Après Para One et Breton, voici la suite de notre série d’interviews consacrées à la Spring Session d’ Elektricity. Avant leur set à La Cartonnerie, Myd & Panteros666, chevaux de guerre du Club Cheval, se sont confiés à notre micro. De leurs débuts dans le son au nouveau slogan de Suchard, les boute-en-train commentent sans tabous leur parcours.

– Pour ceux qui ne vous connaissent pas ou peu, comment est né Club Cheval et dans quel but ?

Myd : Club Cheval à la base, il n’y a pas vraiment de but. On était 4 personnes plus ou moins attachées à la zique, moi j’étais claviériste dans un groupe (Sexual Earthquake In Kobe) donc Victor (Panteros666) était le batteur, Sam Tiba était DJ bootleger amateur de rap et Canblaster faisait de la musique de jeux-vidéos on va dire. A côté de ça, on avait des intérêts en commun, on avait nos collections de vinyles et on mixait un peu ensemble. On a décidé de se réunir tous les 4 pour faire de la musique.

Panteros666 : De la musique club car avant on n’évoluait pas forcément dans cette sphère. Pour ma part, je n’avais jamais été dans des clubs avant de faire Club Cheval.

Soulja Boy – Pretty Boy Swag (Club Cheval Remix)

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– J’ai cru comprendre que tu aimais beaucoup le néo-métal et les scènes qui y sont rattachées ?

Panteros666 : Ouais, j’aime toujours, j’aime d’ailleurs plein de choses, mais je n’allais pas en club. Nous qui ne venions pas de Paris mais de Lille, nous avons eu nos premières expériences clubs en teufs étudiantes et soirées de ce genre. Avant 2008-2009, il fallait être assez pointu dans l’électro pour aller à des bonnes soirées, le reste c’était que des trucs horribles avec des mecs en chemises blanches qui dansaient sur de la salsa/house (rires)

Myd : On a décidé de se réunir à 4 pour aborder et rentrer dans ce monde de la dance music.

– Pourtant il y a la Belgique à côté de Lille ?

Panteros666 : Ouais il y a la Belgique mais justement, avant, il y a eu une imbrication de trucs qui a fait que les teufs en Belgique c’était de vrais trucs techno avec des mecs en treillis sur-drogués, il fallait avoir les couilles d’y aller.

Myd : Victor et moi venions du réseau indie rock, ce sont 2 autoroutes qui ne se croisent jamais qui vont dans la même direction sans jamais se croiser. Jamais tu ne penserais, en tant que groupe de rock, à aller dans une soirée au Captain.

Panteros666 : En revanche, depuis, on s’est rattrapés et je me suis dit « putain j’avais ça sous les yeux tout le temps, j’étais familier de toutes les soirées techno en Belgique et j’y suis jamais allé ». Alors que maintenant j’ai l’impression que c’est ma région, comme un espèce de breton qui défend son biniou moi je défends la techno belge. C’est une empreinte locale que je ressens en moi mais que j’ai ignoré plein d’années pour fumer des buzz et écouter Gladiators et Cannibal Corpse.

– Gladiators ?

Panteros666: Non en fait je me foutais de la gueule des gens : « vous faites quoi samedi ? – On va chez un tel – Vous allez encore fumer des pets et écouter Gladiators ? » (rires).

– Est-ce que vous avez pensé Club Cheval comme un label à l’instar de Marble ?

Myd : Non, Club Cheval, au départ, le gros truc qui nous a rassemblé, c’était un label qualité, pas un label qui sort des trucs.

– Comme Label Rouge ?

Myd : C’est exactement ça !

Panteros666 : Reflets de France ! (rires)

Myd : Tout ce qui sort de chez CC doit être un truc de qualité, on ne doit pas en avoir honte et c’est pas tout ce qui s’est passé avant : dossiers, vidéos un peu honteuses sur Youtube, de tracks un peu ripou que tu sors quand même parce que quelqu’un te met la pression. Ce qui était hyper important, c’est que tout ce qui sort de CC, même si après ça prend de l’âge et ça devient un peu vieux comme les premières tracks qu’on a faites, on n’en a jamais honte et je pourrai toujours expliquer pourquoi j’ai fait telle ou telle track de cette façon, même si aujourd’hui elle a un peu vieilli, pourquoi elle est bien.

