Fin du premier chapitre et fin des manigances, des Shenanigans : Less-O aka Maxime Aussel signe son grand retour et nous dévoile Cri Du Coeur, second volet tout aussi personnel que percussif – dans son style sec et aiguisé qu’on lui connait. Comme un echo à son passé de batteur, on y entend la passion, l’obsession même, des drums. Cri Du Coeur est un disque subtil et versatile, bien ancrée dans la bass music et dans la fusion des genres – de l’amapiano aux rythmes latins, sans oublier les influences trap, très présentes.

Enregistré l’hiver dernier à Saint-Gervais-Les-Bains, le producteur nantais mais néo-parisien continue de nous plonger dans les profondeurs et la poésie de son esthétique. Tradition familiale oblige, ce second opus sort à nouveau chez TemeT – le label de son frère Simo Cell et de Souleiman Bouri – le 14 juin prochain.

Comment ça va ? Tu viens de t’installer sur Paris !

Ça va bien, je prends mes marques tranquillement ! J’apprends à connaître la ville, ça me change de ma vie à Nantes, c’est une nouvelle dynamique.

Ton nouveau disque va sortir très prochainement. Peux-tu m’en parler un peu plus ? Est-ce une suite du premier ?

On peut l’envisager comme une suite de Shenanigans EP. J’ai imaginé les covers autour de l’univers de la lame, comme une métaphore de mon style aiguisé. Alors que le premier représente un scalpel, un couteau dans le ciel, le deuxième tranche avec un couteau dans le sol. C’est la suite de l’histoire sur TemeT.

Parmi les cinq morceaux, on en retrouve un morceau produit avec Dites Safran (signé sur Man Band, le label de Toma Kami, ndlr) produit en rythme ternaire ; le titre est construit en 6/4 soit six temps sur quatre, quand la majorité des morceaux joués en club se jouent en rythme binaire, en 4/4. 
Jouer en rythme ternaire, c’est quelque chose auquel je suis assez attaché. C’est un mélange entre mes origines argentines – beaucoup de musiques latines sont jouées en ternaire – et via ma formation de batteur en jazz. Déjà sur Shenanigans EP, on retrouvait le morceau “A Third” – un tiers donc, joué en ternaire. Le titre avec Dites Safran s’appelle “Two Third”, deux tiers.

Comment as-tu réfléchis à la composition des morceaux ?

Dans mon processus de création, j’ai d’abord des idées en tête et finalement, à la fin, cela ne ressemble plus du tout à ça. Cela dépend beaucoup de mon état d’esprit. Pour ce disque, il y a quelque chose de très personnel, écrit à un moment de ma vie où j’ai ressenti des émotions fortes. En particulier sur le morceau “Cri du Coeur”, une référence à un moment particulièrement heureux de ma vie, qui représente avec mes mots cette émotion-là, le cri du coeur.

Ce morceau, je l’ai produis vraiment à l’instinct – en 3 jours, de manière très fluide, en peu de temps. Il se compose de plus de percussions que les autres avec moins de subs, un morceau assez deep. Sur “Last Mic Jack” qui reste vraiment dans mes influences de batteur, c’est full drums, full batterie, produit avec des samples de Michael Jackson : littéralement « dernière prise micro » en anglais, comme si Michael Jackson avait fait un dernier son. “Ghost” s’oriente plus vers la bass et la trap, et son titre est un clin d’oeil au morceau éponyme de Michael Jackson, encore lui. 
“Petrichor” quant a lui est une musique inspirée du style Amapiano revisitée à la sauce Less-O. Ce style vient d’Afrique du sud et me touche particulièrement, il colle vraiment à mon style de musique. Dans ce disque j’ai voulu expérimenter ma patte avec toutes mes influences, c’est un projet assez diversifié.

 

 

“Petrichor”, c’est un mot assez rare en anglais, cela signifie « l’odeur de la pluie après un orage » – image illustrée sur la pochette avec la flaque d’eau. C’est l’intro, le premier track, c’est l’odeur de la pluie.

 

less-o-interview-phonographe-corp-temet

Justement, revenons à ton premier disque, Shenanigans EP.

À ce moment-là, je faisais déjà un peu de production dans le but de sortir des instrus pour des rappeurs, mais je ne m’imaginais pas sortir mes propres morceaux. 
En parallèle, je sortais beaucoup en club à Nantes : au Macadam et aux soirées Re-Cell organisé par mon frère (Simo Cell, ndlr) au Trempolino. 
En termes d’influences, j’aime beaucoup la trap et vu que j’ai fait de la batterie, je kiffe le rythme à mort et les esthétiques proposées par mon frère m’ont beaucoup inspirées.
C’est à ce moment là que j’ai commencé à créer mes premières productions. C’était la période du Covid, je travaillais de nuit dans un EHPAD et à côté, je produisais. J’ai écrit une bonne partie des morceaux de Shenanigans EP là-bas. Un peu comme Orelsan dans son hôtel ! (rires) 
(Orelsan a commencé ses premières productions quand il travaillait à la réception d’un hôtel, ndlr) 
J’ai envoyé mes morceaux à mon frère, sans attente particulières, plus pour avoir un retour dessus. Et de fils en aiguilles, le projet lui a plu, c’est sorti sur TemeT.

