My Love Is Underground est un nom plein de promesses et un label qui, en une quinzaine de sorties, a réussi à imposer une certaine idée de la House. Parmi ses fers de lance, on citera Brawther mais surtout son fondateur Jeremy qui, à l’âge de 27 ans, fait office d’heureuse anomalie dans la communauté des diggers. Fort d’une certaine détermination et d’une ligne de conduite inébranlable, le fondateur du label français a su générer un engouement sans précédent autour de la House originaire de la grande pomme et ses environs produite dans les années 90.
Si My Love Is Underground est très connu aujourd’hui, cela n’a pas toujours été le cas et certains faits amènent à se poser des questions. Le label, fondé en 2010, est la figure de proue d’un revival sans précédent. Indépendamment de ce retour à l’une des sources de la House, le label est mû par une démarche bien précise. Les canaux d’expression que Jeremy utilise pour le label sont utilisés pour créer des liens spécifiques entre le public et le label et le partage reste l’une des pierres angulaires de toute cette démarche. La première compilation My Love Is Underground vient de sortir, nous avons pris le temps pour l’occasion de poser quelques question à son fondateur.
– Peux- tu te présenter ?
Je m’appelle Jeremy, mon pseudo en tant que DJ c’est «Underground Paris». Je suis connu pour collectionner des disques et être un amateur de musique. Il y a quatre ans maintenant, j’ai lancé «My Love Is Underground», label dédié à une certaine frange de la House, vieille de plus de 20 ans aujourd’hui. J’ai créé ce label pour ramener cette vibe là sur le devant de la scène.
– À l’heure actuelle, tu as ouvert la voie à de nombreuses personnes comme DJ Steaw, Lazare Hoche… Maintenant que ce créneau a vraiment une place, comptes-tu continuer dans cette direction ou comptes-tu te diversifier ?
(Les deux que tu cites dans la question sont de très bons potos) L’épine dorsale de ce «créneau» c’est Paris Underground Trax Vol.1 produit par mon pote Brawther. Au moment de créer le label, je n’ai pas réfléchi en termes d’innovation, «faut créer quelque chose de nouveau», j’ai juste suivi ma passion. Le son 90’s je l’adore et quand les jeunes d’aujourd’hui écoutent ça, pour eux c’est nouveau. Je comprends que ça ne parle pas à certains ‘vieux’, comme Gilb’r qui dans une interview pour Trax dit que «les jeunes qui font du Kerri Chandler ça ne l’intéresse pas». Je comprends, mais je suis un jeune qui parle aux jeunes qui ne connaissent pas cette musique. Sinon, le «créneau» est un peu rincé maintenant donc je deviens de plus en plus exigeant. On verra pour la suite!
– Tu es tombé amoureux de cette musique grâce à Radio FG ?
Grâce à Nova et FG. Deep, les émissions Cheers.
– Dans une interview récente, DJ Deep justement disait que la musique électronique manquait de leader, penses-tu que c’est une affirmation juste ?
Je vais être honnête, je ne suis pas le bon analyste pour ce genre de question : la musique électronique dans son intégralité ne m’intéresse pas ; il n’y a que certains pans spécifiques qui m’intéressent.
-Tu es allé à New York pour rechercher des artistes dans le cadre de My Love Is Underground. Qu’as-tu pensé du contact avec certains de ces artistes lorsque tu as demandé des morceaux ?
Les Américains sont spéciaux, ils sont obnubilés par l’argent et la religion. J’ai eu beaucoup de chance avec Jerzzey Boy et Nathaniel X, c’étaient des gars cools qui n’attendaient rien de spécial et qui ne m’ont pas pris la tête. Il y en a d’autres avec qui j’ai voulu bosser et ça n’a pas été possible. C’est dur de dealer avec des ricains qui ont quarante ans ou plus et qui vivent dans une autre réalité. Tu parles de vinyles mais pour eux ça n’existe plus, il n’y a que le digital qui compte sauf que le digital n’a aucun impact pour moi. Certains faisaient des sons de dingue il y a 20 ans et font de la merde sur Traxsource aujourd’hui, c’est difficile à comprendre parfois.
