Depuis quelques années, la scène française bass continue son développement et s’invente (elle est peut-être un peu jeune pour se réinventer). Certains projets ont mûri, tandis qu’une myriade de nouveaux acteurs se fait une place, dans la scène comme dans son style musical, qu’ils font évoluer. Virtual Forest Records, né en 2021, fait partie de ces nouveaux acteurs très prometteurs dont l’ambition est de renouveler la bass music en explorant ses genres limitrophes. Dans une tendance qui s’affirme de plus en plus, ce label, dirigé par Natural Limit, Solma et Fluid Matter, pourtant héritier d’une techno et d’une bass aux sons percussifs à l’époque toujours secs, n’hésite notamment pas à aller piocher dans des textures plus grasses, plus soufflées, encore trop souvent décriées, pour savourer la combinaison de ces influences à la fois wave, trance, voire EDM, avec des rythmes breakés bien anglais. Pour sa cinquième sortie, il nous offre une grande compilation, No Digging After Midnight, réunissant douze artistes récents, français, dont on espère qu’ils feront le futur de leur genre.

Avec grand plaisir, nous accueillons une première de la 4e track du VA, “Quartz Resonance”, produite par le duo Sramaana, un des profils les plus techno de la compilation. Forts de sorties sur Credo (Tesseract, 2019), Webuildmachines (Intrication, 2019, Host Possession, 2021) et Skrymptöm Records (Dystopian Odyssey, 2021, et Endless Levitation, 2022), Sramaana, dont le cœur de métier est une techno régulière et profonde (“Transfer Interferences”, Endless Levitation), aux sons rudes, parfois industriels, a néanmoins toujours su faire place à un aspect mélodique ( “Quantical Attraction”, Dystopian Odyssey) et à des rythmes breakés (“Host Possession”). C’est ce dernier caractère d’irrégularité rythmique qu’on retrouve dans “Quartz Resonance”.

Quartz Resonance est un morceau profond, construit autour de deux éléments majeurs. D’une part, ce balancement rythmique particulier, qui le place entre un track à deux et un track à quatre temps, balancement compensé par le roulement régulier des shakers, puis cymbales et autres percussions étoffées au fil du morceau. D’autre part, la texture mélodique principale, faite d’un synthé acid (entré vers 1min), assez grave, et doublée d’une basse acid plus rapeuse, à l’unisson mais à l’octave du dessous, dont l’écho et la reverb emplissent l’ensemble du spectre sonore. Rehaussées par l’entrée progressive d’accords plus vocaux après le deuxième pont (vers 2min50). leur rudesse est contrastée par la rondeur et la largeur du kick. Il est très notable qu’à part l’accord des voix qui vient derrière, qu’il ne faut pas sous-estimer, l’aspect mélodique du morceau est assuré par une seule note, dont les variations d’effets (oscillations de l’acid) constituent les seules variations mélodiques.

Ces deux éléments – acid et rythme – se combinent pour rendre une énergie intense, mais contrôlée et projective. Ils sont aidés pour cela par un enrichissement progressif des sons : après le premier drop (vers 2 min), on distinguera de subtils jeux de percussions sèches en arrière plan, avant l’entrée du clap (vers 2min35) dont l’écho reste suspendu, tandis qu’après le second drop (vers 3min10) les accords vocaux et le jeu de cymbales achèvent la montée en puissance du morceau. On ne manquera pas l’excellente rupture rythmique, déstabilisante, à 4min20 !

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