“Shenanigans”, pourquoi ce titre ?

“Shenanigans” veut dire manigances, magouilles, entourloupes en anglais. J’aimais beaucoup ce mot et je le trouvais très interessant visuellement. Quand j’ai vu la signification, je me suis dis que ça fonctionnait bien avec mes morceaux un peu trap avec des ambiances dark. Ça sent un peu la magouille. Les gens ne comprennent pas forcément car c’est un élément de vocabulaire en anglais peu répandu.

Quel set-up utilises-tu ?

Je produis principalement sur Ableton où j’installe des plug-in, que ce soit des orchestres, des trompettes etc. Tu as tout de sortes de sons, de samples, des voix, des mélodies. J’utilise un site pour trouver mes sons et mes samples. Après je les découpe, et j’ajoute des effets. Dernièrement j’ai fais l’acquisition du Push 3, un synthé avec des pads et avec Ableton intégré dedans où tu peux tout faire, tout créer. Je suis en train de me focus sur un nouveau projet de live à venir avec TemeT. 

less-o-interview-phonographe-corp-temet

Avant d’aborder le futur, revenons aux origines. Tu as grandi dans une famille de musiciens.

Mon père est un virtuose, une légende de la guitare classique. Il est arrivé en France pour passer le concours de Radio France. Cet épisode a lancé sa carrière. Ma mère fait aussi de la guitare classique et c’est comme ça qu’ils se sont rencontrés. Depuis tout petit, j’ai toujours baigné dans la musique de mes parents – mon père de par ses origines argentines a toujours joué de la musique latine, tout comme ma mère, et ils étaient aussi très influencés par le répertoire de la musique contemporaine. Tous les soirs, je m’endormais avec la musique de mes parents.

De mon côté, je n’avais pas envie de faire comme eux – ça a toujours été les drums, mon truc. Je tapais sur les tables, je tapais un peu partout. On me disait d’arrêter de taper partout. “On va t’acheter un djembé si c’est comme ça !”. 
J’ai eu mon djembé, mais surtout c’est à ce moment là qu’ils m’ont mis à la batterie (rires)

J’ai ensuite fait 8 ans de batterie, j’ai joué dans un groupe et puis j’ai arrêté. 
Mais la musique ne m’a jamais quitté, j’écoutais toujours beaucoup de son. Je suis un grand fan de Michael Jackson, sa musique m’a toujours inspiré – la preuve en est avec : “Last Mic Jack”. À l’époque, je connaissais tout et j’apprenais même les chorégraphies ! La danse, la musique, en soit tout est lié. Son style est très sec, très vif, avec ses pas de danses qui suivent la musique. Tout cela m’a beaucoup influencé..
. Et bien sûr, l’influence de mon frère, qui commençait à jouer et produire de la musique électronique.

Et donc après ce disque, quels sont tes futurs projets ?
En ce moment je suis en train de préparer un live pour une prochaine date TemeT (la release party de ‘Cri du Coeur’, le 28 juin à La Station à Paris, ndlr) Bien sûr, continuer de produire et sortir un troisième disque. On verra où !

Tu souhaites sortir des choses en dehors de TemeT ?
Oui, la question se pose, cela reste à méditer. J’aime beaucoup bosser en famille et Simo comprend vraiment ma musique, on vient du même univers via notre éducation mais ça peut aussi être intéressant de découvrir quelque chose d’autre sur des prochaines sorties. J’ai plusieurs labels en tête et j’y travaille mais quoi qu’il en soit je serai toujours présent pour des projets dans TemeT.

Un troisième disque donc… 
Oui, mais en attendant je travaille mon nouveau projet de live pour la prochaine date TemeT, le 28 juin prochain. Un projet qui me tient particulièrement à coeur, avec de gros solos et des éléments de batterie. Je vais mélanger les deux disques et jouer tout avec mes mains comme si j’étais avec une batterie. Le live, c’est la pratique dans laquelle je m’épanouis le plus. J’ai besoin de jouer, de créer. Une chose est sûre, je prioriserai toujours les lives aux DJ sets.

 

Less-O, Cri Du Coeur (TemeT)
En live le 28 juin à La Station Gare des Mines à Paris, avec Simo Cell b2b Another Pixel, Toma Kami, CCL.