-Avec ce double discours qui est très fréquent chez tous les américains, que penses-tu de ce discours de «House Nation» ?
La «House Nation», je ne sais pas ce que ça veut dire. J’ai 27 ans, je n’étais ni au Paradise Garage, ni au Zanzibar, ni au Shelter.
– Tes deux gros hobbies aujourd’hui, ce sont la collection de disques et la course. Ce sont deux hobbies qui sont très liés, au dépassement de soi par exemple, et qui finalement ont des courbes de progression assez asymptotiques. Ce sont des passions au travers desquelles on est peut-être éternellement insatisfait par sa performance, penses-tu que ça résume un trait de ta personnalité ?
Je suis extrême et obsessionnel, à chaque fois que je me lance dans un truc, c’est à fond. Et c’est «soit tout blanc, soit tout noir», pour le meilleur.. comme pour le pire. Souvent même pour le pire, l’obsession n’est pas vraiment une qualité. Je me suis pris de passion pour la house ; j’ai créé ce label et c’est devenu mon boulot. Je me mets à faire des footings : je fais des marathons. J’ai fait ça dans d’autres domaines aussi, j’ai eu un autre délire dans mon adolescence que je n’expliquerai pas ici car les gens de la musique ne comprendront pas, mais en tout cas je l’ai poussé jusqu’au bout aussi. Foncer tête baissée me permet sûrement d’oublier les problèmes… Et oui, la collection ça ne s’arrête jamais, et les performances peuvent toujours s’améliorer, c’est sans fin, et j’ai effectivement tendance à ne jamais être satisfait..
– Penses-tu que le fait d’apprécier les pays de l’Est puisse être relié à cette obsession ?
Je suis obsédé par le bloc de l’Est depuis que je suis gamin c’est vrai! Le côté obscur, anti-touristique de ces coins me parle vachement.
– Il y a tout de même un certain fatalisme dans les pays de l’Est …
J’en sais rien, mais pour faire une analyse plus globale, pour moi l’underground ça ne se limite pas qu’à presser des vinyles. L’underground, c’est tes idées politiques, ton style de vie, ton parcours ; si tu te revendiques de l’underground tu ne peux pas partir à St Trop’ en vacances, c’est incohérent. J’aime la subversion. Le fait de visiter des endroits improbables fait partie des trucs qui me font vibrer aussi. Aller en Transnistrie ou au Haut-Karabagh (ce que j’ai fait), c’est pour moi la même démarche que de digger un petit label qui a fait trois sorties en White Label. J’ai plein de potes qui ne comprennent pas mon délire, mais tant pis.
– Tu n’as jamais eu peur de t’isoler avec ces comportements jusqu’au-boutistes ?
J’ai toujours été plus ou moins isolé. Je suis un mec solitaire (même si j’essaie de changer ça). Il faut assumer sa différence et le fait qu’il y ait peu de gens qui puissent te comprendre parfois. C’est vrai qu’avec une ligne de conduite jusqu’au-boutiste et des centres d’intérêt assez particuliers, tu réduis considérablement le nombre de personnes autour de toi.
– Qu’est-ce qui t’a rapproché de certaines personnes dans le milieu de la house comme Brawther ?
C’est la passion qu’on avait en commun tout simplement. On sortait dans les mêmes endroits. Tous mes amis dans la House, je les ai rencontrés au Djoon vers 2004/2005. On était dans le même délire «Old School» qui intéressait très peu de monde. On n’a pas tous des parcours de vie identiques, on ne s’intéresse pas aux mêmes choses en dehors de la musique, mais forcément quand tu trouves quelqu’un qui a les mêmes goûts que toi alors que tu te croyais seul, tu crées des liens. Ce qui est cool c’est qu’au départ on était juste potes, mais avec le temps on a construit des choses ensemble. Brawther aujourd’hui il vit de la musique, moi aussi. Ça fait plaisir.
