Le rythme des sorties de L.I.E.S est tel que l’on se demande si l’on doit s’arrêter de bouffer pour pouvoir le suivre. Si Ron Morelli n’essaye pas de nous affamer, il fait en tout cas tout pour nous rassasier musicalement, sans tomber dans la linéarité. Le premier album de Low Jack vient de sortir des presses du label de Long Island et présente un projet des plus inattendus.

Les français ont visiblement la cote chez L.I.E.S. Alors que Voiski vient tout juste de passer par la même case, les new yorkais réitèrent l’expérience avec l’une de nos fiertés nationales, Low Jack (son Phonocast). Discret, Low Jack a fait ses premières armes de producteur sous le classieux Get The Curse avant de s’envoler vers d’autres sphères, In Paradisium, Delsin et maintenant Long Island Electrical Systems qui fait dorénavant la pluie et le beau temps en matière de techno. L’annonce de la sortie de cet album a suffi à créer l’hystérie en France. Maintenant qu’on l’a dans les mains, on sait pourquoi.

La conception de cet album est venue d’une commande du musée du Quai Branly qui a proposé à Low Jack de créer un live articulé autour de sa bibliothèque de sons indigènes, mise à la disposition de l’artiste, et qui constitue la colonne vertébrale du disque. Au départ, le projet n’était pas prévu pour l’enregistrement. C’est suite à la demande de Ron Morelli de recréer le live en studio que l’idée d’un album a fait son chemin, proposition que Low Jack ne pouvait évidemment pas refuser. La bande-annonce du disque ne présageait en rien un LP club, comme on aurait pu s’y attendre de la part de Low Jack.

Il en résulte donc 8 titres intenses concentrés sur des samples issus des Garifuna, peuple hondurien. Le produit fini est hypnotique et transcende l’auditeur dans les plus sombres méandres de la musique expérimentale. Très difficile d’accès (on ne va pas se le cacher), Garifuna Variations n’en reste pas moins une magnifique pièce et nécessite un réel apprivoisement de la part de l’auditeur, chose que l’on a tendance à zapper aussi vite que le rythme de presse du label. Des morceaux tels que “Free people”, “Punta II” ou “Abaimahani”, très aboutis, atteignent un niveau de pression sonore telle qu’ils en angoisseront plus d’un. On ne saura probablement jamais à quoi ressemblent les extraits originaux, mais on imagine que leur conversion est réussie. Cette sortie montre une fois de plus la volonté de la direction artistique du label de ne pas s’enferrer dans une musique prévisible et torchée. Ron Morelli se fout des codes et continue de lever son majeur devant son public.

Avec Garifuna Variations, Low Jack a réussi le pari audacieux de remettre un pan de la culture d’un peuple au goût du jour sans la vulgariser. Mais n’est-ce pas l’objet même de la musique électronique ?