Derrière une métaphore bien rodée (le jour sacré des enfants) le collectif Mercredi records célèbre la créativité et la liberté musicale. Illustré grâce à une sélection alliant mélange des genres et rythmiques chaloupées, entrecoupés d’ovnis musicaux. Mercredi records c’est également la réalité et le jeu de mots de 4 diggers rennais exilés à Paris, qui se retrouvent chaque mercredi pour faire le point dans leurs dernières trouvailles. Au delà de la partie récréative, ils proposent des uploads sur leur chaîne Youtube Monsieur Mercredi et s’attèlent à la production depuis 2019 avec déjà 4 sorties vinyles/CD. En octobre dernier, ils dévoilent ‘Mimèsis’ produit par Quidam. Palette de souvenirs et d’inspirations sur fond d’acid et rythmes breakés 90’s. On est parti à leur rencontre le temps de quelques questions, et d’un mix festif et vitaminé.

Pouvez-vous vous présenter ? 

Mercredi Records, réunit depuis ses débuts en 2016 sa partie association avec le collectif de 4 DJs actifs, en 2018 la chaîne YouTube (Monsieur Mercredi) et plus récemment un label en 2019. On a connu une évolution organique et naturelle, pris différentes formes, toujours dans l’objectif de partager notre amour pour les musiques qu’on apprécie, sans distinction de genres, sans se fixer d’esthétique figée. Le collectif a évolué en même temps que nos goûts et nos intérêts, façonné par nos rencontres, nos découvertes communes et individuelles… Mais la juxtaposition de styles très différents et complémentaires a toujours fait partie de notre identité.  

Quelle était à l’origine l’idée derrière la création de Mercredi Records ? 

Ça a commencé comme une blague. Vers 2012-2013, plus jeunes, on se réunissait souvent le mercredi soir entres copains pour écouter des vinyles et boire des coups. C’était un espace convivial, bienveillant et chaleureux où chacun pouvait faire écouter ses dernières découvertes : une platine, un bon système son, chacun son cabas de vinyles sous le bras, et on passait la soirée (…la nuit) à se faire découvrir des artistes, des genres, des époques. Certains faisaient déjà de la musique, mais on n’était pas du tout DJ et ça n’était pas vraiment le but non plus. On essayait de ne pas être trop nombreux à chaque fois pour vraiment favoriser l’écoute : on était 6,7 à faire ça souvent. C’était devenu un rituel, presque cérémoniel. 

Puis Ravon, notre dessinateur officiel, qui est aussi fan de rock garage (vous pouvez écouter son unique DJ set enregistré ici), a fait un logo et Mercredi Records est né. On aimait bien aussi l’idée du mercredi, le jour où les enfants n’ont pas école, les centres aérés, l’identité de l’enfant qui goûte à tout, qui n’a pas encore de préjugés sur les choses. Et pendant plusieurs années, ça n’a été “que” ça. Dès qu’on partait en voyage, chacun de nous prévoyait inconditionnellement un passage chez les disquaires locaux : on revenait toujours avec des dizaines de disques dans nos valises. Ces soirées nous ont permis de découvrir tellement d’esthétiques, du rock garage à la musique indienne, en passant par le folk breton, la Beat Music, la techno,… Tous ces mercredis nous ont permis de nous construire une culture musicale collective, riche et hétéroclite, comme celle que l’on peut hériter de parents mélomanes. Parmi ce groupe d’amis, quatre (Axel, Pierre, Corentin et Baptiste) ont commencé à acheter de plus en plus de vinyles, avec un appétit particulier pour les musiques électroniques. On vivait à Bastille à l’époque, entre Born Bad, Techno Import et Syncrophone. On a acheté une table Numark deux voies, et deux platines vinyles, et on a essayé d’apprendre à mixer… Aujourd’hui, on se retrouve toujours (quand on peut) pour un mercredi avec les copains. Et on continue de construire notre culture commune. 

Considérez-vous avoir une esthétique particulière sur votre chaîne Youtube ou vos mixes ?

On ne se met pas trop de contrainte – ce qui peut parfois être déroutant… Nos premières expériences artistiques en tant que Mercredi Records, ça a été les premières dates comme DJ.  Au début, quand on a commencé à mixer ensemble, ça a parfois été très compliqué. Mais avec le temps et les dates, on a appris à se connaître, à s’écouter, et à proposer des cheminements cohérents, des assemblages où un style va servir l’autre. Maintenant, notre mécanique est mieux rodée, on fonctionne en osmose à quatre derrières les platines, c’est devenu instinctif et spontané. On aime surprendre, sans perdre la cohérence. C’est un équilibre fragile, parfois ça loupe … mais quand ça fonctionne, on arrive à amener les gens sur des esthétiques qu’ils ne connaissent pas forcément.Sur nos mixes, on va s’accorder sur une ambiance, sur le voyage qu’on souhaite faire vivre à l’auditeur, et on essaye de construire quelque chose de cohérent autour.