Panteros666 : C’est aussi un groupe de réflexion. On va faire de la musique de club mais on ne va pas la faire n’importe comment : on a un peu mis en commun toutes nos idées pour les analyser à 4 et faire écouter nos démos à l’un ou l’autre, bosser et avoir des pistes d’amélioration tout le temps. Canblaster était déjà un roi des mélodies des VST mais n’avait jamais touché Ableton de sa vie, Myd était super bon en mixage, Sam connaissait plein de genres obscurs qu’on ne connaissait pas. A l’époque c’était le premier à nous avoir fait écouter du Baile Funk, de la ghetto-tech old school et d’autres trucs. Tout de suite ça a été une mise en commun de plein de savoirs, comme rassembler 4 logiciels en même temps.

– Tout ce qui sort doit être approuvé unanimement ?

Myd : Oui, et c’est toujours le cas maintenant.

– Comptez-vous sortir un album ?

Myd : Justement on est en train de bosser un album tous les 4. C’est une idée qui vient d’éclore depuis 6 gros mois.

Panteros666 : Ouais, 6 gros mois. Sortir un album aujourd’hui ça ne veut pas dire grand chose pour nous vu qu’on est dans la release de tracks sur internet, sur des EPs, Maxis, donc des albums on n’en écoute plus trop, à part des albums de rock pour ma part. L’idée de faire un album c’est de se mettre à 4, discuter de ce que l’on va faire à 4. Si on doit faire 15 tracks à nous, ce sera lesquelles, quelle genre quelle émotion etc. C’est une œuvre à 4 plus qu’un support physique

Myd : Prendre l’essence de chacun de nos travaux et d’en faire un truc commun. Ce ne sera pas une track de Myd, une autre de Panteros ou de Sam Tiba, c’est vraiment chacun qui apporte sa spécialité et on fait des morceaux ensemble.

– Une question un peu conne : si vous n’aviez pas fait de musique, qu’est-ce que vous auriez fait ?

Panteros666 : Après mes études j’ai été recruté dans une boîte de pub, donc j’ai fait ça et je continue d’ailleurs car j’adore, j’aime réfléchir à ce que les gens veulent voir (rires)

– Quel poste occupes-tu ?

Panteros666: J’ai commencé par du planning stratégique, et maintenant je fais de tout, du planning strat à la créa, j’adore trouver des slogans, c’est vraiment ma poésie à moi.

– Quel est le meilleur slogan que tu aies trouvé ?

Panteros666 : (rires) Il faut savoir que l’on est dans des problématiques industrielles, tu ne dois pas parler à 20 nerds sur Facebook… J’aime bien celle que j’ai trouvé pour le magazine de chansons françaises, Serge: « Serge, vous l’avez dans la tête». Un truc à la fois authentique et dans la spontanéité de la gourmandise ! Mais c’est confidentiel, tu peux le dire mais c’est pas encore fait… Ça va être chelou, je vais débarquer tout seul avec mes cheveux bleus et mon Power Point devant 30 mecs en star-co (rires).

– … avec un Power Point !

Panteros666 : Ouais, un Power Point hyper cheum ! Mais la musique et la pub, c’est complètement lié, c’est de la création d’image, de musique, moi j’ai toujours été dans ce maelstrom de trucs où si tu as une bonne idée, tu peux l’exprimer de plein de manières différentes, ça peut être un plat ou une track techno. Les marques font également plein de trucs pour la zique en ce moment, on a été jouer à Tignes aux X-Games par exemple, et c’était Burn et Carlsberg qui parrainaient. Il y a 10 ans ça aurait peut-être été naze d’avoir une soirée sponsorisée mais aujourd’hui tu ne fais plus une thune avec le téléchargement légal qui entre dans les coûts fixes des labels ou en vendant des galettes. Les marques deviennent des banques de fun pour faire du sport extrême ou des soirées en club avec de beaux events. Il faut s’en servir, faut pas se détester.

– Est-ce la pub qui t’a amené à W9 ?

