La fête de la musique, douce première journée d’été durant laquelle, un petit peu partout dans le monde (une centaine de pays d’après la bible Wiki) les musiciens d’ici et d’ailleurs, du Lundi comme du Dimanche, nous offrent, bien souvent gratuitement, à même le bitume, les dalles, les pavés et autres folies d’architecture urbaine leur musique. La fête de toutes les musiques se plaisent à dire les plus téméraires. Pour autant, il faut bien l’avouer, on a très souvent l’impression de revivre, année après année, les mêmes moments, là, suspendus entre la beauté, le rire, l’innocence, la découverte, la gêne et le bonheur.
1) Le solo de flûte de pan de ce groupe d’indiens qui ressemblent d’ailleurs plutôt à des pakis.
Si on t’avait prévenu, t’aurais vu la supercherie arriver de loin, mais comme d’habitude personne ne t’a rien dit. Toi, jeune, fringuant, insouciant, tu voulais plus souvent être l’indien parce que se peinturlurer la gueule c’est cool mais aussi parce que la musique du dernier des Mohicans, elle transpire la vie, la mort, l’amour et plein d’autres choses. Tu le sentais à l’époque. Bon quelques années plus tard, le mohican a pris de sacrés bisons dans la gueule et ses solo de flûtes ressemblent plus au Titanic de Céline Dion qu’à tes beaux souvenirs.
2) La chorale qui rappelle les longues heures de catéchisme.
De prime abord tu es bien souvent attiré. Bha oui, y’a un putain d’attroupement et tu n’entends foutrement rien. Et hop, surprise, bien alignée, comme des daltons sous lexomil, la bonne chorale du Dimanche. Celle qui te rappelle ces longues heures de catéchisme avec la bonne Jeanne-Marie qui puait quand même sacrément de la gueule. Oh, mais tiens, elle est là ! Et son grand frère aussi, enfin ses grand frères. Et les petits aussi. Et les soeurs aussi. C’est joli, c’est juste, mais c’est quand même gênant. Tu sais pas si c’est ce souvenir d’haleine ou juste la scène.
3) Cette fille beaucoup trop bonne qui par contre chante vraiment comme une merde
Chaque année elle est là. Son répertoire, mis à part un nouveau Gauthier et quelques Coeur de Pirate, ne s’est pas trop étoffé mais bon, on final il faut l’avouer, on s’en branle pas mal. L’important est ailleurs. Loin de toute considération artistique, loin de la justesse d’une voix. Car au final ça sert à quoi de chanter juste ? Non l’important se situe là dans ce sourire et ce décolleté qui annonce, à la bonne heure, le début de l’été. Bon, simplement, une fois la magie de cet instant partagé avec toi et toi seul disparue, il ne te reste plus que ses gémissements stridents. Ca sert à quoi de chanter juste ?
4) Ton père qui revit ses plus belles heures grâce à ce mec qui “chante vraiment comme Sting, c’est dingue !”
Car la fête de la musique est ce magnifique mélange des générations, cette réunion autour d’émotions universelles et plus encore, tu te retrouves inévitablement avec ton père qui revit les années 60-70-80, c’est selon, avec le même entrain qu’à ses 20 ans. Tu n’as beau pas bien saisi “merde ce type a quelque chose ! Il sonne exactement comme Cock Robin !”. On est quand même bien dans la merde nous pour dire dans 20-30 ans “C’est dingue, ce type sonne exactement comme la Swedish House Mafia !” Putain de musique électronique !
5) Ces enfants trop mignons qui tapent, même pas en rythme les cons, sur leurs tambours reçus à Noël.
Et bien voilà, parce que ce sont des enfants, et que la fête de la musique c’est la fête de tout le monde, on a plus le droit de rien dire. Juste de regarder tendrement et de sourire un peu comme ça. Le tout en essayant d’avoir l’air le moins pédophile possible, en se disant que pour des gosses, certes ce n’est pas en rythme, mais c’est pas si mal que ça, en se demandant si nous-même on arrive à taper en rythme, en souriant également aux parents pour leur dire à quel point leurs enfants sont beaux et doués et en applaudissant le plus possible parce que “regarde comme c’est mignon, il est tout timide“. Le plus gros problème est que bien souvent, on a même pas envie d’avoir une autre réaction.