-La manière de commercialiser tes disques en 2010 avait beaucoup fait parler d’elle. Le fait de placer tes disques uniquement sur Discogs … Qu’est-ce qui t’intéressait dans cette démarche ?
Alors attention, je n’ai vendu que deux disques uniquement par Discogs, le reste a été distribué normalement. Les disques vendus sur Discogs c’était MLIU11 en 2012 et le MLIU14 en 2013. Je n’en ai fait que deux comme ça et puis il y a eu aussi MLIU05 qui n’a été vendu qu’à une soirée à Londres en 2011. Je referai peut-être de la vente directe comme ça, on verra.
Envoyer des centaines de colis c’est un travail de ouf, mais ce qui m’a intéressé là-dedans c’est d’avoir un contact direct avec le «client». Ecrire le nom de l’acheteur sur le disque, ce genre de truc personnalisé c’est super cool. Finalement quand tu distribues normalement tes disques et qu’ils sont dans les bacs du disquaire tu ne sais jamais qui les achète. J’aime bien le fait de savoir que j’ai pressé 700 disques et que je connais toutes les personnes qui ont une copie. Ça me fait délirer, et de l’autre côté les gens apprécient d’avoir un truc personnalisé. C’est important de briser l’anonymat et de proposer quelque chose d’artisanal et de «convivial».
Plus j’ai de contact avec les gens qui écoutent du MLIU, plus je suis content. Chaque matin je me lève et je réponds à tout le monde sur Facebook. C’est super important, je ne réduis pas mon activité à juste «prendre des gigs» et encaisser la thune. Si je vais jouer quelque part et que je ne connais personne, je vais vraiment être mal à l’aise ; je passe plutôt mon temps à essayer de tisser des liens avec des gens qui ont la même sensibilité.
Jeremy ‘Underground Paris’ – Live in Kiev 16/07/2011 by Jeremy (MLIU)
-Tu n’as pas peur qu’à un moment tu sois tellement sollicité que tu ne puisses plus répondre à tout le monde ?
C’est la limite que je ne veux pas franchir justement! Dans ce milieu des DJ’s, c’est la course à celui qui aura le plus de gigs, à celui qui sera le mieux payé, c’est la course au classement RA. Je connais mes limites et je sais que je ne veux pas devenir trop gros: j’ai envie d’être toujours dans la capacité de pouvoir répondre à tous mes mails ! Mon profil actuel de «petit/moyen» DJ qui fait une date par week-end dans des clubs de taille moyenne me convient parfaitement ! Je n’ai pas envie de devenir plus gros que ça. Cette attitude de «prédateur capitaliste» qui consiste à vouloir grossir en permanence et devenir le premier «à tout prix» n’est pas en phase avec ma vision de la musique.
-Quel rôle a eu Nick V dans ta carrière ?
Nick c’est quelqu’un de très important ! C’est la première personne qui a vraiment cru en Sammy (Brawther) et moi, il est le premier à nous avoir booké à Paris en 2010. Il a pris un risque, à l’époque personne ne nous connaissait. On a tout donné à cette soirée. C’était mémorable pour nous et pour les potos qui étaient là. C’est l’acte fondateur de cette aventure. Cette soirée nous a permis de réaliser que finalement cette musique pouvait être jouée en club, qu’elle intéressait des gens, qu’il était possible de passer un message. J’étais beaucoup plus pessimiste avant. Je ne pensais même pas devenir DJ à cette époque là. J’ai du respect pour Nick. Mona, pour moi, c’est la meilleure soirée à Paris : il n’y a même pas de débat. C’est typiquement le genre de vibe que j’affectionne, petit club chaleureux, super ambiance, musique de qualité. C’est la seule soirée où je sors lorsque je ne joue pas. Si je sais qu’il y a une Mona je sais que je vais passer un bon moment et que je vais voir des gens que j’apprécie.
