Prairie aka Marc Jacobs, multi-instrumentiste et curateur de nombreux événements expérimentaux tels que le Bozar festival à Bruxelles, sort son nouvel album intitulé “After The Flash Flood” sur le prestigieux label Denovali. L’occasion de revenir sur sa carrière, ses inspirations et faire un point sur  sa vision de la musique. Nous vous proposons donc un entretien avec ce touche à tout passionné ainsi qu’une écoute exclusive du morceau “Rabid Ibrahim” extrait de l’album qui sortira le 27 avril prochain. 

Peux-tu présenter ton travail en quelques mots ?

Je m’appelle Marc Jacobs. Je fais de la musique depuis toujours mais n’ai commencé à en sortir que récemment. A côté de mon projet Prairie, j’en ai un autre appelé Les Lacs, qui combine des sons abstraits et minimals avec du field recording. Ces travaux ont été réunis par la réalisatrice Khristine Gillard. Je suis aussi curateur et promoteur pour des lieux et des événements liés à la musique électronique expérimentale en Belgique. J’ai aussi été curateur d’un programme documentaire pour des festivals de cinéma.

C’est ton deuxième LP en tant que Prairie, peux-tu nous dire comment il s’est fait ?

Cet album contient des morceaux récents et d’autres plus anciens. Je le vois comme faisant partie d’une trilogie, qui se réfère à mon travail passé et ouvre sur ce qui est à venir. Mon premier EP date d’il y a 5 ans déjà et quelques morceaux sur  “After the Flash Flood” ont germé à cette période. Il y a des enregistrements des 4 dernières années. Il s’agissait ensuite d’assembler les bons morceaux pour raconter la bonne histoire.
Le titre de l’album a été inspiré par une photographie de Joel Sternfeld intitulée « After a Flash Flood ». C’est un paysage dans le désert américain où l’on peut voir une maison et une voiture prêtes à être avalées par la terre. Les superpositions de la terre et des couleurs sont visibles comme une plaie ouverte, et un ciel bleu règne sur le tout. Le cadrage et l’angle de la photo marque une certaine froideur. J’ai immédiatement fait le lien avec ce qui m’inspire en musique : la beauté dans la violence de la nature et son impact sur l’espèce humaine.

After A Flash Flood by Joel Sternfeld 

Comment s’est faite la sortie sur Denovali ? Quels sont tes rapports avec le label ?

Je les avais contactés et ils m’avaient dit qu’ils aimaient mon travail. Alors quand j’ai voulu sortir de nouvelles choses ils m’ont immédiatement dit qu’ils étaient intéressés. Je trouve que ma musique correspond parfaitement à leur façon cohérente et ouverte de sortir des choses et je me sens en bonne compagnie avec eux.

 

Peux-tu nous parler un peu de la façon dont tu travailles ?

Pour l’instant, j’aime travailler seul. Jouer et composer seul dans mon studio me coupe de tout et je peux pleinement être immergé dans le son et la création, je vois ça comme une chance. J’enregistre beaucoup de mes improvisations donc j’ai pas mal de choses dans lesquelles piocher quand je commence à composer. Les morceaux doivent m’apparaître rapidement sinon, c’est qu’ils n’en valent probablement pas la peine.
Sur l’album, pour la première fois, mon travail était mixé par quelqu’un d’autre que moi, Fred Alstadt, qui l’a aussi masterisé. Il a fait un travail remarquable en donnant de la perspective à tout ce que j’avais fait. Cette collaboration a permis à mon travail d’atteindre une autre dimension dans l’étape finale de création.

“Jouer et composer seul dans mon studio me coupe de tout et je peux pleinement être immergé dans le son et la création”

A quoi ressemble ton studio ? Quel est ton set up préféré ?

Mon studio est plutôt simple et j’aime garder les choses comme cela. La plupart de mes morceaux sont construits autour de ma guitare électrique, un vieil ampli Hohner Orgaphon de 1963 pour orgue avec un son énorme, quelques pédales d’effets. Je commence à me familiariser avec une poignée de synthés analogiques que j’ai récemment achetés. Un Arturia Microbrute et un Korg Minilogue. Et je viens juste de découvrir le Drumbrute d’Arturia que je suis prêt à explorer à l’avenir. Ensuite j’ai un ordinateur avec lequel j’édite les compositions finales.

De quoi est fait l’avenir pour Prairie ?

Je travaille actuellement sur le live, et j’apporte la touche finale à mon prochain album qui sera aussi sur Denovali. Je fais également la musique d’une pièce de théâtre et prépare une performance sur un film muet Russe des années 30 « The Ghost That Never Returns » de Abram Room.

Quelle est ta vision de l’art en tant qu’artiste et en tant que curateur ?

C’est une question tellement vaste qui nécessite un bon repas et du bon vin. Mais ce que je peux dire brièvement c’est que selon moi, il faut interagir avec tout ce qui nous entoure et créer quelque chose à partir de ça. Etre capable de rassembler quelque chose d’abstrait afin de le rendre concret et inversement, afin de créer un moment.
L’art est appelé art selon un certain point de vue et a différents sens selon les cultures. Ce qu’on appelle principalement art est une idée très occidentale. En tant que curateur, je crois que l’art est profondément lié au contexte dans lequel il est présenté, qui a besoin d’être compréhensible par tous. Et il est essentiel qu’un dialogue se fasse entre le contexte, l’artiste et le spectateur. Je suis contre l’élitisme et je crois que tout le monde devrait découvrir de nouveaux artistes ou de nouvelles formes de présentation artistique chaque jour.