Les Éveillés, collectif d’aide aux exilés qui, organisant des soirées, récolte des fonds reversés à leur cause, viennent de fonder leur propre label, Les Éveillés Records, afin de poursuivre leur mode d’action aussi par le biais des productions musicales. La vente de titres, composés par des artistes bénévoles, vient ainsi ajouter une nouvelle façade à leur action. Ils commencent, fort, par la compilation Flowing Light, dont nous avons la chance de publier en première le morceau Forto de Animo de Benales et Another Pixel.

On ne présente plus, dans nos colonnes, Another Pixel, hors pair derrière les platines et vétéran indispensable de nos soirées. DJ avant tout, c’est à partir de son intérêt pour le live et l’improvisation qu’il se consacre à la production. Ses affinités musicales le rapprochent naturellement de Benales, producteur et DJ de techno principalement, qui partage avec lui le goût pour la techno, en particulier de Detroit, et l’électro. Ils ont donc en commun l’attrait des sonorités analogiques et électroniques, et la touche peut-être plus cosmique d’Another Pixel se complète parfaitement de l’influence plus dub techno de Benales.

C’est en tout cas ce dont témoigne leur Forto de Animo, tiré de la compilation Flowing Light de Les Eveillés Records, condensé extrême d’énergie, propre à retourner le dancefloor. Dès le début du morceau, on est surpris puis immédiatement entraîné par la force qui se dégage de la production. Les sonorités cuivrées des synthés, à la fois métalliques et chaudes, se marient parfaitement aux percussions, qui savent être très présentes sans écraser la ligne mélodique, véritable fil conducteur et marqueur du morceau. Le kick écrasé mais rond semble rebondir à chaque temps ; il ne se limite d’ailleurs pas aux fréquences graves, mais a une composante très aiguë, aidé en cela par le clap qui vient, en quelque sorte, compléter le spectre des fréquences appuyées à chaque temps. De la sorte, il assoit le 4×4, mais tout en dynamique, de manière à nous emporter.

Car c’est bien de nous emporter qu’il s’agit : le morceau est construit de manière à nous donner l’impression d’une fuite en avant continue, sans perte de rythme ou de force. Au rôle moteur des percussions, il faut ajouter d’abord celui de la ligne de basse, qui court comme un ostinato répété et quasiment continu en de très basses fréquences, apportant en parallèle de la profondeur sans lenteur. Il faut mentionner ensuite celui des accords, dont la brève mélodie – en cela ils donnent l’assise, statique, du morceau – nous projette sans cesse – en cela ils échappent toujours à la stabilité. Leur texture, qui emploie une frange assez large de fréquences, dans les médiums, les rendent frontaux et immédiatement accrocheurs. Ils donnent donc à la fois identité et mobilité à l’ensemble.

Mais surtout, ces éléments sont agencés par une excellente construction. Benales et Another Pixel se servent de la ligne directrice que constituent les accords des synthés comme d’un support de base pour des ajouts, retraits, innovations sonores, mélodiques et rythmiques. Les breaks sans kicks, par exemple, ne perdent pas l’énergie mais la canalisent ; les moments plus calmes reposent sans qu’on en ait le sentiment, car en même temps ils nous lancent vers le drop. C’est là que la production est très forte : tout en alternant, comme par vagues, l’utilisation des éléments sonores (interruption des percussions, ajout de notes légères en dernière partie, emploi d’effets) pour éviter toute monotonie, l’ensemble pourtant conserve, de la première seconde à la dernière, sa tension caractéristique.

Nous y retrouvons, en fait, la continuité, la fièvre et l’intensité du processus de production lui-même, puisque composé analogiquement, ce morceau a été enregistré en une seule prise sans montage.

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Image : © Antonin Lefebvre