-Ce qui te plaît c’est l’aspect social et communautaire de la musique, n’est-ce pas ? Est-ce que tu transposes ce comportement à ton activité sportive ?
Oui ! Mais je ne transpose pas encore ça au sport, je viens de commencer, je ne connais pas grand monde qui fasse des marathons. C’est sûr qu’à l’avenir si je peux me faire un groupe de potes qui sont à fond là-dedans, ça serait cool. Et ça me motiverait encore plus. Pour l’instant je suis un peu seul dans mon coin.
-As-tu fait déjà fait des sports collectifs ?
Oui, j’ai fait du hockey sur glace (aux «Français Volants» de Paris !) mais je n’étais pas bon! La course de fond c’est mon truc.
– Tu as toujours vécu à Paris ?
Oui, j’ai toujours vécu en banlieue: je suis de Bry-sur-Marne : ça fait 27 ans que j’y vis. Je ne me considère pas vraiment comme parisien, je suis du 94, banlieue Est, c’est pas pareil! Le coin le plus proche pour moi dans Paris, c’est Bastille et Répu, là où sont les disquaires, ça tombe bien. Paris Ouest c’est trop loin et je n’ai rien à y faire, c’est pas Paris pour moi.
– Tu as étudié à Paris ?
Je n’ai pas étudié, j’ai eu une jeunesse assez mouvementée. Suite à divers drames j’ai arrêté les cours assez tôt. J’étais le premier de la classe jusqu’à mes 15 ans et puis d’un coup je suis passé dernier. Deux extrêmes encore une fois. Je n’ai pas le bac, j’ai bossé dans le bâtiment (entre autres) car mon père était couvreur. Pour te la faire courte j’ai eu une adolescence assez chaotique, qui m’a rendu très instable psychologiquement.
– Qu’est-ce qui t’a permis de te tenir ?
Même au plus bas dans ma vie, j’avais toujours la musique et quelques obsessions en tête qui me permettaient d’affronter le quotidien. C’est ce qui m’a sauvé et c’est ce qui me sauve aujourd’hui encore. Le sport m’aide beaucoup aujourd’hui aussi!
– Jusqu’à présent tu n’es pas connu en tant que producteur, pourtant, sur le dernier MLIU (le #15) tu es crédité. Qu’as-tu fait sur le disque ?
«True Force» est une coproduction à trois personnes: SE62, Malin Genie et moi. Sur ce morceau j’ai juste «orchestré» quelques trucs. Ça peut se traduire par des «fais ceci sur le break», «mets cette voix-ci de cette manière-là»… J’ai fait le chef d’orchestre autour d’une démo, mais je n’ai pas touché à l’ordi. J’ai toujours mon mot à dire sur les sons qui sont sortent sur MLIU mais je ne me considère pas comme musicien. Je faisais de la guitare et du piano quand j’étais petit, mais je n’étais pas bon, j’ai vite arrêté.
Je pars du principe réaliste que je n’aurai pas le talent de Kerri, des Masters At Work ou de Larry Heard, pourquoi me faire chier à vouloir faire des beats comme tout le monde et devenir un énième producteur médiocre. Ça n’a aucun intérêt. Je préfère superviser des choses comme sur ce morceau. Chacun à sa place. Il faut être un sacré nerd pour faire de la musique électronique. Je ne suis pas un nerd d’informatique, sur mon Mac tu trouveras trois programmes, Skype, Google Chrome et Audacity…
Les gens ne comprennent pas bien, car je suis l’un des rares DJs qui tourne sans faire de la musique. Pour moi rien d’illogique. Mais de nos jours si tu ne sais pas te servir Ableton tu as du mal à être booké en tant que DJ. Ca n’a pas de sens. En Angleterre il y a plus la culture du «DJ». Regarde des mecs comme Ben UFO ou Gilles Peterson, ils n’ont jamais fait de son, où est le problème?
-Faire de la radio ne t’a jamais intéressé ?
