On dit souvent que certaines aventures sont trop difficiles pour être couronnées de succès. Que le timing n’est pas le bon, ou que cela ne marchera pas. Tenir un webzine, lancer un magazine, éditer un livre, sortir un disque ou monter un label. Ces idées n’ont que rarement été des plans financiers très avisés, en 2010 comme en 2024. Et pourtant, les choses se font et tout va pour le mieux. Ça fait du bien même, de le voir comme ça. 

Bardouin Music est de celles-là, de ces idées qui voient le jour non pas à contre courant, mais tout en sachant que la route n’est pas la plus droite. Sans refaire l’histoire, lancer un label de musiques électroniques indépendantes à l’orée des années 2020 n’est la chose la plus aisée. Hyas, Louis Granat dans le civil, s’est écouté et nous voici quatre années plus tard aux côtés d’un des plus explorateur des sonorités club du moment. Laboratoire d’acid – house ou techno – à ses débuts, Bardouin Music suit les recherches sonores de son temps, avec un accent sur les hybridations. Multi-genres et furieusement club : c’est pourquoi nous l’invitons à notre prochaine sauterie, le samedi 20 avril prochain à La Rotonde, à Paris. Mieux : nous confions les clés à Hyas et ses invitées – Jacky Jeane et Thaïs, d’une des trois salles du club, de minuit au petit matin. De quoi retrouver toutes les expérimentations club chères au label, et plus encore. 

Salut Louis ! Comment ça va, ces jours-ci ? J’ai l’impression que tu es sur pas mal de projets !

Super bien ! Actuellement, je passe du temps dans mon studio où je termine quelques EPs. Je switch d’un projet à un autre, plusieurs fois dans la même journée, ça me permet de ne pas m’ennuyer ! J’essaie de varier, de faire des collaborations avec des artistes inspirant.es, de travailler les grooves et d’expérimenter de nouveaux styles. Je ne me donne pas de limites et j’ai hâte de partager tout ça.

La première sortie Bardouin Music date d’avril 2020 ; on se souvient tous ce que l’on faisait à ce moment-là. C’était quoi l’impulsion de départ ?

L’idée du label est venue lors d’un gig à Toulouse en 2019, où je me suis fait invité par ESBA. Après une longue conversation avec lui ce soir où l’on parlait de techno, breakbeat, acid, d’artistes locaux, on s’est simplement dit, pourquoi ne pas monter notre label en mettant la lumière sur la diversité de l’acid et les possibilités d’explorer ses styles. J’avais déjà en tête de travailler sur un projet avec la graphiste et typographe Clara Carpentier mais aussi d’avoir une plateforme pour permettre aux producteur.trices qui gravitent autour de moi de pouvoir s’exprimer.

Le label a rapidement su agréger et attirer des producteurs locaux – Jan Loup, Renart, Aurèle – tout en regardant ailleurs : comment as-tu défini les collaborations ? 

Avec Bardouin Music j’ai souhaité mettre en avant l’authenticité et la diversité des talents locaux. Puis la direction artistique s’est ouverte naturellement à des artistes d’autres pays, comme Mathis Ruffing. C’était un peu une évidence pour moi, et en même temps cette ouverture permet d’enrichir le catalogue du label et de se rapprocher de quelque chose qui me ressemble davantage.

Musicalement, il se passe beaucoup de choses mais il y a toujours de l’acid : une passion personnelle ? 

L’idée c’était de sortir de ces stéréotypes de l’acid house et acid techno et mettre en valeur la variété, d’explorer son plein potentiel à travers différents styles et différentes visions. Après avoir fait le tour, j’avais peur de tomber dans quelque chose de redondant, de perdre en originalité. Alors j’ai émancipé le label des sonorités acid pour des sonorités qui reflète mieux ma propre évolution artistique.

Acid donc, mais aussi rave, breakbeat, garage, électro façon Detroit… C’est finalement assez peu représenté comme genre dans les sorties actuelles. Est-ce que c’est le reflet de tes écoutes personnelles, ou des envies de recherches sonores ?

