La première fois que j’ai entendu parler de Oneohtrix Point Never, c’est en arrivant ici, à New York, au début de mon séjour. Les dix ans de la Red Bull Music Academy battaient leur plein et mon ami Lucien me proposa un soir d’aller lui tenir compagnie pendant qu’il vendait le merch de celui-ci lors de son concert. La soirée avait lieu au Saint-Vitus, un bar au fin fond de Greenpoint, rendez-vous des afficiodos de Death Metal et autres musiques mystiques, qui sent la sueur et le tabac froid. Un endroit isolé où pour moi, personne ne se serait déplacé un dimanche soir pour voir un artiste que je ne connaissais même pas. Mais plus la soirée avançait et plus le Saint-Vitus se remplissait d’une faune étrange et hétérogène, mélange de geeks de la musique, de hipsters de Brooklyn et quelques bikers égarés pensant assister à un concert de Metal. Au moment où le live de Oneohtrix allait commencer, la salle était pleine à craquer et muré dans un silence religieux. Et je me suis alors demandé: « Mais qui peut bien être ce Oneohtrix Point Never ? Ce type au nom mystérieux rameutant une foule bigarrée dans un endroit pareil ? »

Ce type c’est donc Daniel Lopatin. Fils d’un émigré de l’ex-URSS et d’une mère professeur de musique, Daniel est plongé très jeune dans une atmosphère musicale dans sa ville natale de Wayland, Massachusetts. Il doit cependant attendre ses dix huit ans et son entrée à l’université de Hampshire pour se mettre véritablement à la musique. Là-bas, il commence ses premières expérimentations sonores et musicales à l’aide de deux lecteurs cassettes, d’un clavier que son père lui a donné et d’une vieille machine à sampler. Il viendra ensuite étudier à New York à la Prat Institute, et posera définitivement ses valises dans la Big Apple, du côté de Brooklyn, pour se consacrer entièrement à la musique.

Ce n’est qu’en 2007 que Daniel Lopatin sort son premier « album », Betrayed In The Octagon, sous l’allias Oneohtrix Point Never alors qu’il participe parallèlement à d’autres projets musicaux comme Astronaut et Infinity Window. Ce premier LP pose d’emblée les bases de l’univers musicale d’OPN : un son aérien, composé de nappes puissantes et sombres, évoluant entre l’ambient, l’expérimentale et le drone. Mais surtout un son où l’amour de l’analogique se ressent et confère à chaque morceau une véritable authenticité. Daniel Lopatin, un Roland Juno-60 Synthesizer et un Korg Electribe ES-1 Sampler, un trio magique pour une œuvre hors du temps. Multipliant les side-projects et les collaborations avec des artistes proches de son univers, Lopatin se construit petit à petit une discographie impressionnante et une personnalité aux multiples facettes tel un schizophrène: des enregistrements de cassettes avec Keith Fullerton Whitman, plusieurs apparitions sur des compilations de drone et de synth-pop et même la réalisation d’un film expérimental appelé Memory Vague.

2010 et 2011 seront pour Oneohtrix Point Never deux années décisives qui lui permettront d’asseoir son statut de compositeur et producteur expérimental hors-normes: hipster et branché comme il le faut tout en restant fidèle à son âme de geek et d’amoureux des textures sonores les plus étranges. Returnal atteint la vingtième place du classement des 50 meilleurs albums de l’année de Pitchfork. Au cours de cette période, Daniel Lopatin participe à la création de Software Records, division électronique et expérimentale du célèbre Mexican Summer, sur laquelle figure aujourd’hui des artistes comme Autre Ne Veut (qu’il a rencontré à l’université de Hampshire), Airbird ou encore Harmonizer. A l’Automne 2011, il sort Replica sur cette même structure, album qui deviendra par la suite un de ses plus cultes, notamment par son artwork.

Daniel Lopatin est donc un touche-à-tout qui sait s’entourer des bonnes personnes. Et parmi elles, on en retiendra trois très importantes : Joel Ford du groupe Tigercity avec qui il crée Ford & Lopatin, duo passionné de synthétiseurs vintages et instigateur d’une musique hypnotique aux sonorités 80’s comme en témoigne Channel Pressure, sorti en 2011 sur Software. Mais aussi Tim Hecker, artiste et producteur originaire de Montréal, théoricien de la musique qu’il perçoit comme des mathématiques et expert en « sound design ». Un personnage au CV et aux références impressionnants et dont la rencontre avec Lopatin ne pouvait aboutir qu’à un chef-d’œuvre musical. Instrumental Tourist paraît à l’Automne 2012 et fait l’unanimité au sein de la presse musicale. Et enfin, Brian Reitzell, musicien, compositeur et music supervisor, impliqué aussi bien dans l’industrie musicale que cinématographique avec qui il co-écrit la bande originale de The Bling Ringdernier film de Sofia Coppola.

Une carrière irréprochable, une discographie des plus originales et surtout un respect général de la part de ses pairs, rien ne semblait manquer à OPN. Rien, jusqu’à ce qu’il sorte sur Warp, R Plus Seven, un album qui diffère de ses productions précédentes mais qui apporte une autre dimension à son univers et à son personnage. R Plus Seven, regroupe sans doute les morceaux les plus « dansants » qu’aie pu produire Oneothrix, mais sur lesquels on retrouve la patte de l’artiste New Yorkais. La structure des tracks est toujours un peu vague, beaucoup de répétitions et de sonorités distordues ou bourdonnantes qui témoignent de son héritage drone, mais une musicalité puissante qui donne à cet album tout son intérêt.

L’ouverture sur « Boring Angel » sonne comme une marche nuptiale spatiale digne de la bande originale de Blade Runner. « Cryo » et « Still Life » (dont le clip a été censuré) et les éléments sonores qui s’en dégagent petit à petit rappellent parfois Boards Of Canada et même Air. « Chrome Country » termine cet album en beauté sur une sorte de balade électronique pleine d’espoir, type générique de film. R Plus Seven rend alors la musique de OPN plus accessible et moins expérimentale, sans rogner pour autant sur la qualité et sa capacité à nous transporter dans un univers figuratif et imaginaire très fort. Avec R Plus Seven, Oneohtrix Point Never accède à un tout autre statut, pour lequel la renommée et l’image de Warp était nécessaire. Le nom de Daniel Lopatin vient désormais s’ajouter à cette liste de maîtres de la musique expérminentale et de l’ambient sur laquelle figurent déjà Boards Of Canada, Brian Eno, James Holden, Tangerine Dream ou encore Steve Reich. La boucle est bouclée; à vous d’en juger par vous-même.

Retrouver Oneohtrix Point Never sur : Facebook / Twitter / Soundcloudwww.pointnever.com 

Oneohtrix Point Never sera en concert le vendredi 27 Septembre au Trabendo (Paris), aux côtés de Forest Swords et Basic House dans le cadre du weekend In Paradisum. Pour plus d’informations: Event Facebook / Gagnez des places.

Oneohtrix-Point-Never-R-Plus-Seven

Oneohtrix Point Never – R Plus Seven

Sortie le 30 Septembre sur Warp Records