Si, je rêve de faire la radio depuis que je suis gamin! J’ai commencé une émission sur Rinse France, qui n’est «qu’une webradio», certes, mais c’est déjà un bon début, un premier pied à l’étrier. Je suis pas trop habitué à parler au micro pour l’instant mais ça viendra. Aussi, le boulot de programmateur sur Nova ou FIP c’est quelque chose dont je rêve. Ce que je fais aujourd’hui c’est plus intéressant car je voyage, mais plus tard si je veux me poser, ça serait le taf’ rêvé ! La radio est un média que je respecte à mort.
DUNGEON MEAT – THE FUCK OFF TRACK (My Love Is Underground 015) by Dungeon Meat
– Quand on demande aux vieux artistes américains, pour beaucoup, la radio a eu un rôle crucial dans leur construction en tant qu’artiste. Aujourd’hui, pour un enfant en France de 10-12 ans, penses-tu que ce média puisse avoir un rôle clé dans son éducation musicale ?
Espérons ! En tout cas ma Radio FM est allumée en permanence ce qui fait que lorsque je quitte l’ordi et que je vais dans ma cuisine j’écoute obligatoirement ce qui passe sur FIP. Du coup je dégaine Shazam 3-4 fois par jour! Gros respect pour FIP.
– Lorsque l’on te demande des track ID lors de tes sets, comment tu le prends ?
Je suis content mais je ne partage qu’avec les gens qui ont à partager avec moi. Si quelqu’un demande 3 noms de morceaux publiquement sur Soundcloud sans dire bonjour-au revoir, je ne réponds pas et je supprime. La personne qui est polie et qui envoie un message privé, je lui réponds. Et je lui demande ce qu’elle a à me proposer en échange. Des fois l’échange n’est pas égal, mais c’est pas grave, au moins il y a du dialogue. Le côté «on me donne tout ce que je demande» tout cru c’est insupportable. Tout le charme de cette passion c’est de faire des efforts pour trouver du son !
– Aujourd’hui tu cherches comment?
Je cherche beaucoup sur internet, mais dès que je peux je vais aussi en magasin. J’utilise beaucoup YouTube comme tout le monde. Facebook énormément aussi, je surveille les posts musicaux des gens que je respecte. J’active les notifications et comme ça je ne rate aucun post. Et donc en parallèle à Paris je vais digger de temps en temps chez Betino, Superfly et Heartbeat.
– Par rapport à tes sorties, combien tu presses ?
Il n’y a pas de règles, chaque sortie est différente. Le MLIU15 en est à 3000 copies et il continue à se vendre, c’est génial ! Je ne fais plus de pressage limité, si le disque est cool et que les gens veulent l’acheter je vais dans le sens de la demande. Faire de l’édition limitée quand ça marche, ça n’a pas de sens.
J’ai fait quelques pressages limités y’a 3 ans, mais la demande était moindre par rapport à aujourd’hui. Si je pressais un disque à 500 exemplaires aujourd’hui je serais un connard ! Juste bon à nourrir les branleurs qui passent leurs temps à sniper les nouvelles sorties limitées pour en prendre 10 copies et les revendre à 40 euros sur Discogs..
-Tu parlais précédemment de Betino : il y a pas mal de disquaires qui ont fermé à Paris, mais là, il y a un joli renouveau de cette industrie dans la capitale. Quel est ton regard sur ce phénomène ?
Ça me plait beaucoup, ce renouveau n’a pas lieu qu’à Paris, il a lieu partout. Les jeunes commencent à acheter du vinyle et à comprendre que le délire Serato ça ne tient pas la route. C’est le bon chemin. J’ai un pote (Melik) qui a ouvert son disquaire récemment (Heartbeat Vinyl), et ça a l’air de bien marcher, c’est super. On ne suit pas la technologie, c’est une démarche assez romantique finalement. Tu ne parles pas à ton téléphone pour lui demander de télécharger un MP3. Tu vas te faire chier à aller chercher un bout de plastique. On est attaché à un truc technologiquement obsolète. Il n’y a pas si longtemps, on te demandait «Pourquoi tu fais encore du vinyle ?», maintenant c’est «Pourquoi tu fais encore du digital ?».C’est cool j’espère que ça va continuer comme ça.
