Compilations & rééditions : voilà enfin le dernier volet de notre best of des sorties de l’année 2018 – après les EPs & les albums – loin d’être anecdotique. Logiquement attachée à la fièvre du digging et la passion de la re-découverte, de nombreux labels, sans doute de plus en plus, s’attachent à la réédition de perles oubliées, notamment dans des genres n’ayant trouvé qu’un public restreint à leur apogée.
Le problème, bien sûr, c’est que de nombreuses compilations ne semblent sortir que pour le plaisir de la chose rare, jouant dans leur titre d’un certain exotisme propre à attirer le digger vulnérable : nous avons donc ici soigneusement choisi des disques dont la musique vaut pour elle-même, c’est-à-dire même lorsqu’elle est considérée hors de son contexte de re-découverte. Nous ne pouvons alors que saluer le travail des labels dont les compilations atteignent toujours cette qualité (Music From Memory, Rush Hour, Knekelhuis, Born Bad Records, Chuwanaga, etc). Aux côtés de ces rééditions, nous avons également sélectionné des compilations de morceaux inédits (avec BFDM, Timedance, Brownswood Recordings, etc). Du jazz au gqom, genre sud-africain méconnu, passant par la new wave, la funk ou encore la techno anglaise, il y en aura pour tous les goûts. Bonne découverte et, pour les plus pressés, bonne écoute !
April Fulldadosa – Tell Me (Reference Point)
Prêt.e à embraser le dancefloor sur quelques pas de jazz dance ? C’est bien l’univers de cette réédition de April Fulladosa sur Reference Point. Un must pour tous les amateurs de sons à la Gilles Peterson !
Various – Patina Echoes (Timedance)
Various – Only Promos Ma Poule (BFDM)
La dix-septième sortie de BFDM réunit en peu de morceaux d’immenses qualités. Dans un éventail du style, la techno à l’anglaise s’y épanouit par une facture sonore admirable. L’album est un festival de rythme breakés et de textures fines, véritable orfèvrerie du genre, où les détails sont soignés et les les atmosphères brodées. En cinq morceaux excellents, qui sont autant de signatures, l’auditeur voyage de la lenteur à la vitesse, d’un éther harmonique à la force du son brut, de l’effacement à l’irruption.
Jimmy Bennet & The Family – Hold That Groove / Falling In And Out Of Love (Fantasy Love)
Les Chocs Stars du Zaire / Teknokrat’s – Nakombe Nga / What did she say (Rush Hour)
Quel hymne.
Various – Kale Plankieren Dutch Cassette Rarities 1981-1987 Volume II (Knekelhuis)
Comme toujours, on fait confiance au label amstellodamois Knekelhuis et à son patron Mark van de Maat pour les sélections opérées dans les compilations : ce volume II fait suite à un premier paru en 2017, et reste dans le même esprit new wave et proto-industriel cher à l’identité du label. Quant au contenu, le titre du disque se suffit à l’exprimer.
Various – Hardcore Will Never Die (Corrupt Data)
Compilation gracieusement offerte en téléchargement gratuit par le label Corrupt Data, “Hardcore Will Never Die” rend hommage au genre né dans les raves des 90’s. Une douzaine de producteurs se fendent ainsi d’un morceau original portant la flamme du hardcore dans le nouveau millénaire.
Unlimited Source – Down In The Cellar (Backatcha)
On ne saurait trop louer le travail de réédition d’un label comme Backatcha qui tape encore une fois juste avec cette réédition d’une rareté jazz-funk made in UK. Essentiel !
Various – France Chebran Vol.2 (Born Bad Records)
Bande-son d’une génération d’artistes oubliés, la France Chébran Vol.2 met en lumière, cette fois-ci, la fin des années 80 portée par une musique funk, de plus en plus électronique, aux accents exotiques et orientaux. Des paroles en français et en arabe sur fond de synthés groovy, chantés par des artistes inconnus. Moins synth-pop que la première compilation qui célébrait les 80’s en plein boom, le second opus, toujours chez Born Bad Records, rend hommage à une époque française métissée en plein éveil dont émergera plus tard le hip-hop et le raï.
Raw – Fragments (Dark Entries)
Dark Entries, depuis son lancement en 2009, porte une double casquette : rééditions d’une part, sorties actuelles d’autre part, toujours en restant dans une esthétique post-punk et new wave. Les quelques morceaux contenus dans cette compilation, d’un groupe grec du début des années 1990, sont choisis avec soin et reflètent l’exigence du label : l’idée n’est jamais de rééditer des morceaux rares et étranges parce qu’ils le sont, mais bien parce qu’ils valent le coup d’être écoutés pour eux-mêmes.
Various – Shared Meanings (Shared Meanings)
Mumdance convoque une flopée de producteurs de talents pour une compilation des plus pointues. De l’ambient à la jungle en passant par la techno ou le hardcore, Shared Meanings réussi à proposer un large spectre de musique électronique moderne, payant également un hommage aux producteurs et clubs phares de la culture anglaise au travers du morceau “Teachers” de Mumdance et Logos.
Various – We Out There (Brownswood Recordings)
La nouvelle vague de jazz anglais n’en finit plus de s’affirmer. Preuve en est avec cette compilation aux allures best-of où l’on retrouve les all star du moment tels que Moses Boyd, Ezra Collective, Nubya Garcia ou encore Joe Armon-Jones.
Various – Uneven Paths: Deviant Pop From Europe 1980-1991 (Music From Memory)
Deuxième various d’artistes sorti chez MFM compilé par messieurs Jamie Tiller, boss du label, et le connaisseur Raphael Top-Secret, qui se sont donnés comme mission d’explorer les contrées obscures et inattendues de la pop music entre 1980-90 à travers l’Europe. On y découvre un kaléidoscope de références tantôt mainstream, tantôt expérimentales, le tout rythmé dans le spectre de la pop music, entre avant-garde et accessibilité.
Various – Sapyens Vol.2 (Sapyens)
On pourrait dire de la seconde compilation de Sapyens Records qu’elle réunit la bass autour d’elle. Cette longue sortie offre une diversité assez inouïe en un panorama musical bien fourni, nous faisant passer du 4-step qui roule au 2-step appuyé, par des morceaux déconstruits ou effrénés. Influences de la grime, passages de footwork, prépondérance des lignes de basses, kicks syncopés, emprunts populaires de juke, bref, tout y est, et avec talent.
Jonny Nash/ Suzanne Kraft – Framed Space : Selected Works 2014-2017 (Melody As Truth)
Les deux artistes de Melody As Truth nous livrent une compilation qui poursuit la lignée du label d’Amsterdam, plein de délicatesse. La musique de Nash est psychédélique, rêveuse … Kraft est un peu plus avant-gardiste. La difficulté d’une compilation, où chaque artiste compose un morceau, c’est d’arriver à instaurer une continuité entre les morceaux. Ici le lien y est, la transition entre chaque humeur se fait de façon logique et fluide. Une compilation définitivement ambient.
Various – The Originators (Gqom oh !)
Depuis sa sortie, cet album est un classique, au sens propre : il est d’emblée une référence pour le monde de la musique électronique. À l’heure où le gqom a déjà pris son envol, la réunion des plus grands Sud-africains prend la forme d’un concile de rois. La force qui se dégage de chaque morceau, son énergie toujours contenue et grave, la rudesse des sonorités témoignent ici plus que nulle part ailleurs de ce qui fait le gqom : sa puissance.