Dinky apparaît comme un personnage unique en son genre dans le monde de la dance music. Quatre longs formats à son actif, un cinquième en route, de nombreux Eps cultes, un label « Horizontal » en jachère et une vision particulière de la dance music. Loin de tomber dans le cliché éculé de la djette trop sexy pour être honnête, Dinky appartient à cette race d’artiste en voix d’extinction qui se tiennent à une certaine ligne directrice sans jamais en dévier. De nombreux faits d’armes à son actif, un parcours hors du commun.  On a profité de son passage à Paris pour lui poser quelques questions.

– Plus jeune tu étais danseuse notamment pour les concerts de Peter Gabriel, était-ce facile de passer de la danse aux platines?

C’était différent et pas nécessairement plus facile. Le djing est également régi par une courbe d’apprentissage pas aussi longue que celle de la danse ou de la pratique d’un instrument. Mais cela prend du temps et spécialement si tu apprends avec des vinyles. J’étais habituée à être sur scène donc ça a aidé.

– Comment ta perception du public a changé lorsque tu es passée au djing?

Lorsque tu es danseuse professionnelle, le public est assis devant toi te regarde et retient la moindre de tes petites erreurs. Lorsque tu mixes tu es en train de faire danser les gens, je ne pense pas que le dj ait besoin d’être regardé mais plutôt entendu et écouté. Pour moi le dj touche le corps et les oreilles des gens tandis que le danseur c’est pour les yeux. C’est de cette manière que je le conçois.

Dinky – Polvo

– La plupart des gens découvrent la musique électronique avec une approche pop en découvrant des groups tels que New Order, Depeche Mode ou Basement Jaxx… Pour toi c’était plus à l’issue de la rencontre avec la “connexion Chilienne”?

J’ai également découvert la musique électronique via la pop lorsque j’étais enfant car j’écoutais Depeche Mode et New Order avant d’écouter de la musique purement électronique. Par la suite j’ai rencontré ces artistes Chiliens et je me suis mis à écouter de la dance music. C’était cool d’apprendre avec des influences telles que Ricardo et Dandy Jack. Je pense que c’était pas mal pour le Chili également que ce soit les premiers à apporter cette musique dans le pays. On est toujours connecté d’une certaine manière mais ce n’est plus comme avant.

– Durant les années 90’s tu vivais à NY. As-tu été influencée par la scène locale?

Detroit et NY m’ont beaucoup influencé. Vers 1999 j’ai commence à écouter la scène Allemande qui m’a également influencé. Puis j’ai travaillé dans un magasin de disques donc j’ai écouté de la musique de partout pas seulement de la house américaine.

Dinky – Epilepsia

– Etait-ce facile de te faire une place en tant que dj à NY?

C’était très compliqué, à ce moment-là il y avait très peu de djettes. J’étais également très jeune, mais après avoir commencé à produire de la musique pour des labels américains et allemands à 22 ans, tout le monde avait l’air de me respecter plus puis j’ai commence à tourner et à être invité par plus de djs. C’est seulement lorsque j’ai déménagé en Allemagne en 2003 que ma carrière a décollé.

– C’est à NY que tu as fait ton premier track. Peux-tu nous dire comment tu as décidé d’aller en studio ? Comment s’est passé ce premier essai ?

La première fois que j’ai créé de la musique je n’avais que 19 ans, je l’ai fait avec l’aide d’un très bon ami à moi Jorge Gonzalez, qui est une rock star au Chili. Il m’a montré comment faire de la musique et ce que cela signifiait d’être dans un studio d’enregistrement. Pour la petite anecdote il m’avait ramené dans le plus célèbre des studios d’enregistrement de NY.

Après ça, j’ai acheté ma première machine et j’ai commence à explorer d’autres choses par moi-même. Je pense que mes études au conservatoire de danse m’ont aidé pour le rythme ainsi que mes cours de solfège et piano.

– As-tu écouté de la musique dodécaphonique comme Schoenberg car tu joues énormément sur les dissonances dans tes productions?

J’ai écouté énormément les artistes tels que Satie et Brian Eno, j’aime la tension que la dissonance peut apporter, mais il faut des oreilles entrainées pour être capable d’apprécier cela, et ne pas penser que c’est faux. Parfois, les gens ont jugé ma musique mauvaise juste par ignorance. La dissonance je l’ai explorée délibérément et ça m’a valu le dédain de certains journalistes qui n’ont que des oreilles aptes à apprécier les harmonies traditionnelles. Ce n’est pas toujours apprécié.

– As-tu change ta manière de travailler après 4 albums?