Panteros666 : Non, les vidéos c’est parce que je me faisais chier pendant les révisions et j’avais un Macbook avec Photobooth. J’avais un blog et tout le monde faisait des articles illisibles. Ca m’a toujours fait chier de lire sur internet donc j’ai préféré faire des vidéos.

– Et donc toi, Myd, tu viens de la FEMIS ?

Myd : Moi j’ai terminé la FEMIS en son l’année dernière. S’il n’y avait pas eu la musique j’aurais fait mixeur de films. Je continue à mixer des films et autres. C’est une activité parallèle que je fais de moins en mois parce que le zic me prend plus de temps et je met à fond dedans mais sinon j’aurais continué là-dedans, à accueillir des réal.

Myd – Octodip

[audio:http://www.phonographecorp.com/wp-content/uploads/2012/04/01-Octodip.mp3|titles=01 Octodip]

Panteros666 : Ce sont des métiers complémentaires de toute façon.

Myd : Oui, que tu sois en auditorium, tu as un mec qui vient avec son film et son équipe pour que tu mixes son film et que tu transformes sa bande-son en un petit truc cool et évident, c’est la même chose que quand tu es en studio et que tu accueilles une petite chanteuse, tu lui fais une prod, elle fait une chanson, elle repart et tout le monde est content. Autant  la prod parce qu’elle veut un truc business bien fait, autant elle parce qu’elle veut un petit truc indie stylé. Ce sont des problématiques de communication artistique et business. Tout ça marche ensemble.

– Qui fait quoi dans le collectif en dehors de la musique ? Au niveau de la comm’ par exemple ?

Panteros666: Je suis le seul à faire autre chose. Canblaster fait de la musique. 90% de sa vie est tournée vers le son depuis qu’il a 13-14 ans. A l’époque où on l’a rencontré, il nous montrait déjà ses projets de tracks sur Fruity Loops. Cétait des encyclopédies avec déjà 150 pistes. C’était incroyable.

Myd : Il a toujours fait ça : de la zic.

Panteros666 : Un érudit de la musique électronique super jeune.

Myd : Après Sam en dehors de la zic, il a fait Sciences-Po, de l’histoire et pas mal de choses en termes d’études. Il est vachement dans le DJing et la recherche de tracks. Dans CC, la plupart des membres ont fait de la musique, trouvé des partenaires pour bosser avec et se décharger du taff qui est autre que la musique même si c’est de plus en plus dur. Avec la musique que l’on fait, on a de plus en plus de mal à trouver des partenaires qui correspondent à ce dont on a envie.

Panteros666 : Aujourd’hui pour être un groupe complet il faut pouvoir proposer ton son, tes idées de clips, sinon on te plaque. On désigne des mecs avec qui tu dois bosser et on n’en a pas envie. On s’est acharné à chercher un graphiste pendant 10 milliards d’années. On n’en a pas trouvé. Donc on le fait nous-même.

Myd : C’est la même chose pour tout. Aujourd’hui c’est hyper dur de trouver une boîte et te dire, tiens, eux ils vont faire l’image et les clips de Club Cheval et ce sera cool. Tu ne sais jamais ce qui va se passer, le mec va peut-être te dire oui et en fait il s’en branlera un peu parce que le projet ne le branche pas vraiment. Il va te faire un clip un peu nul mais…

Panteros666 : Mais avec du budget !

Myd : C’est hyper dur de trouver des partenaires, que ce soit niveau graphisme ou musique, on mixe nos tracks nous-mêmes. Par exemple, l’album on a décidé de le faire nous-mêmes à 90% parce qu’à la fois on apprenait en le faisant, on préférait se constituer un studio quitte à acheter du matos dont on avait vraiment envie, plutôt que de louer un studio qui nous coûtera le même prix que le matos et se retrouver avec un ingé son qui s’en branle parce qu’il part en week-end le lendemain et qui bâcle ton travail.

– A côté de ça, vous avez un univers visuel très marqué, d’où est-ce que ça vient ? Déjà le nom Club Cheval ?

Myd: Club Cheval c’est comme je te disais au début, c’est le côté club, un label qualité on peut aussi dire un club, des papys qui ont fait la même université et qui se réunissent pour parler politique, nous on fait la même chose sauf qu’on parle de zic et qu’on a 20 ans.

