Il y aurait méprise si l’on considérait Timid Boy comme un newcomer car il est là depuis bien plus longtemps qu’on ne pourrait le croire. Anciennement connu en tant que journaliste, aujourd’hui connu en tant que dj, producteur et gérant de label, Timid Boy est un homme pressé qui a beaucoup de choses à dire. Ses productions séduisent de plus en plus et ses mixes sont efficaces. C’est sur un banc devant le square des Batignolles que nous sommes allé à sa rencontre.

– Bonjour Damien, peux-tu nous expliquer ton nom de scène ? N’est-il pas paradoxal lorsque l’on se produit régulièrement  devant beaucoup de monde ?

Timid Boy : La première personne qui m’a fait jouer dans les années 2000 au Batofar avait un label appelé Timid Music qui n’existe plus (et qui d’ailleurs n’a aucun rapport avec Timid Record). Je voulais absolument un pseudo, et je n’avais pas de nom de dj, j’ai trouvé ça mignon et donc je me suis appelé comme ça.

Le paradoxe m’a plu et puis il n’était pas totalement faux. J’étais sacrément intimidé de jouer devant des gens. J’étais sacrément intimidé lorsque j’ai envoyé des démos à des labels. Je pense que je n’avais plus ressenti ça depuis les résultats du bac. C’était horrible. Je regardais mes mails toutes les 5 minutes et je dormais mal.

Tu as mis du temps à produire, on n’a commencé à t’apercevoir sur les charts qu’à partir de 2009, depuis on te voit beaucoup. Comment as tu sauté le pas  et réussi à t’affirmer en tant que producteur ?

Timid Boy : Ce que j’aime c’est mixer plus que produire des morceaux. Même si j’y prends de plus en plus de plaisir, initialement mon rêve était d’être dj et non de sortir des disques. J’ai commencé à mixer dans ma chambre avec des platines, ça a toujours été un rêve, j’avais mes études puis un métier. J’ai fait des petits trucs dans les bars, puis je me suis dit que si je voulais vraiment m’affirmer et vraiment tourner en tant que dj, il fallait produire des morceaux.

Il n’y a aucune logique, car il y a de bons producteurs qui sont de mauvais dj et vice et versa mais ça marche comme ça. Steffi par exemple est connu car elle mixe au Panorama Bar mais aussi parce qu’elle fait de beaux morceaux. Donc je m’y suis mis tardivement car j’ai beaucoup trainé.

– Comment es-tu devenu rédacteur en chef adjoint chez Trax ?

Timid Boy : J’ai fait des études de journalisme, je me destinais plus au journalisme politique mais j’ai toujours sympathisé avec les journalistes musicaux. Il y en a beaucoup qui le sont toujours. J’ai commencé en faisant des piges pour  de la techno, mais j’ai également fait des piges pop rock pour Technikart ou Rock n’ Folk alors que j’étais encore à l’école. De là ça s’est fait naturellement, c’était facile de parler de ma passion. De fil en aiguille tu rencontre des gens, tu as des opportunités, tu fais ton trou.

Timid Boy – Hold on

– Quand as-tu arrêté ?

Timid Boy : J’ai arrêté la presse il y a deux ans car c’était compliqué de faire plusieurs choses à la fois. Au bout d’un moment je n’arrivais plus à être dj, avoir un label, produire des morceaux et avoir une activité de salarié la semaine. Je ne pouvais pas tout faire.

Puis il y a eu des changement chez Trax, mon patron est parti et j’aurais pu prendre sa succession, mais je me suis dit que si je m’embarquais là-dedans j’allais certes être mieux payé, mais dans dix ans je me rappellerai que j’ai oublié de faire de la musique. Là c’était le bon moment.

– En étant sur tous les tableaux à la fois, n’as-tu jamais eu de propositions indécentes ?

Timid Boy : Si, bien sur, mais cela ne marche pas. C’est fait de manière trop grossière et cela ne rime à rien. On m’a déjà dit : « On te fait mixer si tu écris un article sur le mec », mais cela ne peut pas fonctionner. Même si la proposition est plus insidieuse, tu es obligé de refuser. Tout d’abord par orgueil, car mixer une fois c’est rien, mais aussi car ça remet en cause ton intégrité d’artiste et de journaliste.

De plus, il y a de nombreux dj qui ont commencé en tant que journaliste, Dj T, Ivan Smagghe, Damien Lazarus. Ce n’était pas un problème pour moi, mais ça explique aussi mon nom de scène car cette ambiguïté me gênait. Du moment que tu ne mélange pas les deux, il n’y a pas de problème. J’ai toujours voulu cloisonner les deux.

Acumen & Timid Boy – chicago story ( Oxia remix )

– Peux-tu nous parler de ton label Time Has Changed ?

Timid Boy : C’est un label que je dirige avec Acumen, qui l’a créée seul en 2008. C’est l’un des premiers à m’avoir signé. On est rapidement devenu amis même si l’on ne se connaissait pas du fait de la distance entre Avignon et Paris en se donnant des conseils sur nos domaines d’activités respectifs. Le label était encore assez jeune et donc je pouvais y participer et développer quelque chose.