Pour ce mix Phonographe Corp – contrairement à nos derniers podcasts plutôt construits autour de la contemplation ou des musiques électroniques “lentes” – on a voulu faire un mix qui regorge d’énergie, quelque chose qu’on aurait pu jouer à une soirée. Un mix pour le corps et la danse qui nous manque tant.

La chaîne YouTube, Monsieur Mercredi, est un peu le miroir de notre approche, dans le sens où on le fait pour le kiff, sans se prendre trop au sérieux. L’idée est de partager des morceaux de notre collection (vinyle, CD, cassette) jusqu’alors non référencés sur internet. Encore une fois, on ne se met pas de contrainte, que ce soit dans la fréquence des uploads comme dans l’esthétique sonore des tracks uploadés. On y retrouve du kwaito, de la trance, du raï, de la pop, etc. Mine de rien, cela fait maintenant quatre ans qu’on l’alimente, et on a uploadé plus d’une centaine de morceaux.

Sympa l’edit “allez les rouges et noirs”. Réels supporteurs du stade rennais ?

Vrais supporters ! Corentin et Baptiste sont rennais, et Baptiste est un fervent supporter des rouges et noirs depuis son enfance. Le genre de supporter qui va mettre le match sur son téléphone pendant un gig… Donc cet edit, c’est un peu un hymne pour lui, souvenir des nombreuses années “compliquées”, vierges de tout trophée, mais pleines d’émotions et d’adversité qui ont forgé tout le peuple rouge et noir.

Sur la partie label, vous êtes déjà à votre 4ème sortie, pouvez-vous nous parler un peu ? 

En parallèle de l’achat de nos premières platines, on s’intéressait aussi à la production : un DAW, une carte son, un synthé, une boite à rythme, des pédales, puis deux, puis trois, et on s’est retrouvés à expérimenter musicalement chacun dans nos chambres. On a donc lancé le label en octobre 2019, en commençant par sortir des édits qui traduisent la diversité de ce qu’on peut écouter, avec une esthétique plutôt axée sur les musiques électroniques du début des années 90 (Reflection 90, Pile ou Faune), ou en explorant spécifiquement la discographie d’un artiste (comme Geoff Bastow avec les AV Edits). La dernière sortie est plus personnelle, c’est un album de compositions sur lequel Baptiste travaille depuis fin 2018. L’album est construit autour de différentes influences qui se retrouvent dans les nombreux samples utilisés, les codes de certains genres que l’on peut deviner dans l’album (hip hop, trance, g-funk, breakbeat, …), sur lesquels viennent se greffer des textures, des synthés analogiques, des vocals, des pédales d’effets. Le titre de l’album, Mimèsis, fait référence à une dynamique de mise en représentation, une imitation créatrice, construite à partir d’influences musicales, mais aussi de souvenirs, de rencontres, de lieux…
Musicien, supporter du Stade Rennais et philosophe donc.Cette sortie a été intéressante pour nous, car c’est notre première sortie distribuée également en digital. Grâce au boulot fait avec notre distributeur (Kuroneko), l’album est disponible sur toutes les plateformes de streaming… On n’aurait pas imaginé être un jour sur Spotify quand on a commencé à se réunir les mercredi soirs pour écouter des vinyles !

Ce qu’on aime aussi, c’est travailler avec les copains sur la partie physique pour proposer de beaux objets. Pour les deux premiers vinyles, on avait réalisé une édition limitée de copies personnalisées avec des dessins de Ravon et Michael Austin S autour de l’absurde, de l’espace, des formes animales. Pour Mimèsis, on a aussi travaillé avec des amies proches, sur le dessin avec Lena, le design et la sérigraphie avec Sophie, pour faire un bel objet en petite série (dispo sur notre bandcamp).

Quels sont vos projets à venir ?

On essaye de faire vivre notre musique malgré le contexte… Le partage avec les gens, la danse, la fête nous manquent. 2020, c’était essentiellement des podcasts et des émissions de radios. Ça nous permet d’explorer de nouveaux horizons musicaux : des ambiances plus lentes, mentales et introspectives, dans des genres plus spécifiques. Ce sont des inspirations différentes pour les futurs mixes, mais également pour la production. La création musical reste quelque chose qui nous tient à cœur : cette année nous a donné le temps et l’opportunité d’évoluer et d’expérimenter. On espère pouvoir partager de prochaines sorties très vite. On est d’ailleurs super heureux de faire partie de la prochaine compilation du collectif Pompelope, Foule Contact Vol. 1, qui devrait sortir courant avril.

On a également un projet live à douze mains qui s’appelle TKMR, avec deux musiciens super talentueux (Camille à la basse et Lucas au clavier/sax). On a déjà présenté ce live à plusieurs reprises lors de concerts et festivals ces dernières années. C’est un projet de scène, avec un format original qu’on a fait évoluer pour abandonner le vinyle et se concentrer uniquement sur les machines live, le public est plutôt réceptif en général. On continue de bosser sur l’évolution de ce live en studio pour de prochaines dates dans l’attente des beaux jours, et pourquoi pas sortir un EP. Enfin, les uploads sur notre chaîne Monsieur Mercredi vont continuer pour partager les musiques qu’on aime !

Mercredi records, Mimèsis
Monsieur Mercredi