Déjà 10 sorties sur le label nantais qui ne cesse de faire parler de lui depuis quelques mois dans le monde de l’underground. Et pour la deuxième fois sur Fragil Musique, c’est le mystérieux Imugem Orihasam qui s’illustre. On ne sait pas grand-chose du producteur japonais, hormis qu’il fait beaucoup parler de lui à chacune de ses apparitions (il a notamment sorti un ep sur Sistrum Recordings, le label de Patrice Scott). Ici, il propose 3 morceaux accompagnés d’un remix de Low Jack & Raphael, D.A du label et dj killer de dancefloor. Les extraits sont en écoute dans le player soundcloud ci dessous :

Presque huit minutes pour Closer View, le morceau phare de l’ep qui se démarque par son groove déstructuré et ses rythmes syncopées. La rythmique est lourde, les éléments s’ajoutent les uns aux autres et arrivent lentement. Des fx de noises, des effets distordus et des textures dark et profondes se succèdent pour enfin laisser place à une ligne d’acid qui se tord dans tous les sens. Ce pattern d’acid prend de l’ampleur au fil des minutes; ça y est, le morceau est lancé et de grosses reverbs accompagnent les claps pour ajouter un peu d’épaisseur au morceau. Closer View s’inscrit définitivement dans la veine de cette Techno Dubstep made in Hessle Audio. Alors bien sûr, ça ne plaira pas à tous les publics ni à tous les dancefloors, mais l’ep séduira très certainement les fins amateurs d’EDM. En tout cas, nous on adore.

Shakjer, le deuxième morceau de la première face est construit comme une étrange boucle d’une minute trente qui évolue peu. On devine une certaine cohérence avec le premier track malgré l’absence de kick et c’est une nouvelle fois l’atmosphère dark et pesante du titre qui saisit en premier. Le synthé principal est une ligne de basse grasse et au grain très particulier, tandis qu’une nappe sombre résonne en arrière fond. Dans le style, ça nous a tout de suite fait penser à ce superbe morceau de Kyle Hall & Kero sorti sur Wild Oats : parfait !

Et c’est ce track qui a été choisi par Low Jack & Raphael pour le remix. On peut dire que la collaboration entre Low Jack, que l’on voit de plus en plus au sein de la scène underground française, et Raphael, patron d’un label jeune en pleine effervescence est très intéressante. Les deux compères se sont amusés à transformer le titre original en un parfait tool raw taillé pour le club. Tout commence avec une rythmique basique et un hat de 707 saturé, percutant, incisif. C’est ce hat qui donne la cadence et l’énergie du morceau. S’ajoutent ensuite des shakers de 707 et deux toms que l’on devine à peine. Le morceau est très minimaliste et le mixage est travaillé de telle sorte que le track soit un vrai tool sec et entrainant. Je n’étais pas très fan du remix la première fois que je l’ai entendu, trouvant la structure un peu trop simpliste. Il est vrai que le morceau n’évolue pas beaucoup, mais j’ai compris le style et j’ai senti le caractère si particulier du morceau lorsque j’ai entendu Raphael le jouer en club (au passage, voir Raphael jouer un morceau gravé sur cd m’a bien amusé, tant la chose est inhabituelle venant de sa part). Pendant le break, seul le hat, l’âme de ce titre, continuait d’imposer la cadence, tandis que le pad sombre, unique élément de l’original utilisé pour le remix, arrivait. C’est ensuite un gros kick qui retentit et qui emmena tout le public sur son passage. Alors oui, ce morceau est simpliste, très linéaire, et on pourrait le comparer à une ébauche peu aboutie, mais le titre est très efficace et le mixage correspond parfaitement à cet esprit Raw, Ghetto. À ce propos, en écoutant plus attentivement, on entend également en arrière plan un souffle continu qui fait penser à ceux présent sur les vieilles machinedrums. Ce souffle d’arrière fond rend le morceau encore plus raw et c’est très certainement voulu !

Any Point In the Air, le dernier morceau du maxi sur la face B est un peu moins convaincant même si le titre demeure cohérent avec l’ensemble de l’ep. Toujours dans cette veine techno expérimentale, on a cette fois affaire à un track plus lent, avec des pads planants qui rappellent des sonorités présentes dans la dub/drum’n’bass.

Une chose est certaine, cette dixième sortie made in Fragil Musique a du caractère. Malgré ses influences marquées et assumées pour des labels comme Hessle Audio ou Wild Oats, Imugem Orihasam garde une patte bien à lui sur ce maxi. On sent également l’influence londonienne, Raphael s’étant installé dans la capitale UK à la rentrée dernière. Une chose est sûre, ce qu’il y a de bien avec le directeur artistique de Fragil Musique, c’est qu’il ne réfléchit pas en fonction de la tendance : “Mes releases vont-elles plaire, suis-je dans la tendance actuelle ?”. Paradoxalement, c’est comme ça que sa musique touche le plus de monde parce que la démarche est sincère. Et seul un unique mot d’ordre compte pour le label nantais : qu’importe le style, c’est la qualité qui prime avant tout. Avec cette dixième sortie, Fragil Musique et le Japonais Imugem Orihasam prennent tout le monde de court tant l’ep rompt avec le style plus Techno & House auquel on était habitué sur le label. Entre musique expérimentale, Techno & Dubstep, on ne peut qu’apprécier la prise de risque !  L’ep est déjà recommandé par Ben UFO et Surgeon, la classe !