La musique électronique a cette richesse, permise par l’autoproduction, qu’il ne faut pas toujours chercher les gros noms et les labels réputés pour trouver les bons. C’est une richesse difficile, parce qu’elle risque de se confondre avec une pléthore, tant la musique électronique souffre, aussi, d’un excès d’offre ; et donc, une richesse exigeante, parce qu’elle demande un travail de sélection sans cesse renouvelé, qui est au fond indispensable à la survie d’une scène. Un style, un genre ne sont vivants, et pas encore des objets passés et historiques, que quand leur production foisonne sans excès ni sclérose. Dans ce panorama de renouvellement, des nouveaux artistes font sans cesse leur entrée, et on les découvre au détour d’une émission ou d’une discussion : tel est le cas pour nous de Køemner, camarade de radio sur Piata Radio, dont nous proposons ici le titre “Belu Blue” en première.
Køemner, originaire de France et du Royaume-Uni, travaille dans les domaines de la musique électronique expérimentale, dub et minimale. Après s’être consacré à la musique en live, que ce soit en performance électronique, en concert ou en radio, et alors qu’il étudie à Point Blank, il se lance désormais en production ; l’avenir nous dira s’il y développe la même ligne, minimale, solaire, entre la disco et l’ambient, que ses shows. Pour son premier titre Belu Blue, qu’il sort en indépendant, Køemner nous emmène dans un monde de douceur et de calme ; moins qu’une bulle, c’est un lieu aux dimensions infinies, qui se perdent dans une immensité marine.
Car le morceau, que le rythme ternaire fait lancinant et régulier, est construit autour de la répétition assidue mais pourtant toujours légère d’un son cristallin. C’est d’abord (jusqu’à 1min46) la même et unique note qui revient ainsi sans cesse, en tournant dans un certain swing que donne le ternaire ; puis la voilà rehaussée tous les huit temps d’une seconde majeure, qui éclaire d’un coup l’atmosphère. Ternaire, majeur : autant d’artifices rares en musique électronique, qui donnent à ce morceau son individualité. Ce ternaire permet d’ailleurs de structurer rythmiquement le morceau, qui pourtant n’a pas de percussions, faisant de ce morceau un milieu entre un ambient pur et un son calme de minimale. Au fil du morceau, autour de ce son cristallin, les éléments vont et viennent, tous marqués par un caractère diffus, étouffé : la basse – comme une contrebasse de valse -, les nappes, un écho métallique ; de plus en plus, des chants d’autres instruments, et des voix humaines, parfois des cuivres lointains. Voilà donc notre seconde cristalline comme un sonar dans l’océan : seule ligne claire et directrice dans un environnement de mystère toujours bienveillant.
