Ce n’est ni un band ni un groupe de musique électronique à l’esthétique future jazz : le Gin Tonic Orchestra s’identifie avant tout comme un collectif, un concept en constante évolution.
 Un cocktail infaillible, simple et efficace, mais toujours en quête d’une petite dose de complexité. Créée sous l’impulsion du producteur Victor Dijoud et du batteur Léo Puccio, la formation live du Gin Tonic Orchestra prend plusieurs facettes, innovant sans cesse, avec des configurations variant de 2 à 8 musiciens. Repéré en 2019 grâce à une première sortie chez Mother Tongue, le Gin Tonic Orchestra enchaîne les dates et sort son album Shyance en 2023, ne cessant de piquer notre curiosité. De par ce esprit de collectif, naissent différents projets tels que SWB, Supreme Mascara et Press Love, à retrouver sur leur label Floors records. Alors, afin d’en savoir un peu plus sur l’univers des stéphanois, nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec Victor Dijoud, le temps d’un café crème à Saint-Ouen.
Alors, comment ça va ? Je dirais qu’il y a une très belle énergie en ce moment, sûrement liée à mon arrivée à Paris cette année. Je travaille actuellement chez Pusher Distribution et Favorite Recordings où je découvre un peu le monde de l’entreprise dans l’industrie du disque. J’ai eu plusieurs casquettes dans ma vie : avant, j’étais professeur de musique, j’ai été instrumentiste en musique classique, et j’officie toujours en tant que DJ-producteur. 
Il y a de beaux projets à venir avec Gin Tonic Orchestra et mon label. L’idée, c’est que tout le groupe monte sur Paris et qu’on puisse tous se retrouver pour travailler ensemble ici. On se croise souvent à Saint-Ouen en ce moment, c’est ton nouveau QG ? J’habite dans le 17e, mais je suis souvent à Saint-Ouen. J’ai plusieurs amis qui habitent ici notamment Maxence et Clémentine de Chuwanaga (que l’on salue ! ndr). Je me balade aussi régulièrement aux Puces, mine de rien, pour digger les dimanches. Et surtout, on vient de lancer un nouveau projet avec le lieu La Communale (la DA est assurée par La Lune Rousse qui gère aussi Ground Control, ndr) et notre label Floors. Une série de résidences va se mettre en place, et on a déjà commencé cette année avec une première en mai dernier. La prochaine est prévue pour le 17 janvier 2025. L’idée, c’est de revendiquer notre identité musicale à travers une jam session mélangeant la culture de la musique électronique et le live. Avec GTO, vous avez commencé à produire sur le label Mother Tongue, un label tourné vers l’international (avec des artistes comme Ron Trent, Kaidi Tatham, K15…) Oui, ça remonte à la période où je vivais à Lyon. Je sortais beaucoup au Sucre et c’est de cette manière que j’ai rencontré Volcov du label Neroli, une personne assez incroyable tant humainement qu’artistiquement. Après lui avoir envoyé des démos, il a proposé de sortir mes productions, des morceaux sans batterie, tout en électro sur un label italien, qui allait avoir sa propre usine de pressage.
 C’est ainsi que j’ai monté le projet sous un autre alias dans l’idée de le sortir avec des musiciens. J’ai fait appel à des amis à Saint-Étienne, comme Léo Puccio, batteur, et Josselin Marnat, claviériste. On a remodelé ces productions en y intégrant une batterie live et un Rhodes, dans un esprit future jazz et broken. Le disque est alors sorti sur Mother Tongue.
 Ce qui est marrant, c’est qu’à ce moment-là, on a monté un live à la hâte avec cinq musiciens pour faire une première date au New Morning à Paris. Ensuite, on est partis en Italie jouer à Vérone pour l’inauguration de l’usine de pressage de Mother Tongue. Cela a été suivi du lancement de notre propre label, Floors Records, pressé et distribué par Mother Tongue.
Vous êtes aussi sortis sur le label Heavenly Sweetness.  Oui, cela fait suite à un appel à projets pour le festival Jazz à Vienne en collaboration avec Heavenly Sweetness. Le label cherchait des artistes émergents et innovants de la nouvelle scène jazz. On a envoyé des démos, et après avoir été sélectionné, on est apparus sur une compilation de pré-enregistrements de concerts du festival Jazz à Vienne, aux côtés d’autres acteurs de la scène du moment. On a fait deux dates avec GTO, le même jour : une l’après-midi et une le soir, avec deux sets différents.

