Zenker Brothers - Cosmic Transmission

Dario et Marco, les deux frères à la tête d’Ilian Tape forment les Zenker Brothers et nous livrent Cosmic Transmission. Un album à l’image de leur label : audacieux, intense, addictif.

On ne sait guère où ils trouvent le temps de faire tout ça. Par « tout ça », on veut bien sûr parler d’Ilian Tape, label à la pointe d’une techno aventureuse et hors-clous que les deux frères Zenker gèrent depuis 2007. Pour la seule année 2020, portant réputée comme chaotique, leur structure a vu deux disques de Surgeon dont l’immense The Golden Sea, deux nouveaux ajouts à la Ilian Skee Series – série de maxis dévolue à Skee Mask – et quatre autres sorties. Au printemps, Dario et Marco nous lançaient déjà au visage Mad System et les voilà donc avec Cosmic Transmission, un album qui clôturera une année des plus prolifique, et innovante.

Psychédélique et quelque peu inclassable, la musique du duo s’est étoffée depuis leurs débuts – en parlant des débuts, nous les avions reçus il y a presque 7 ans dans notre série de podcasts. Plus diverse, multiple, engagée même. Plus intellectuelle aussi, moins tournée vers une certaine facilité ou une fonctionnalité du dancefloor. Le spectre de l’IDM et de son apogée dans les 90’s ne flotte pas très loin de leurs têtes et ils semblent s’en accommoder à merveille, sereinement. C’est qu’au fur et à mesure des années et des disques lancés à toute vitesse sur leur vaisseau futuriste, Marco et Dario ont probablement entendu assez de techno 4×4 pour ne pas s’y atteler. D’autant plus lorsque, dans ses artistes phares, on trouve Surgeon, maître forgeron de grondements d’outre-dancefloor auquel il est difficile de se comparer.

C’est dans cette autre voie, presque bis, que le duo s’épanouit de plus en plus. Exit les tentatives club-esque d’Immersion, leur premier long format en 2015 ; exit aussi les expérimentations parfois creuses, et la complexité volontaire. Sur Cosmic Transmission, la musique est certes compliquée, mais pas complexe. On touche paradoxalement à quelque chose de plus immédiat à travers les multiples couches de boites à rythmes, séquenceurs et synthés. À l’image de « Sphere Force », sommet du disque ; les circonvolutions acid s’ajoutent à une ligne de basse des plus tordues alors que pleuvent des claps répétitifs, décalés, désynchronisés. Pourtant, tout sonne à merveille et on comprend tout de suite le propos : la club music peut-être réfléchie sans être chiante.

Ce même « Sphere Force » est à l’image du reste du disque – mis à part l’intro ambient « When Nothing Is Safe » et « Transforming Well », pastiche hip-hop 90’s du plus bel effet. Rapide et entrainant, les compositions des deux frères semblent être en constante accélération sous nos oreilles, notamment les vrillants « Natural Connection » et « One For All ». C’est d’ailleurs, avec son riff garage house, le plus entrainant des morceaux, dans ce disque qui est objectivement austère. Une austérité non sans chaleur : c’est dans cet interstice qu’Ilian Tape et que Marco et Dario Zenker établissent leurs musiques. Par chance, nous y sommes aussi, dans cet infra-monde.