French Connection - Chez Damier, Siler & Dima, Thomas Zander

J’ai souvent entendu de la musique house qu’elle était une histoire de famille, que tout le monde y était ami : rarement je ne l’ai senti autant qu’à l’écoute de ce bel EP. French Connection résulte de l’association de Siler & Dima, jeunes parents de Popcorn Records et de Thomas Zander, avec leur idole de toujours Chez Damier, légende originaire de Chicago : une initiative qui respire l’amitié et la bienveillance, les sourires sincères, les étreintes fraternelles.

Cette review saura s’apprécier à l’écoute d’extraits de ce disque, disponible via soundcloud.

Au delà d’un aspect révolutionnaire qui n’est ici et de toute façon pas en jeu, cette sortie (la septième du label) n’a de prétention que son honnêteté. Et elle lui sied à merveille.

Tout au long des quatre pistes au moule commun – on parle d’une session de jam nocturne entre quatre amis – les producteurs français et Chez nous cajolent de souvenirs à la fois heureux et mélancoliques, une nostalgie indécise et qui fait le choix de ne pas le prendre.

Il flotte le voile d’une certaine réserve au dessus des deux premières pistes et attribuées aux trois français (Speechless – Original Mix et Club Mix) ; elles en seront peut être les plus touchantes, habillées du charme de la maladresse, de l’appréhension de l’oisillon à la première chute libre. Par une ligne de basse ronde et roulée d’un clavier lancinant et rappelant le Dionne d’Osunlade, ils nous prennent très vite la main et nous emmènent danser : Herbie Hancock nous noie de rires et d’exclamations joyeuses « It was the most amazing feeling I’ve ever felt », nous entraine dans son euphorie et nous nous envolons dans le tourbillon d’une rythmique aux humeurs free jazz qui ne sait pas s’arrêter de vibrer. Le club mix propose une variante plus deep, aux références moins osées ; peu importe, il a aussi en lui cette essence chaleureuse, le bon vivre d’une embrassade franche entre deux vieux amis.

Les deux propositions suivantes sont signées Chez Damier et jouent dans une autre cour. On perd en innocence (sans rien perdre en honnêteté) et nous sommes immédiatement plongé dans le vif du club. Alors le piano de Keith Jarrett y est agréable parmi l’hommage au Rex Club de Paris, mais fait presque office de justification : ces harmonies tiennent du détails et trahissent presque la volonté de Chez d’éditer un morceau à la fois dansant et nostalgique. La bravoure tient plutôt dans une ligne de basse (Speechless – Play It Again Edit) à la simplicité déconcertante. Elle, qui fait perdre la tête, rappelle d’un clin d’oeil subtil qu’elle n’est que le fruit de l’expérience du maître et qu’il n’existe pas de raccourci vers l’assurance dans l’instinct de composition.

Alors, on peut dire finalement que cet EP expose deux notions différentes de la musique, somme toute complémentaires : le travail fou et l’accélération de jeunes producteurs face à un ponte qui gère comme il le peut son maintien au sommet ; et l’un comme l’autre, dans un pari tout aussi risqué, y répondent avec classe et simplicité. Une compétition taquine et joviale qu’on ne se lasse pas d’écouter.

Note globale : 4/5