NRSLD – He Got Game (Grid Records)

Paris sait affûter ses armes pour la reprise des clubs. Un tout nouveau label, Grid Records, donne acte de sa naissance par une superbe compilation Improvisations (GRID 001), qui rassemble quelques très fines lames de la scène française actuelle en y ajoutant d’autres noms étrangers bien connus. L’équipe du label, qui regroupe Clad, de Rinse France (direction), Krikor Kouchian, qu’on ne présente plus dans nos colonnes (mastering), et E-Unity, qui s’est fait une très belle place dans la veine française de la techno UK et le drum and bass (direction artistique), a fait appel à une collection d’artistes impressionnante, qui va de Realitycheck à E-Unity, en passant par Lastrack et Théo Muller pour les français, et de Troy Gunner à Solotape pour les étrangers (voir liste complète en fin d’article). Dans ce VA qui ravira les amateurs de techno à l’anglaise, un brin contemplative, mâtinée de drum and bass épuré, tous les participants sont dignes d’être mentionnés, tant leur identité sonore délicate, recherchée et intéressante s’incarne bien dans chacune de leurs contributions à ce projet. Offrant un mélange racé, entre expérimentations, rythmes cassés et endiablés, et travail sur les sons (de brut à doux, d’énergique à triste, de cristallin à rugueux), la compilation propose un ensemble parfaitement cohérent et uni – ce qui n’est pas toujours évident dans un VA. En son ensemble, elle suggère un jeu d’atmosphères très réussi, avec la particularité de pouvoir être joué aussi bien chez soi que pour un dancefloor qu’elle est prête à casser.

Parmi les artistes qui forment cette première réussite, nous avons le plaisir de présenter NRLSD et sa track “He Got Game”. Après un EP chez Man Band, Orange Leather (MNBN010) – où l’on retrouve la patte de Krikor Kouchian au mastering -, où il nous faisait découvrir une techno qui jouait sans cesse entre 4×4 et deux temps et qui reposait sur le contraste entre des basses rondes et un arrière-plan de textures lointaines, ce producteur presque inconnu, presque mystérieux, livre un morceau tout en intensité contenue. Dans un tempo rapide, il allie des kicks qui résonnent à un jeu de sons et de bruits, le tout sur un fond mélodique lancinant et chaloupé, à la façon d’une mélopée. Par le travail sur les échos, la distance entre les différents éléments (kicks plus proches, percussions plus lointaines), comme celle entre l’auditeur et les strates de sons, sont très bien rendues, de manière quasiment tangible.

“He Got Game” témoigne d’un axiome souvent oublié en production : l’intensité et la force d’un morceau dépendent moins du nombre d’éléments ou de leur volume que de la manière qu’on a de les tisser ensemble. Les interruptions de kicks et le soin accordé aux rebonds (comme une baguette de batterie sur une caisse claire) donnent au morceau l’énergie sous-jacente à une ligne générale mélancolique. Ils montrent que NRSLD sait créer l’attention et l’écoute, et plutôt que de donner d’emblée à l’auditeur une déflagration de sons sans retenue, il l’aide à venir déceler, elle-même, ce qui est présent. L’épuration ne donne pas lieu à un vide, mais c’est au contraire l’absence, et l’art d’employer le silence, qui tisse le lien avec l’oreille : c’est moins la musique qui vient à l’oreille que l’oreille qui vient à la musique.