le referai, mais je pense privilégier l’avion à l’avenir. Seulement, ma fille mais est encore trop jeune, elle va avoir 1 an dans quelques semaines seulement, et du coup je n’ai pas envie d’être le mec relou avec un enfant qui pleure et qui emmerde tout le monde dans l’avion. Dans la voiture je ne fais chier personne.

– Avec tes sorties, tu tournes de plus en plus non ?

Oui ça commence petit à petit. Mais en ce moment, je travaille surtout sur un projet un peu plus Techno. J’ai donné quelques tracks à DVS1 il y a huit mois de ça. J’ai eu la chance de le rencontrer car on a un pote en commun a Minneapolis. Je travaillais dans un club et Adam X jouait, il était là, je suis aller à sa rencontre, on a discuté, je lui ai donné ma musique dans le but qu’il la joue car à l’époque, il ne montait pas de label ou n’avait pas l’intention de le faire. Mais deux mois plus tard, il est revenu vers moi et m’a dit qu’un de mes tracks lui avait plu, qu’il le jouait à peu près tous les weekend, et il m’a dit qu’il voulait faire une release sur Mistress donc je me suis dit whaou ! Donc je lui ai renvoyé encore un morceau, qu’il a semblé vraiment beaucoup apprécier. C’était marrant, à chaque fois il me disait: « Ok on va tester ça ! ».

Sa politique c’est de jouer les morceaux en club et que tout le monde devienne « cinglé » ! Il ne s’agit pas juste de savoir – comme beaucoup de personnes le font – si le public aime ou pas, mais bien que le public devienne totalement cinglé, qu’il en redemande, qu’il se demande d’où ça vient etc … C’est assez excitant, mais bon c’est en cours pour l’instant. Je ne crois qu’à ce que je vois. Pour l’instant je vis de pas grand-chose: je mange des pois chiches et je fais moi-même mon houmous. On a pas de thunes, on est fauché avec une vrai vie de bohémiens. Par exemple là, j’ai deux gigs ce mois-ci et deux le mois d’après mais je n’ai plus de visibilité. J’ai vu tant de gens se faire bouffer de différentes manières avec cette industrie musicale, que je protège mes arrières. Si j’ai un disque qui sort ça ne signifie pas que tout va être facile par la suite. Ça ne marche pas comme ça.

– Mais tu penses que le talent et l’inspiration sourient aux gens qui n’ont besoin de rien ou à ceux qui sont dans le besoin justement ?

Je ne sais pas vraiment en fait. Quand tu n’as rien, ça doit fonctionner, mais tu dois rester vigilant à ne pas faire des concessions juste pour devenir populaire. C’est vraiment la dernière chose dont j’ai envie parce qui si tu pars avec l’envie de faire de la musique pour être populaire tu te sabordes. J’ai vu ça arriver tellement de fois –  ah tiens regarde il y a un shop de vinyles juste ici ! Des skeuds de Rock, Funk et Jazz ce qui est plutôt intéressant en fait !

– A sampler ou à écouter ?!

Les deux ! Les deux ! Mais j’aime beaucoup écouter de la musique, de toute façon ça fait partie du process quand tu samples non ?

– Donc nous sommes dans un restaurant Hongrois c’est ça ?

Oui ! C’est mon endroit préféré dans le coin en fait.

– Et quelles sont les spécialités alors ?

Le Goulash j’imagine (rires). Nan franchement j’en sais rien j’ai toujours mangé que des sandwiches ici. Et apparemment  juste derrière, c’est le meilleur endroit à Berlin pour manger une glace. L’endroit avec un drapeau de pirate, avec la queue.

– Combien de temps tu vis ici et tu faisais quoi avant ?