– Pourquoi « Time Has Changed » ?

Timid Boy : Tout d’abord car c’est un morceau de Codec et Flexor qu’Antoine (Acumen) adore, et puis parce que le label à été crée à un moment de plein changement pour la musique électronique. Sans mauvais jeu de mot, l’industrie changeait avec l’arrivée massive du digital, la fin de la minimale qui arrivait à saturation. Il y a avait également un changement dans la manière de produire, de vendre et d’accéder à cette musique.

– N’est-ce pas un nom un peu anti-réactionnaire ?

Timid Boy : Pour le coup oui, mais non ça ne se positionne pas pour ou contre quelque chose. On adore les réacs puis on est devant le fait accompli maintenant.

– Dans ce cas-là, es-tu un partisan du “c’était mieux avant” ?

Timid Boy : Les années 50 c’est vrai que c’était pas mal ! Ma grand-mère m’a souvent dit ça. Honnêtement, ça me gêne profondément car je ne sais pas ce que c’est de créer un label en 98, je n’ai pas vécu ça et cela doit représenter beaucoup de travail. En revanche, je sais très bien ce que c’est que de travailler comme un chien pour peu de sous, donc je ne peux sans mal imaginer que c’était mieux avant à bien des égards mais on ne va pas revenir en arrière.

Par ailleurs, il y a également des avantages. Beaucoup de musique est produite via des logiciels téléchargés illégalement donc je trouve ça un peu gonflé que certaines personnes viennent se plaindre qu’on télécharge illégalement leurs musiques. A moins que tu ne produises qu’en hardware, il y a un problème de logique.

Le « c’était mieux avant » est un peu exagéré, mais il faut pas croire que faire de la musique aujourd’hui dans notre contexte donne tous les droits au producteur. Je n’achète aucune des séries que je regarde, donc malheureusement je comprends parfaitement qu’on puisse faire pareil avec ma musique. J’ai fait une croix sur les rentes via la production musicale, c’est du bonus.

Kruse Nuernberg – Don’t fret (Acumen & Tmid Boy remix)

– En tant qu’originaire de Montpellier as-tu connu les raves du sud de la France?

Timid Boy : Oui mais pas les trucs hardcore, les free parties ce n’était pas mon truc. J’ai vu une fois les Spirale Tribe, sinon j’ai fait des raves. A l’époque, la grande sœur de mon meilleur pote faisait partie de « l’association des pingouins » qui organisait les raves Borealis dans des lieux tels que les arènes de Nîmes. C’était génial. Je suis rentré dans cette musique par la case fête. Je n’avais jamais eu envie d’aller en club, j’ai fait le déplacement car cette musique s’y exportait, et par la suite j’ai commencé à acheter des disques. Au tout début c’est vraiment cette ambiance de fête qui m’a donné le déclic. Ça me fascinait.

– Le fait d’avoir touché à beaucoup de casquettes t’apporte-t-il une vision différente ?

Timid Boy : Pas tout fait, je n’organise pas vraiment de soirées à part quelques showcase mais ce n’est pas mon métier principal, je pense que ça me permet d’avoir un certain recul. Avec le temps pour avoir une réelle passion pour cette musique et pour avoir exploré plusieurs genres, je pense avoir un peu plus de recul, ça me permet de vouloir durer. De toute façon ce n’est pas très important, on ne fait que de la musique on ne soigne pas le cancer !

– En ce moment sur quoi travailles-tu ?

Timid Boy : J’ai un maxi qui vient de sortir sur Time Has Changed, avec un remix de Dana Ruh qui travaille  souvent avec André Galluzzi. J’ai également fait un remix sur Upon You qui  est également mon booker en Allemagne. Il y a aussi un remix pour un label canadien appelé Micro Zoo, ils sont très actifs à Montréal.

Enfin j’ai un remix pour In Motion qui est un label new yorkais qui commence à bien marcher. Ils ont eu de gros remixeurs (Butch, Steve Lawler), donc là j’ai la pression !

– Que prépare Time Has Changed ?

Timid Boy : Le prochain Ep proviendra d’un duo Italien du nom de Re-up avec un remix de Tom Budden, on a déjà de beaux feedbacks. Puis il y aura un Ep de Christian Viviano avec un remix de Small et surement un Ep d’Acumen pour la rentrée, voir un album car il travaille activement dessus et peut-être un maxi pour moi. Jusqu’à février on est charrette.

– Et quand est-ce que tu comptes t’atteler à un album ?

Timid Boy : Alors là je ne sais pas du tout. Cela ne m’intéresse pas encore, je pense avoir encore beaucoup de choses à dire sur un format plus court. Un album ça te sert soit à faire une tournée, et c’est débile car tu pourrais le sortir en plusieurs Ep, sinon il faut vraiment trouver un concept et pour l’instant la musique de club me suffit.

– Un dernier mot pour la fin ?

Timid Boy : Jupe.

Timid Boy sur RA / Soundcloud / Facebook

Merci à Damien Thibaut et Stéphanie pour leurs gentillesses, leurs temps et leur disponibilité.