Nous souhaitons que notre musique soit destinée au club et qu’elle ne soit pas simplement associée au jazz-funk ou au new jazz. Trop souvent, on nous colle cette étiquette de “jazz”, et nous essayons justement de briser cette image. En réalité, nous sommes très influencés par la musique électronique ; le jazz, c’est plus un moyen d’exprimer notre identité.

Comment définiriez-vous l’esthétique de GTO ? Nous souhaitons que notre musique soit destinée au club et qu’elle ne soit pas simplement associée au jazz-funk ou au new jazz. Trop souvent, on nous colle cette étiquette de “jazz”, et nous essayons justement de briser cette image. En réalité, nous sommes très influencés par la musique électronique ; le jazz, c’est plus un moyen d’exprimer notre identité. Il y a bien sûr l’aspect de l’improvisation, très présent, mais l’idée est de peaufiner notre esthétique et notre genre dans un esprit de musique électronique. À l’origine, Dego et Kaidi Tatham n’aiment pas le terme “broken beat”, même si tout le monde les associe à cette scène. Finalement, lorsque ta musique sort, elle ne t’appartient plus vraiment : ce sont les gens qui lui donnent ensuite un nom, un genre, celui qu’ils souhaitent. Dans un souci de perfectionnement, de polir les moindres aspects, nous avons pris plusieurs mois cette année pour enregistrer notre prochain EP. On travaille les textures, on joue avec les pédales, on mixe d’une manière à ce que ce soit à la fois tight et heavy.
L’objectif est de destiner notre musique au club, même si elle sonne différemment car elle est jouée avec une vraie batterie. Tu t’es toujours un peu inspiré de la scène UK dans le jazz ? Je pense à Eglo Records par exemple. La scène jazz UK, c’est vraiment très vaste… Je dirais que je suis plus influencé par le britfunk des années 80 et la scène broken beat du début des années 2000 avec Kaidi Tatham, Seiji…. La scène UK a vraiment un truc unique d’un point de vue créatif, avec une grande capacité à s’inspirer de plein de genres différents. Le broken beat c’est quand même un vrai mélange (dnb, jungle, afrobeat, 2-step, jazz…) et les Anglais ont ce truc particulier au niveau du son. Un morceau de britfunk ne sonne pas du tout de la même manière que du funk ou de la disco US. Ils ont ce son bass et drums qui est très mis en avant, et ils sont vraiment forts là-dedans. Dans la britfunk, tu retrouves des kicks bien marqués et des basses qui sont mises en avant. Ça peut être un peu breaké, très rapide… C’est un peu ma conception de ce que j’aime dans le son UK.
Peux-tu nous présenter votre formation actuelle ? Léo Puccio, à la batterie : il est plus influencé par le rock et très funk, dans l’esprit de Parliament, Funkadelic et Prince. Un style un peu heavy, bien droit, avec des groove super intéressants. Léo Aoun est à la basse : un esprit jazz, jazz-funk des années 70. Clément Céni à la guitare : il a un univers plus rock psyché, expérimental, soft rock, et qui se reflète dans son jeu de guitare. Théo Giroudon avec son sampler MV8000, une sorte de MPC un peu plus vieille : il explore le vaporwave, 80’s boogie, dans l’esprit d’Apron Records, avec un son un peu déstructuré. C’est vraiment intéressant d’avoir cette diversité, car chacun apporte sa singularité et son identité propre au projet. Quels sont vos futurs projets pour 2025 ? Notre prochain EP sortira le 14 mars 2025 sur Floors Records !
 Côté side projects à venir sur Floors, le projet Presslove avec un premier volume, et plusieurs various “From The Vault” uniquement digital, devraient voir le jour rapidement. Si tout se passe bien à partir de janvier, on devrait sortir un nouveau various chaque mois !
Unity : 17 janvier 2025 (La Communale, Saint-Ouen) EP : 14 mars 2025, Floors Records. Gin Tonic Orchestra Floors records

Crédits photo : Antoine Largeron