Oui j’ai changé mais j’ai toujours gardé mon propre style, les machines ont changé, les connaissances ont grandis et tu grandis donc ta musique murit. D’un autre côté mon prochain album ne comporte pas énormément de dissonances à la différence du précédent. Je pense que lorsqu’il y a une voix sur un morceaux, être dans le ton devient plutôt important. En tout cas pour moi en tant que chanteuse je voulais être dans le ton de la musique. Donc ça change un peu de mon précédent long format. Je suis revenue aux basiques. J’ai envie de revenir aux basiques utiliser mon sampler et faire de la musique avec quelques beats ma voix et un instrument.

De 2003 à aujourd’hui ta musique a beaucoup changé. Ton premier Opus était teinté d’Electronica et d’Ambient avec des glitchs et des syncopes le tout sur des beat mélancoliques et down tempo. Le second était également marqué par cette ambiance mélancolique mais également avec une approche plus pop.  Le troisième était plus centré sur le dancefloor et beaucoup plus trippé avec des voix et une atmosphère bien mentale. Le 4ème était clairement caractérisé par le choix d’éléments beaucoup plus organiques, il y avait également beaucoup de mélodie et moins de morceaux mélancoliques que dans tes travaux précédents, ce qui faisait sonnait celui-là comme beaucoup plus personnel.

Dinky – Horizontal

– Es-tu une personne triste de nature? Si oui comment cela affecte-t-il ta production? Est-ce que cela influe sur ton travail sur scène?

Je pense que je peux l’être, je suis quelqu’un de sensible et émotionnelle (tu dois l’être quand tu es un musicien), mais je préfère appeler ça de l’émotion plutôt que de la mélancolie. J’essaie de donner de l’émotion à ma musique. Si je n’en ressens aucune dans ce que je fais  je devrais arrêter de créer. C’est un gros raccourci d’appeler ça de la mélancolie si tu écoutes bien il y a d’autres émotions impliquées là dedans. D’ailleurs sur scène j’ai découvert que chanter ouvrait vraiment de nouveaux horizons pour moi dans la manière d’exprimer mes émotions, plus que lorsque je mixe de manière traditionnelle, je pense que cette nouvelle manière de me produire me convient bien.

Peux-tu nous parler de ton prochain Lp?

Il en est au dernier stade, nous sommes en train de travailler sur l’aspect visuel, les photos de presse, l’artwork etc. etc. Cela sortira en Avril sur Visionquest. C’est un album de chanteur-compositeur, avec de l’electronica mélangé avec de la dance musique et de la musique mid-tempo. D’une certaine manière il sonne un peu Jazz et Folk en même temps. Je chante sur l’album et je joue de plusieurs instruments tels que des percussions, de la guitare et des claviers. Cet album possède à la fois un côté humoristique mais également une partie sombre.

-Matthew Styles a coproduit l’album avec toi, était-ce facile de travailler avec ton mari?

C’était cool, cependant, je ne dirais pas qu’il a co-produit l’album mais qu’il m’a aidé sur le mixage. En fait, je l’ai fait quasiment toute seule au bout du compte. On a commencé à travailler sur l’album fin 2010, j’écrivais les chanson et nous voulions faire la production ensemble, un  label renommé était intéressé et tout s’est mis à aller de travers. Le label en question a commencer à me mettre la pression pour écrire des tubes, j’ai fait comprendre que je n’était plus intéressée. .. C’était très frustrant  donc on a mis le projet en stand by juste pour prendre du temps.

Quelques mois plus tard, je me suis decidée à reprendre le projet de zéro et de faire de nouvelles chansons avec une liberté totale. J’ai proposé l’album à un nouveau label et le projet a été apprécié pour ce qu’il est. A ce moment-là, Matthew était vraiment occupé sur ces propres projets j’ai donc decidé d’avancer toute seule, il m’a aidé à mixer quelques morceaux. J’ai appris énormément des 6 mois de départ ou nous avons travaillé ensemble.

– Ce nouvel album met en avant tes compétences de song-writer, n’as tu jamais était intéressée par des projets pop ou folk déconnectés de la scène dance?

Oui bien sûr, je pense que le monde du djing est trop restrictif pour un artiste. J’avais besoin de faire de la musique en tant que musicienne pour mon épanouissement. Je me considère d’ailleurs en tant que telle avant d’être dj. Je voulais vraiment que cet album soit down tempo, mais comme tout le monde me connaît en tant qu’artiste dance music seuls les labels dance étaient intéressés par me signer. J’ai du faire des compromis et faire quelques tracks up tempo que j’aime tout autant et qui restent des chansons que je jouerai live.  Certains des labels intéressés au début étaient intéressés par quelque chose de plus dance, le seul à avoir accepté l’album tel qu’il est c’est Visionquest. La bonne nouvelle est que plus de la moitié de l’album ne sonne pas comme de la musique de club donc j’ai assez d’espace pour montrer cet aspect down tempo de ma musique.

– Comment défendras-tu l’album sur scène?

