Musique déconstruite, pour la tête et les jambes : si l’on devait résumer Bajram Bili, on choisirait probablement ce raccourci un peu facile. Detuning Euphoria, son prochain album à venir sur Le Turc Mécanique, prouve une nouvelle fois la versatilité du monsieur, et que l’on retrouve dans ce podcast à haute intensité qu’il nous a préparé. L’occasion aussi d’échanger avec lui sur son disque, ses influences et sa “schizophrénie” sonore.

Comment ça va, à l’approche de la sortie d’un nouvel album ?

Ça va plutôt bien. Hâte de dévoiler ce nouvel album ! Avec le label, on a décalé la sortie deux fois. Je pense qu’on essayait d’avoir de la visibilité sur une situation qui de toute façon n’en offre aucune. Alors on a fini par se lancer. En fait, en enregistrant, j’ai vite su que j’allais mettre en place un nouveau live qui serait le prolongement de l’album. C’est aussi cela qui nous a fait hésiter. Mais comme on ne peut rien prévoir, j’ai envie de te dire « on verra bien… »

Tu reviens sur Le Turc Mécanique avec Detuning Euphoria, quel a été le processus de création ?

La réalisation a été rapide, quand j’y repense. J’ai enregistré chez moi, à mon rythme… Je ne mixe pas mes albums seul dans mon coin. Donc une fois les prises et les arrangements effectués, j’ai travaillé avec Sébastien Bedrunes, mon ami et ingé son depuis des années, en studio comme en live.

C’est surtout l’élaboration de l’album dans ma tête, avant et autour des sessions studio, qui a été très long ! C’est le début du véritable second chapitre de l’aventure, si je puis dire. J’ai toujours aimé les « explorations sonores »mais jusque-là j’étais très focus sur les instruments analogiques, etc. Même dans la démarche, de manière générale, je ne regardais pas trop vers le futur. C’est totalement différent pour cet album. Ma vision a changé, j’intègre beaucoup d’éléments digitaux, je suis davantage dans l’hybridation, et je retrouve mon instrument fétiche : le piano. Il est volontairement digital et discret sur l’album, comme absorbé par les effets, mais il fera place à un grand piano acoustique sur scène. Tout ça, c’était beaucoup de choses à intégrer. L’idée que Detuning Euphoria soit un album accidenté, fait de morceaux déstructurés, je l’avais dès le début. Entre cette idée et le moment de l’enregistrement, j’ai passé du temps à faire, à défaire, à façonner les morceaux dans ma tête. Et, aussi étrange que cela puisse paraître, je les ai tous joués au piano avant de passer à la suite.

Le tracklisting est très resserré, six morceaux. C’était une volonté dès le début ?

J’ai tendance à préférer composer des albums assez courts. C’est vrai que celui-ci l’est particulièrement. J’ai hésité à utiliser le terme « album » mais en pensant à sa narration, et en comprenant la place qu’il occupe dans ma vie, ça m’a semblé évident. Un morceau en plus figurait dessus à la base mais je l’ai viré. J’avais le sentiment d’avoir dit ce que je voulais en six titres. Il faut aussi savoir que ‘Detuning Euphoria’ s’inscrit dans un projet plus global. Il y a un live que je vois comme un prolongement, c’est ce que je disais tout à l’heure, et j’ai déjà un autre album en tête, dans cette même démarche. Donc ça joue peut-être sur la tracklist.

Comment tu abordes un mix, et en particulier celui-ci ? Instinctif et spontané, ou au contraire très préparé ?

Je suis du genre à pas mal réfléchir et à préparer. Dans cet exercice aussi, la narration est importante pour moi. Sur ce mix, il y a un côté un peu radio show dans l’approche. Et j’y fais un clin d’oeil à ma dernière date « en public ». Avec tout ça, c’était… fin février 2020 déjà, à Dehors Brut. Je ressors notamment un enchainement qui avait été un moment assez dingue là-bas. Ça manque, ces sensations…

IDM, techno, bass, clins d’oeil trance et rave, on trouve de tout dans ta musique ; condenser toutes ces inspirations en quelques titres, un exercice schizophrénique ?

Il y a un côté schizophrène dans ma musique, c’est sûr. Par le passé je me suis souvent demandé si ce n’était pas un problème, si on ne risquait pas de s’y perdre. Et en fait, je crois que je m’en fous complètement ! Néanmoins, je ressens un changement avec cet album. Dans cette volonté de déconstruction des sonorités électroniques/club actuelles, mélangée au piano qui fait peu à peu son retour, j’ai senti que j’avais mis le doigt sur quelque chose. Le terme « Detuning Euphoria » l’illustre assez bien, d’ailleurs. Et ce « quelque chose », je le creuse déjà pour la suite.

Bajram Bili, Detuning Euphoria
Le Turc Mécanique