Avant ça on était de l’autre côté de Friedrichshain. On a déménagé pour le bébé en fait, parce que pour trouver un appartement de plus de trois pièces dans le coin, ça coûtait très cher. Donc on était un peu dans l’impasse. J’ ai fait un tour dans cette agence immobilière pas loin d’Arhensfelde et là il te demande quel appartement tu veux car il y a plein de places ! Après c’est vrai que cet endroit est particulier, personne ne parle anglais ce qui est un peu difficile pour moi donc c’était un changement important. Tout est différent et avec l’arrivée de ma fille il valait mieux avoir une voiture. Ici tu sais les gens vivent dans leur cocon et quand tu leur parles de mon quartier ce n’est déjà plus Berlin pour eux. Mais c’est rempli de musiciens ou de designers et de graphistes ce qui est cool pour moi car je suis avec mes semblables mais ça peut vite tourner en rond aussi.

 – Et tu veux rester ici à terme ou bouger ?

Si on peut j’aimerais bien bouger, mais ce n’est pas la fin du monde si on reste ici, c’est pas si mal. Je rencontre des gens avec qui j’ai grandi et même si la réputation de cet endroit est pas terrible, mais j’aimerais bien avoir une petite maison juste à côté de Berlin, avec un studio dans le garage tu vois ce genre chose. Je rêve d’avoir une maison comme ça avec une terrasse, m’asseoir paisiblement dans mon rocking-chair (rires). Tu sais pour avoir beaucoup voyagé, j’apprécie vraiment la campagne. Lorsque je vivais dans mon camion, je vivais vraiment dans la nature avec mes 5 Kw de son. On rencontrait des gens sur la route et on passait du son à fond tous les weekends. On rencontrait pas mal de gens qui vivaient dans ces villes, des petites communautés. Mais au final je crois que cet esprit de liberté s’est perdu depuis quelques années et qu’on a une manière plus « fermée » de voir les choses. Mais Berlin fait justement encore figure à part, c’est une ville où tu peux faire à peu près ce que tu veux.

–  Mais tu ne penses pas justement que Berlin est une ville qui tend à s’uniformiser ?

Si et ça l’est déjà un peu, mais je dirais qu’il y a suffisamment d’espace pour que justement ça n’arrive pas, tu peux toujours bouger ailleurs. D’ailleurs, regarde l’endroit où je vivais avant ressemblait plus à celui-là et puis beaucoup de personnes ont bougé et c’est devenu ce que c’est maintenant. Les gens ont voulu bouger là-bas par ce que c’était un endroit branché et puis ils ont commencé à se plaindre du bruit, des bars et ils ont commencé à fermer. C’est devenu silencieux, ce qui est parfait si tu veux une vie tranquille, mais si tu veux expérimenter la musique ou la culture locale, tout de suite ça devient plus difficile. Mais définitivement je pense qu’il y a ici suffisamment d’espaces libres pour qu’on ne subisse pas trop cette uniformisation que tu évoques.

– Et tu te sens d’élever ta fille ici ?

Oui tout à fait, tu sais quand tu as des enfants tu ne peux plus vraiment bouger à droite à gauche. Je suis retourné en Angleterre et entre temps j’ai enseigné l’anglais en Pologne. Mais je me sentais vraiment enfermé, à l’étroit en Angleterre. Comme si l’unique chose à faire était de travailler. Tu n’as pas l’opportunité de te développer, de mener à bien tes projets musicaux, tu es accaparé par le travail et ton loyer à payer. Même si en venant ici ce n’était pas mon intention première de travailler car la musique ça a toujours été un hobby,  j’essaie toujours de trouver des jobs pour heu .. ne pas travailler (rires). Donc tu dois composer avec cette réalité sans la laisser affecter le processus de création. Mais c’est cette situation difficile que tu injectes dans ta musique aussi, au final j’ai produit mes meilleurs morceaux quand j’étais dans ce genre de situations pas évidentes. Mais c’est commun, beaucoup de grands musiciens ont ainsi produit dans la même situation donc tu marches dans leur pas. Donc pour en revenir à ta question oui je reste ici !