Avec Matthew nous sommes en train de préparer un live. Il sera partie intégrante du projet car je ne pourrais pas jouer de la guitare du synthé et faire de la Bass. C’est beaucoup trop pour une personne. J’ai décidé de faire tout sans ordinateur, Matthew n’était pas vraiment enchanté par cette idée, mais en tant que brillant programmateur, il a réussi à tout transférer dans une MPC 1000 et un Moog Minitaur pour la Bass. Je pense que le live sera plus adapté à un concert qu’aux clubs, comme je voulais mettre en avant les morceaux les plus lents. En tant que Dj je chante et joue déjà sur la plupart de mes sets, c’est vraiment une bonne manière d’entendre sa voix sur un gros Sound system et de s’adapter à faire des vocaux devant des milliers de personnes  avant de tourner live en tant que chanteuse.

Dinky – Acid In My Fridge

– Tu as sorti des albums sur Carpark, Traum Schallplaten, Vakant et Wagon Repair. Pourquoi vouloir sortir cet album sur Visionquest et non sur ton propre label?

L’album sort sur Visionquest car sortir un album sur mon petit label ne serait pas réaliste. Tu as besoin d’un gros budget pour sortir un album et surtout d’expérience. J’ai vu des gens qui l’on fait sur leurs petits labels et qui s’en sont sortis sans aucune retombées presse, sans tournée, sans argent. Seul un gérant de label expérimenté peut faire ça bien. Il y a trop de logistique en jeu et je n’ai pas le temps de promouvoir ma propre musique. Je préfère que les gens qui croient en ce que je fais le fassent pour moi, je trouve ça plus élégant sur la forme également.

Quelle était la ligne directrice d’Horizontal lorsque tu l’as créée?

Il n’y en avait aucune, je voulais faire ce que  je voulais et produire la musique que j’aime. Il n’y avait pas beaucoup de promotion derrière.

Etait-ce facile pour toi de faire de la musique après Acid In My Fridge?

C’était très dur, c’était un trop gros disque après que ce soit sorti je n’avais pas de studio. C’était au moment ou j’aménageais à Berlin. J’étais étiquetée pour un moment et comme je voulais battre le fer tant qu’il était encore chaud, j’ai sorti le track Horizontale qui était une bonne réponse, un peu plus housy qu’Acid In my Fridge.

– Serais-tu restée aux USA à promouvoir des soirées si la loi sur l’émigration n’avait pas était votée?

Non j’avais déjà décidé de déménager à Berlin depuis 2000 mais c’était difficile de sortir de NY car j’y avais vécu depuis un bon moment. J’avais besoin de changement et j’ai adoré Berlin depuis ma première visite à l’âge de 18 ans. J’ai aimé la ville grâce à ma soeur qui vivait là depuis 15 ans, je lui rendais souvent visite.  J’avais également de nombreux amis là bas, c’était facile. Un ami plus âgé de ma soeur, Tom Thiel  (de Sun Electric) m’a loué une petite chambre à Charlentenburg, c’était un bon début.

– Qu’est ce que tu as appris de ton activité de promoteur à NY?

Être un promoteur, être organisée et de ne jamais être le promoteur et le dj d’une même soirée. C’est vraiment mauvais, j’ai appris la leçon et je n’aime vraiment pas lorsque le promoteur mixe dans la fête qu’il organise, ça te fait passer pour un hôte brouillon et peu attentionné qui veut se promouvoir lui-même. Finalement d’autres personnes se sont mis à promouvoir mes soirées et je me suis concentrée sur mon activité de dj, c’était beaucoup plus sain… Je ne pense pas que je pourrais être promoteur de nouveau ce n’est pas fait pour moi.

– Penses-tu qu’il existe de la musique féminine?

Oui ça existe, la musique masculine également et ça peut venir d’un homme ou d’une femme, il n’y a pas de règles.

– Penses – tu que les gens se comportent différemment en face d’un dj homme ou d’un dj femme?

Oui c’est le cas, il y a une différence de comportement selon le sexe de la personne peu importe son activité. Nous ne somme pas les mêmes comme beaucoup veulent nous le faire croire.

– Penses-tu qu’il y a du sexisme derrière la scène?

Oui il y en a mais je ne le ressens pas trop dans mon cas. Je fais en sorte que ça n’arrive pas. Je pense que c’est une question d’attitude, je me présente je suis plutôt sérieuse avec mon travail je fait passer la musique avant toute chose. Lorsque les gens sentent ça, ils te respectent.

Pour finir, je te donne 5 noms et tu dois les associer à 3 éléments qui te semblent représentatif de ces noms là:

Chili -> Maison, Nourriture, Amour

Panorama Bar -> Maison, Musique, Liberté

Matthew Styles -> Maison, Foi, Amour

Ton Studio -> Maison, Instrument, Liberté

Chinatown -> Souvenir, Odeur, Chaleur

Merci à Dinky, Vivian et Reclaim The Bass pour cette interview