Mes propres préférences musicales peuvent influencer les choix des sorties du label, mais je m’efforce également de rester à l’affût des nouvelles tendances et des sons innovants qui émergent dans la scène électronique. En fin de compte, le label vise à offrir une plateforme à une diversité d’artistes et de styles musicaux, tout en restant fidèle à son identité artistique et à sa vision. Cette combinaison de mes influences personnelles et de l’exploration constante de nouvelles sonorités contribue à maintenir la pertinence et la fraîcheur des sorties.

Sur Warm Zone, le spectre musical et les invité.e.s s’ouvre un peu plus : une continuité, ou une volonté d’aller plus loin ?

Warm Zone, la prochaine sortie du label marque un tournant sur son évolution. On retrouve sur cette compilation 11 morceaux qui s’enchaînent vraiment bien, future trap, ambient, dubstep, techno, un univers assez sombre ou la profondeurs des basses à sa place avec une touche de modernité. On y retrouve des sons taillés pour le club mais aussi des morceaux à écouter dans des moments de calme. Compiler cette sortie c’était pour moi comme raconter une histoire en jouant avec la diversité et la richesse des producteur.trices qui m’entourent. Je suis hyper reconnaissant et particulièrement fier de cette release.

Six compilations et quatre EPs : on est plus fort quand on est ensemble, chez Bardouin Music ?

La formule de compilation/various artists est une démarche particulièrement intéressante, elle permet d’explorer et d’élargir constamment son spectre musical tout en le faisant évoluer. Au départ, cette approche offrait la possibilité d’obtenir des perspectives variées sur la musique acid, tout en racontant une histoire à travers une sélection de morceaux – certains destinés aux clubs, d’autres plus orientés vers l’ambient. Avec Bardouin Music, j’ai également la volonté de soutenir et de mettre en avant des artistes émergent.es en leur offrant la possibilité de s’exprimer à travers des EPs. Ce format plus long permet de développer leur style et leur vision artistique sur plusieurs titres, offrant ainsi une expérience plus complète et immersive pour les auditeurs.

Le label a évolué visuellement pour se concentrer sur des typos, des textures… Comment est-ce que tu collabores avec Clara Carpentier, qui signe les visuels ?

Le label est véritablement un terrain d’expérimentation pour Clara. La plupart du temps, j’arrive déjà avec les idées en tête mais il arrive également que nous réfléchissions ensemble à une base de projet. Pour les dernières sorties, elle a développé des lettrages inspirés de la calligraphie. Nous cherchons à nous affranchir de l’univers graphique stéréotypé de l’acid et de la rave, souvent associés à une esthétique des années 90s. Au lieu de ça, nous voulons créer notre propre univers graphique, puisant dans la calligraphie et des formes moins conventionnelles que celles généralement associées à la musique électronique, souvent perçue comme mécanique. La recherche va vers des éléments plus humains, des formes manuscrites inspirées de la calligraphie… Nous ne suivons pas une approche de branding traditionnelle, chaque pochette est différente à chaque sortie, avec très peu d’éléments constants. Clara interprète l’univers musical à travers l’image du texte, créant ainsi une identité en mouvement, tout comme la musique se déploie sur différents supports. Cette démarche nous permet d’explorer de nouvelles voies esthétiques et de refléter la diversité des releases du label. C’est une expérience passionnante où l’art visuel et la musique se rejoignent pour créer quelque chose d’unique à chaque fois.

À quelques jours près, le label fêtera ses 4 bougies au Disquaire Day, le samedi 20 avril à La Rotonde ! Le Mini Club sera votre terrain de jeu : on peut s’attendre à quoi, musicalement ? 

Très content de pouvoir être invité dans le Mini Club avec le label ! Je peux déjà vous dire que ce sera une soirée placée sous le signe des rythmes percussifs et des basses profondes, avec une intensité croissante – les spécialistes des selecta mentales Jacky Jeane (présente aussi sur la prochaine compilation, Warm Zone) et Thaïs, dont la musique représente parfaitement l’univers du label. Je serais également de la partie, et j’ai déjà hâte d’y être. Merci encore pour l’invitation, et rendez vous le 20 avril à La Rotonde Stalingrad.

Bardouin Music, Warm Zone
Retrouvez Hyas, Jacky Jean et Thaïs le samedi 20 avril pour une carte blanche Bardouin Music ! Infos et préventes.