6) Ce chanteur de métal qui pogote avec ses potes, bloque tout la rue et “Oh Merde ! Il a dégommé la vieille qui passait“
La fête de la musique, ce moment où le commun des mortels rencontre le métal. Pour certains c’est amusant, facile et récréatif. Pour d’autres c’est comme rencontrer le diable, le mal en personne. En plus, ce diable-là fait un petit peu chier car il bloque toute la rue. Un quoi ? Un pogo ? C’est une danse ? Et puis quoi encore, “ce sont des sauvages !“, “surement la crise d’adolescence, ça leur passera“. Mais inévitablement, ils finissent par dégommer la vielle qui habite juste au-dessus. La pauvre voulait juste rentrer chez elle. Un pogo donc ?
7) Ces punks à chiens qui dansent de manière tellement chelou que tu comprends pourquoi ils sont à la rue
Comme la plupart des fêtes gratuites en plein air, la fête de la musique est l’occasion de découvrir pour la plupart des gens que non, les punks à chien ne passent pas toute leur vie assis par terre. Ils dansent aussi. Bizarrement oui. Et non, j’entends vos sornettes d’ici, ils ne dansent pas qu’avec leurs chiens. Par contre oui, bien souvent le chien aussi il est content alors personne n’entend plus rien à la musique. Et puis même si c’est sur une reprise de Francis Cabrel, c’est pogo ! Vous allez pas faire chier.
8) Ce type tout seul avec sa guitare qu’on entend pas à cause de la reprise de Sum 41, là, à deux mètres
En plus ce qu’il fait à l’air cool mais on dirait vraiment que c’est un mime. Et puis bon, tu pourras foutre tous les Bob Dylan, tous les Sixto Rodriguez du monde, s’ils avaient eu un bon vieux Sum 41 à côté lors de leurs débuts et bien je peux vous dire que le Sugar Man, en Afrique du Sud ou ailleurs, on n’en aurait rien eu à carrer.
9) Ce groupe qui a plein de problèmes techniques à cause de ce foutu générateur mais c’est pas grave car “Y’a pas besoin d’instruments pour faire de la musique ! Allé a cappella tout le monde et on tape dans ses mains!“
Ou comment passer d’un moment gênant à … un autre moment gênant. L’expérience pardi ! Michel je peux vous dire qu’il en a fait des fêtes de la musique (c’est aussi pour ça qu’il ne sait que reprendre “I Love Rock and Roll” et “Angie” c’est la clef du succès), les problèmes techniques ça lui fait pas peur et ça lui permet même d’avoir de supers anecdotes : “En 1997, j’étais à Marseille pour la fête de la musique et là, tout d’un coup, putain le générateur électrique a sauté ! En plein milieu du show. On était sur le couplet de Cargo de Nuit et je sais pas ce qui m’a pris, j’ai pas voulu m’arrêter je le sentais bien. Alors j’ai demandé à tout le monde de taper en rythme dans ses mains et crois-moi ou pas, mais deux ou trois personnes ont repris a capella avec moi. J’en ai encore des frissons là“.
10) Ce mec par terre assis en tailleur qui fait des sons cools “mais bordel c’est quoi cet instrument ?“
C’est toujours bizarre car certes, la musique est bien souvent très bonne, mais au lieu de l’apprécier, tu te poses plein de questions : comment ça a pu lui venir à l’esprit de jouer d’un instrument dont 98% de la population n’a jamais entendu parler ? Ca le fait pas chier de toujours jouer tout seul ? Pourquoi on est obligé d’avoir toujours l’air en transe pour jouer de ces instruments ? Ou est-ce qu’il a bien pu acheter ce truc ? Et s’il faisait un bon vieux “Baby One More Time” avec ça, ça rendrait bien ? Et puis bon, tu comprends petit à petit pourquoi il joue tout seul et tu finis par te casser.
Charly
