L’évolution des musiques populaires de ces dernières décennies s’est faite en lien étroit avec le développement des technologies. De l’invention de la guitare électrique a la synthèse modulaire, nombre d’outils ont permis de façonner nos pratiques et usages, permettant la matérialisation et l’émergence de visions artistiques toujours plus créatives et abolissant toujours plus de frontières.

Tout cela part principalement de laboratoires, institutionnels ou personnels, et de la volonté de chercheurs et entrepreneurs de donner à l’être humain toujours plus de contrôle et moyens d’expressions, à travers l’exploration de procédés et techniques mais aussi la réflexion quant à leurs usages et leurs contextes.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Où en sont les recherches, quelles sont les tendances dominantes actuellement et comment cela va-t-il modifier le paysage musical de demain? Petit tour d’horizon rapide de quelques initiatives et projets menés par des chercheurs professionnels ainsi que des particuliers.

L’IRCAM (Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique), fondée par le compositeur Pierre Boulez en 1969, s’est donnée pour mission d’étudier le son et ses incarnations et manipulations dans les moindres détails. Ils sont ainsi à la pointe de la recherche sonore et musicale. Parmi les récents projets de l’IRCAM, on trouve quelques outils et concepts dignes des plus grands romans de science fiction.

L’équipe ‘son musique mouvement’ , par exemple, s’attache notamment à l’analyse et la connaissance du geste, et tout ce que cela implique, pour élaborer des systèmes interactifs artistiques. L’interdisciplinarité de ces recherches permet, via des domaines d’ingénieries complémentaires comme les sciences cognitives, la biomécanique et les domaines artistiques, de mieux comprendre et évaluer la relation des êtres avec leur expression. Ainsi la danse ou la pratique d’un instrument peut être analysé, capté, pour permettre une meilleure interactivité entre les pratiquants et leurs objets.

Sans entrer dans des considérations techniques, ces axes de recherches ont notamment abouti aujourd’hui à ce que l’on appelle des instruments augmentés. Dotés de capteurs, ils permettent la transmission d’informations gestuelles, en temps réel, mêlant acoustique et électronique.


Cette tendance semble se généraliser. La réflexion sur le mouvement et sur les capacités technologique à augmenter l’humain dans son contrôle et dans la précision de son expression tends à se généraliser et nombres de systèmes se développe dans ce sens. Cela amène une nouvelle dimension à la pratique et la composition musicale. L’humain devient alors plus central dans ces domaines, faisant de son corps l’instrument principal au sein des processus de création.

Certains élaborent également de la musique à partir d’ondes cérébrales, et orientent leurs recherches sur le rapport esprit-machine-musique. C’est le cas du MiND (Music in Neural Dimensions) Ensemble. Il s’agit d’un groupe d’artistes, chercheurs, compositeurs dont la priorité est l’exploration du potentiel d’expression personnelle du cerveau au travers d’interfaces cerveau-machine. Cela semble sorti d’un roman de science fiction. Pourtant, il y a déjà des résultats plus que concluants, à l’image du projet EPOC développé par Design Lab1.

Il s’agit d’un système de capteurs neuronaux prenant la forme d’un serre-tête transmettant des données cérébrales traduites ensuite en ondes sonores.

Voici un exemple d’une des performances du MiND Ensemble avec cette technologie et, s’il s’agit encore d’une technologie rudimentaire dans le domaine, elle n’en est pas moins impressionnante.

Ces initiatives fleurissent un peu partout, en Europe notamment, où des petits groupes de recherches et des associations se lancent dans l’élaboration de systèmes interactif cerveau-machine. Le producteur français Piotrestie s’est lancé, par exemple, dans une campagne de développement d’un système produit par un petit groupe de chercheurs italiens. Cet objet permet d’interagir  notamment avec des contrôleurs grâce à différents types d’ondes cérébrales traduites en contrôle MIDI.

Cela se présente aussi sous la forme d’un serre-tête muni de capteurs qui vont analyser l’état émotionnel et psychologique du musicien.

Ces manières d’appréhender la performance et la composition placent ainsi l’esprit au coeur du sujet et ce sont nos états émotionnels qui régissent notre interaction avec la machine. Cela demande un travail sur soi-même important et nous poussent à agir avant tout sur notre propre psyché, nos propres attentes. Cela a une valeur presque thérapeutique.

Tout ça peut sembler fascinant et effrayant à la fois. Mais une chose est sûre, la musique de demain sera celle des individualités, qu’elle exprimera avec une justesse encore inégalée dans l’histoire de l’art. Il s’agit d’un véritable bouleversement technologique, qui, comme à chaque fois qu’une nouvelle technique voit le jour, devrait amener pléthore de nouveaux genres musicaux et de nouvelles formes de performances, jusqu’alors inconnues.