-Tu joues beaucoup en Angleterre, tu penses que « nul n’est prophète en son pays » ?
Je n’ai jamais fait aucun effort pour m’intégrer à la scène parisienne. Je n’ai jamais fait ‘copain-copine’ par intérêt; ce qui fait que ce sont essentiellement les ‘nerds’ qui me connaissent. Les gars pointus. Bon c’est peut-être un peu moins le cas maintenant. L’an dernier j’ai joué à la Machine (invité par Clekclekboom) mais il y a plein d’endroits clefs à Paris où je n’ai pas encore joué. (nb: Je jouerai au Rex en mai !)
Mais c’est vrai que le focus s’est fait essentiellement en Angleterre : les brits comprennent mieux ce genre de sons. Ils ont eu le UK garage qui est une évolution du ‘US Garage’, du coup ça les touche beaucoup plus. Ici tu vas pouvoir entendre ça à Mona, mais ça reste anecdotique. Nul le n’est prophète en son pays, oui. Quand tu fais des soirées c’est cool d’inviter un étranger : ça fait plus rêver le public. Tu vas inviter un anglais à Paris, et à l’inverse le fait d’être français ça intéressera le promoteur outre-Manche. C’est très subjectif. Quand tu dis «ce gars est de Détroit», ça a de l’effet, même s’il est mauvais. Ça marche comme ça !
Je préfère que ce soit comme ça (jouer principalement à l’étranger) plutôt que «d’être en place à Paris» et ne jouer nulle part ailleurs. Du coup je voyage et je kiffe ! Malgré tout, j’espère avoir une résidence à Paris dans un endroit cool un jour. Pour l’instant j’en suis loin, on verra à l’avenir lorsque des opportunités se présenteront.
-Penses-tu que la France a digéré son héritage musical ou on ne s’en est toujours pas remis ?
Je vais botter en touche comme pour la question sur les leaders dans la scène électronique. Je ne fais pas d’analyse sur le comportement musical des français. Je n’ai aucune réflexion intéressante à fournir !
– Sur quoi peut-on t’attendre en 2014 ?
J’ai une compilation (3xLP) qui va sortir le 8 Mars sur Favorite Recordings, je suis super content. Tous les 10 jours je fais ma petite update sur 22tracks et toutes les deux semaines je fais un show sur Rinse France. Pour ces deux trucs-là je joue/partage surtout du «Rare Groove»: Jazz/Soul/Funk/Brésil etc, styles que je ne peux pas forcément jouer en club. Quand j’étais ado, j’étais borné sur la House mais depuis quelques années je me suis beaucoup ouvert !
Pour les sorties du label on verra il n’y rien de prêt pour l’instant. Côté DJing pas mal de dates sympa qui arrivent. Dépucelage de Panorama Bar et de Rex en l’espace d’une semaine fin avril, puis des festivals vraiment cools cet été (Glastonbury, Garden, Dimensions) … Sinon, je suis en train de trier ma collection, je n’ai plus beaucoup de place, j’essaie d’écrémer et de calmer mes dépenses en parallèle !
– Il n’y a pas quelque chose de compulsif dans ce comportement ?
Ah si clairement, comme une nana névrosée qui s’achète des fringues le samedi après-midi. C’est le même comportement irrationnel chez les collectionneurs de disques qui dépensent bien plus que ce qu’ils ne devraient dépenser. C’est toujours un peu extrême. J’essaye de me calmer là, bon on dit toujours ça… Mais finalement c’est une bonne addiction, j’aurais pu tomber sur pire.
Jeremy célébrera la sortie de sa compilation le samedi 8 mars lors d’une soirée Mona à la Java.