Fort d’une carrière encyclopédique et ardent activiste de la période Acid House au Royaume-Unis, Baby Ford est l’un des piliers  de la scène anglaise. Initiateur d’une multitude de projets collaboratifs avec, entre autres, Thomas Melchior, Zip ou Mark Broom, il est de ces artistes pour qui l’inspiration apparaît comme intarissable et pour qui musique a toujours rimé avec partage. S’il a expérimenté de nombreux styles différents, à l’instar des ses productions chez Sire Records, chez King Rythm ou sous son pseudo Minimal Man, il n’a eu de cesse de se renouveler. Instigateur d’une certaine idée de la deep house et maitrisant un spectre musical extra large, ses dj sets ont le mérite d’être éclectiques et toujours de très bon goût. Il était au Point FMR à Paris, nous sommes allés à sa rencontre.

– Salut Peter on est à Paris, au Point FMR où tu vas jouer dans quelques instants en tant que dj, peux-tu te présenter ?

Baby Ford : Me présenter, oui bien sur je suis Peter content d’être là.

– Tu as commencé ta carrière au Royaume-Uni, peux-tu nous raconter comment l’Acid House est arrivée en Angleterre ?

Baby Ford : Cette musique est arrivée massivement de Chicago avec pas mal de productions jackin’ mixée avec un peu de techno de Detroit mélangée ensemble. Ça s’est propagé  via les stations de radio et les clubs à Londres.

– Comment as-tu été amené à participer à ce mouvement ?

Baby Ford : Je ne sais pas, j’en faisais partie. Je suppose que n’importe qui d’autre aurait pu en être. Il y avait beaucoup de choses qui venaient avec ce mouvement et qui m’attiraient, dans les productions  de l’époque: le rythme, la disco et ce qui en découle, l’aspect électronique, l’aspect soulful, les vocaux et certains mélanges plus abstraits ou obscurs, l’acid et la techno.

[audio:http://www.phonographecorp.com/wp-content/uploads/2012/04/Baby-Ford-Feel-sensual.mp3|titles=Baby Ford – Feel sensual]

 Thomas Melchior – Feel Sensual

– Quel regard as-tu aujourd’hui vis-à-vis de la scène au Royaume-Uni en comparaison avec les beaux jours de l’Acid House ?

Baby Ford : De manière assez triviale,  je vois toujours des gens danser sur de la musique sans se battre.

– Avec le temps ton approche de la fête n’a-t-elle jamais changé ?

Baby Ford : J’ai commencé à mixer  seulement en 1991, j’ai mis du temps à m’y mettre. J’ai toujours été plus musicien que dj, à produire, à faire des vocaux…  Mais dans mon ressenti rien à changer depuis que j’ai commencé.

– Au début de ta carrière on sent que ton son est clairement influencé par Chicago mais au fil du temps on remarque que tes productions deviennent de plus en plus deep. Comment expliques-tu cela ?

Baby Ford : Je pense que plus je m’implique dans cette  musique plus le résultat devient deep, c’est inévitable. Cela semble normal au fil du temps tu essayes de prendre de la profondeur dans ton travail. Ce n’est pas intentionnel mais c’est ce qui ressort de ton travail à un moment donné. Que je le veuille ou non ça devient deep, mais j’aime toujours autant certains tracks plus rapides et beaucoup plus taillées pour le dancefloor avec de gros groove et des éléments soulful.

– Est-ce que la rencontre avec Thomas Melchior a eu un rôle dans ce changement ?

Baby Ford : On a commencé à travailler ensemble à la fin des 90’s mais on était déjà amis bien avant ça. Avant une histoire de collaboration musicale, On a surtout une histoire d’amitié. L’envie de faire de la musique ensemble est venue après, il travaillait sur un morceau (culte) « Feel Sensual » paru sur Perlon. Il m’a demandé si je voulais l’aider à faire le mixage : juste participer un petit peu. A l’époque on ne travaillait pas vraiment ensemble, c’est cette épisode qui a vraiment à marqué le début de notre collaboration. Evidemment, nous nous apprécions mutuellement, et il y a une alchimie qui fonctionne et que l’on n’aurait pas pu imaginer naturellement au début. On a essayé de développer ça, donc oui finalement je pense qu’il m’a influencé positivement.

[audio:http://www.phonographecorp.com/wp-content/uploads/2012/04/Baby-Ford-Morning-Sir.mp3|titles=Baby Ford – Morning Sir]

 Baby Ford & Zip – Morning Sir

– Tu as fondé un label avec Mark Broom, Ifach, au début des 90’s quel était le but de ce label ?

Baby Ford : Il n’y avait pas vraiment de concept, c’est encore une histoire d’alchimie, qui fait qu’on a voulu créer cette structure et la développer. C’est une histoire d’humain pas de concept. Les choses vont naturellement sans besoin d’avoir de concept. C’est de la musique avant tout.

– Pourquoi cette structure a-t-elle pris fin ?

Baby Ford : Mark a bougé à la campagne, c’était la principale raison. On se voyait beaucoup moins souvent. Comme avec Thomas à Berlin et moi à Londres.  Je pense que ce n’est plus d’actualité de toute façon, c’est du passé. On a toujours une grande amitié, ce n’est pas grave, c’est juste que physiquement si on n’est pas ensemble on peut pas faire de musique et garder cette structure prend beaucoup moins de sens.

– Tu travailles avec plusieurs artistes allemands et tu y vas régulièrement: as-tu déjà pensé à vivre en Allemagne ?

Baby Ford : Je vis à Londres, mais je travaille énormément en Allemagne c’est un peu comme ma seconde maison. Je suis très souvent à Berlin pour faire de la musique avec Thomas et Zip. J’ai loué un appartement pendant un an lorsque j’avais produit « Birth » avec Klaus Kotai en 97 mais c’est tout.

