Jungle by night the Hunt Kindred spirit

« Come on man ! » ; Une voix étrange, brisée sortant du visage grimaçant du batteur. « Come on man ! » ; cette phrase qui retentit entre chacun de leurs morceaux, fait écho à la subtile touche ajoutée à nombre de leurs enregistrements. Jungle By Night et leur dernier album, The Hunt , sorti chez Kindred Spirit , enregistré 100% analogique, en est systématiquement rythmé.

De l’Afrobeat.

Lagos ? Cotonou? Peut-être  New-York ? Non, Amsterdam. De l’Afrobeat venant tout droit des Pays-Bas. Jungle by night, la tribu blonde – blonde, sinon à l’unanimité, bien à la majorité – étonne de par les origines des passionnés qui la composent, mais aussi – et de loin – de par leur jeune âge. Les 9 garçons affichent une moyenne de 20 ans et pourtant, le son qui sort de leurs trois albums est déjà mature. Une maturité vite récompensée, avec un premier album sorti en 2011, ainsi qu’avec une tournée de concerts bien enclenchée, un an seulement après la formation du groupe.

Concerts, où ils ont pu jouer aux côtés de nombreuses figures de l’Afrobeat ; Ebo Taylor, Seun Kuti, Mulatu Astatke et le légendaire Tony Allen, qui a lui-même déclaré : « Ils sont le futur de l’Afrobeat ». Un tel commentaire tout droit sorti de la bouche de l’un des (ou du) fondateur(s) du style, doté d’une ouverture artistique aussi vaste, laisse prétendre à un futur prometteur.

Suite aux deux premiers albums, pour lesquels la maîtrise du style était clairement affichée, ce troisième LP, sorti lui aussi chez Kindred Spirit  – dirigé en partie par Antal – se traduit par un pas de plus vers l’élargissement du style.

Ici encore, dans The Hunt, les morceaux Weapon et Cherokee, bien que différents l’un de l’autre, exposent une fois de plus la bonne maitrise du genre. C’est, cependant, l’écoute intégrale de la sortie qui nous démontre que le groupe laisse de plus en plus de place aux divers goûts musicaux de ses membres talentueux. Souvent, un mélange trop étendu est susceptible de laisser transparaître une sorte de manque de sincérité, voire d’authenticité ; ici, c’est bien loin d’être le cas. La subtilité avec laquelle les influences occidentales sont entremêlées aux autres est touchante ; un contrôle parfait, qui permet de ne pas choquer l’auditeur, sinon, bien au contraire, d’attirer une attention toute particulière à la composition des morceaux, notamment de par la précision de l’addition des différentes rythmiques. Attila, morceau dans lequel l’introduction nous fait croire à une composition sortie tout droit d’une boîte à rythme, en est le parfait exemple. Il est certain que les influences Rush Hour pointent régulièrement le bout de leur nez, comme en témoigne ce travail avec Awanto3.

Revenons en arrière. Le 9 titres démarrent en trombe grâce au morceau Empire. Cinq secondes suffisent à nous plonger dans l’univers aussi festif que nomade de l’album ; la tension monte crescendo. Le morceau The move porte bien son nom, puisqu’il devient difficile de rester assis. Jakten prend parfaitement le relai. Ce sentiment se poursuit, l’échange entre musiciens est de plus en plus palpable et la pression en est à son comble. On ne cesse d’être étonné par les nombreux breaks qui laissent sciemment et soigneusement place aux douces mélodies par lesquelles le groupe sait si bien nous transporter. Tasmatica, le morceau de l’album aux touches dub, en témoigne largement. On enchaine sur Desdemona, un morceau sous haute tension où Pyke Pasman – le clavier du groupe – nous électrise à L’aide de son Orgue Hammond. Ce morceau est d’ailleurs l’occasion de s’arrêter sur l’un de ses duos clavier-batterie, où on le voit à l’œuvre, aux côtés du batteur Quint Italianer, bien que l’enregistrement soit de faible qualité, on se laisse facilement emporter :

Deux morceaux s’enchainent et nous emmènent progressivement au final, To Sugar a Dream. Derrière ce joli titre se cache un sublime jeu de cuivre, qui nous laisse dans un climat de douceur et de volupté, mais aussi dans l’ardente attente d’un prochain album, qui nous proposera sans doute de nouvelles expériences, nous transportant une fois de plus de Parakou à Bogota et d’Amsterdam à Addis-Abeba. On espérera, peut-être, pour celui-ci quelques morceaux aux longueurs plus prononcées, puisque, malgré la maîtrise technique et la créativité affirmée par le groupe, on regrette parfois de ne pas être pris dans la transe habituellement conquise par les plus grands mythes du genre ; une transe, qui ne saurait être atteinte autrement que par une certaine longueur des morceaux, se propageant au travers de minutes élancées.

Cet exercice, le groupe en est entièrement capable, comme indéniablement démontré lors du mardi 29 mai à la Flèche d’Or, où le groupe a su transporter un public transgénérationnel. En effet, avec plus d’une centaine de concerts à leur actif, le groupe s’est forgé un réel sens de la scène, dans lequel sa cohésion réussi avec brio une parfaite transmission de bonheur aux auditeurs ; tout le monde à sa place, chacun à son « moment ». On notera tout de même que, du haut de ses 17 ans, Ko Zandvliet, le tromboniste du groupe, sait enflammer un public comme il se doit et que Gino Groeneveld (percussionniste), sait, quant à lui, surprendre, lorsqu’après de longues minutes instrumentales, sa prise de micro furtive n’est pas sans bousculer notre esprit envoûté, à l’image du groove enraciné d’un légendaire James Brown. Petite démonstration lors d’un roof top à Amsterdam :

L’album complet est disponible au format CD et Vinyle ainsi que sur les plateformes Deezer et Spotify.

4/5