Panteros666 : On est déjà des papys de 20 ans ! (Rires)

Myd : Le côté club, c’est ça, tu te réunis au lieu que chacun vive dans son coin en parallèle. Donc club c’est ça, puis Cheval…

Panteros666 : En fait c’est ça, c’est qu’on a toujours voulu faire les choses comme on l’entendait, partout. Un truc total.

Myd : Pour ce qui est de l’image et les influences c’est tout ce qui se passe autour de nous comme internet.

Panteros666 : En fait on a un point commun : on essaye toujours de faire des choses qui n’existent pas, comme les tracks de club. C’est pour ça que ça paraît marrant, on se demande ce qu’on peut faire qui n’existe pas mais qui est quand même cool.

– On a entendu dire que vous produisiez les tracks de Brodinski, est-ce vrai ?

Panteros666 : C’est complètement faux ! Je rigoooole. Ouais, ça fait maintenant 4-5 mois qu’on bosse avec Brodi sur ses prod. Avant il bossait avec Yuksek et maintenant c’est nous parce qu’il passe à Paris au studio et ça va beaucoup plus vite.

Myd : On s’est bien entendu, on a fait des essais sur plusieurs tracks qui ont bien marché, puis lui il avait envie d’évoluer dans son son, comme un producteur a envie d’avancer. Là il pensait qu’avec nous il y avait quelque chose qui pouvait se passer, et ça s’est bien passé. Là on l’aide sur pas mal de prod.

Brodinski feat. Louisahhh – Let the beat control your body

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– Comment se passe le travail du producteur lors d’une session studio ?

Panteros666 : Que ce soit pour ses originaux ou ses idées, influences, il a son style auquel on réfléchit ensemble.

Myd : Ce qui est très important avec Brodi c’est qu’il avait un style qu’il voulait bosser. On n’est pas des exécutants d’un projet du moment, nous on lui a dit que c’est super de bosser avec lui mais on va construire un son Brodinski à la suite de Yuksek, on va avancer, voir ce que Brodi a fait, voir ce qu’il veut faire aujourd’hui et comment on peut avancer.

– Ce travail avec lui vous influence-t-il sur votre façon de produire ?

Myd : Techniquement ça aide, parce que Brodi c’est sans détour : il faut que ça sonne. Faut que ça tape et que ce soit les plus grosses tracks de club qui sortent.

Panteros666 : Et puis c’est DJ Friendly à fond. Nous on était limite anti DJ Friendly depuis pas mal de temps parce que nous naturellement on ne voulait que nos sets ressemblent aux autres. Ce qui était marrant avec Brodi c’est que son background est complètement DJ, tu as des tools faciles, c’est facile à enchaîner, c’est intelligent dans les enchaînements.

Myd : Après ce n’est pas la musique que l’on a envie de faire. Ce qui est hyper intéressant c’est que c’est un exutoire de ce truc de DJ. N’importe quel producteur a envie de produire des morceaux hyper BIG dès que tu les lances et c’est le but des tracks de Brodi. Lui ce qu’il sort, il faut qu’à la montée tout le monde soit les bras en l’air, que ça droppe et que ça parte. Nous ça nous fait un exutoire de ce truc-là. Chez nous, on va faire des trucs un peu expérimentaux.

– Panteros, une question pour toi, tu es influencé par Underground Construction et la Hard house, quel est ton artiste préféré dans cette scène-là ?

Panteros666 : Si je devais citer un seul artiste, ce serait Babaorum, qui est un producteur d’UC du 62 entre 94 et 2000. Moi j’aime bien aller digger plein de trucs. J’aime bien son morceau où ça fait huhuhuhuhu.

– Si tu devais faire le slogan de Club Cheval ?

Panteros666 : Ha non, alors ça je refuse ! Club Cheval est en perpétuelle construction, ça change tout le temps. Et on est très mauvais psychologues de soi-même ! On fait nos trucs et après chacun les interprète comme il veut.

Merci à Panteros666 et Myd d’avoir représenté le Club Cheval lors de cette entrevue et de s’être confiés à notre micro. Merci à Guilhem & Elektricity pour avoir arrangé l’interview.

Teaser de la soirée réalisé par Babylone Prod.