– Si on regarde ta discographie tu as fait une grande partie de ta carrière de producteur en collaboration avec d’autres artistes, comment approches-tu la musique lorsque tu es seul ?

Baby Ford : C’est complétement différent. C’est comme le jour et la nuit et c’est ce qui est bon car lorsque tu es un musicien tu travailles seul et parfois tu te sens rapidement isolé. Lorsque tu collabores avec d’autres artistes qu’ils soient dj musicien ou n’importe, le feeling vient tout seul c’est plus intéressant pour tout le monde. Cette alchimie est magique et vraiment grisante.

[audio:http://www.phonographecorp.com/wp-content/uploads/2012/04/Baby-Ford-Normal-Helston-Flora-Remix-by-AFX.mp3|titles=Baby Ford – Normal (Helston Flora Remix by AFX)]

Baby Ford – Normal (Helston Flora Remix by AFX)

– Dans les 90’s tu étais totalement engagé dans la scène Acid, mais sur internet une rumeur dit que tu aurais également travaillé avec Depeche Mode …

Baby Ford : Non pas Depeche Mode, ce sont des rumeurs qui trainent sur le net mais ça n’a jamais été le cas. Je n’ai pas travaillé avec eux.  Sur internet, ce qu’on trouve n’est pas forcément parole d’évangile, il faut toujours revérifier. Certaines personnes font l’erreur avec une tournée qu’ils avaient  fait en 1999 aux USA avec Erasure (Andy Bell & Vince Clark) qui sont proches de Depeche Mode. Je ne sais toujours pas d’où vient ce rapprochement, peut-être du fait qu’ils étaient signés sur Mute. Mais il n’y jamais eu aucune connexion.

– Dans quelques une de tes vieilles productions on peut entendre un homme chanter dessus est-ce ta voix ?

Baby Ford : Oui la plupart du temps c’est moi.

– Aujourd’hui réutiliserais-tu ta voix dans tes production ou cette époque est-elle révolue ?

Baby Ford : En fait je l’utilise tout le temps, si on ne l’entend pas toujours telle quelle.

– Ah bon ?

Baby Ford : Oui, c’est juste que parfois, ma voix  n’est qu’un élément parmi tant d’autre et ça forme un tout. Ce n’est pas nécessairement une caractéristique marquante, juste un élément. Les voix ont un véritable effet sur la musique, elles m’inspirent vraiment différemment que les sons électroniques. Elles permettent de donner une autre dimension aux morceaux. Elles rendent les morceaux plus faciles pour moi et plus appréciables pour ceux qui les écoutent. C’est comme un supplément d’âme dans le morceau.

– Tu as créé trois  labels, pourquoi avoir monté toutes ces structures finalement ?

Baby Ford : Encore une fois c’est un travail d’équipe, avec Ian Loveday sur Trelik on travaillait sur les productions de  Minimal Man donc on avait des idées et une approche différente que sur les autres labels, une plateforme spécifique était  peut-être nécessaire. J’avais déjà de l’expérience sur la façon de gérer un label avec Ifach. Trelik et Ifach n’ont pas du tout la même identité sonore.

– Aujourd’hui qu’est-ce qui te motive à produire pour d’autres labels ?

Baby Ford : J’aime partager ma musique, c’est agréable parfois d’être encadré et épaulé par quelqu’un d’autre. C’est une question d’équilibre et d’autonomie, mais parfois lorsqu’on a la possibilité de travailler avec une petite structure au sein de laquelle on se sent bien, et sur laquelle on peut compter c’est cool. Pour un artiste, lorsqu’on est approché par un label, ça montre aussi qu’on porte de l’intérêt à ton travail et s’ils sont sur la même longueur d’onde que toi, c’est très agréable de travailler avec les gens d’un label. Ce contact avec les artistes et les labels est plus une nécessité du fait du marché. Après ça reste de la musique il faut toujours que ça soit une question de plaisir.

–  Peut-on s’attendre un LP de Soul Capsule ?

Baby Ford : Ce pourrait être une bonne idée en effet. Le problème c’est que nous ne sommes pas dans les mêmes villes et que nous ne nous voyons pas assez souvent. On est très productif lorsque nous sommes ensemble, mais le format 12’’ est beaucoup plus fonctionnel que celui de l’album. Ce dernier est souvent lié à une écoute à la maison tandis qu’un Ep c’est fait pour les clubs. Pour qu’un album sorte, il faut avoir le temps, un fil conducteur cohérent, un concept, un feeling. Cela prend beaucoup de temps, de travail et surement un peu d’argent aussi, alors que pour l’instant nous ne travaillons pas du tout comme ça.

– Mais tu as déjà produit 5 albums pourtant, tu dois savoir comment on fait ?

Baby Ford : Ce n’est pas tant que ça. 5 ou 6. Je travail actuellement sur des nouveaux morceaux, est-ce que cela sera un album ou un Ep? Je n’en sais rien, je fais des dates avec Thomas et Zip un peu partout et ça me va.

– Si je te donne des noms de villes peux-tu me donner un nom d’artiste ?

Baby Ford : Ah non je ne peux pas faire ça. Ce n’est pas fair play, il y a trop de monde, je ne peux pas désigner une personne pour une ville. Puis il y en a de nouvelles qui apparaissent. Désolé.

– Un dernier truc que l’on aurait oublié d’ajouter ?

Baby Ford : Love !

[audio:http://www.phonographecorp.com/wp-content/uploads/2012/04/Baby-Ford-Windowshopping2.mp3|titles=Baby Ford – Windowshopping]

Baby Ford – Windowshopping

Merci à Baby Ford pour sa disponibilité, et à Alex  et Laetitia  pour cette super soirée.