Leur nom pourrait nous faire penser que Blue Hawaii est un groupe de Surf Music, au style un peu rétro: banane, gomina, lunettes de soleil et chemises à fleur. Mais en réalité, c’est tout l’inverse. Blue Hawaii est un duo électro-pop-ambient basé à Montréal et formé de Raphaelle Standell-Preston et Alexander Cowan. Après Blooming Summer, un premier album léger et aérien salué par la presse musicale en 2010, Alex et Raph se sont remis au travail pour sortir au Printemps dernier Untogether sur le célèbre label de Montréal, Arbutus Records. Un second LP aux sonorités beaucoup plus froides et sombres qui change profondément le style du groupe mais sans renier sur la qualité.

Onze morceaux faits, comme ils nous l’ont dit, “ensemble mais sans vraiment l’être” et avec beaucoup d’amour. Parce que lorsqu’on rencontre Raph et Alex, on a l’impression qu’ils sont entourés d’une sorte de passion mystique et qu’ils vivent un amour idyllique. Des sentiments forts que l’on retrouve dans la plupart de leurs morceaux, en témoigne le sublime “Try To Be“, sans doute un des plus beaux titres de cet été et que l’on a eu le plaisir de découvrir sur la compilation LACREME. On a eu la chance de rencontrer ce couple atypique peu avant un de leurs concerts outre-Atlantique. On en a profité pour se renseigner sur leur nom, leur vie et la manière dont ils se rencontrés. Bonne lecture.

– Vous venez de la côte Ouest du Canada et êtes désormais installés à Montréal. Tout ça n’a rien de très exotique alors d’où vient ce nom aux consonances tropicales « Blue Hawaï » ? 

Alex : En fait notre nom vient d’un film de Norman Taurog  sorti dans les années 60, et dans lequel Elvis Presley tient le rôle principal. C’est une sorte de comédie musicale romantique qui se passe à Hawaii. Elvis a composé toute la bande originale et donc Blue Hawaï est aussi un de ses albums et un de ses meilleurs morceaux. Mais en réalité ce nom n’a pas grand chose à voir avec notre style actuel et on n’a pas d’histoire derrière lui. On aimait bien la manière dont il sonnait et c’est pour ça qu’on l’a choisit.

Raph : Quand tu écoutes notre premier LP, Blooming Summer, il y a plus de guitares, un son plus chaud, plus pop et le thème abordé est beaucoup plus positif. Du coup, le nom allait parfaitement avec l’univers qui se dégageait de cet album. Ça sonnait vraiment comme un album d’été ou d’amour.  Maintenant, notre style a complètement changé, et notre nom est un peu à l’opposé de ce qu’on fait. On est dans un esprit plus froid et beaucoup plus minimaliste. Mais on aime bien travailler cette contradiction ça fait partie de nous !

– Vous avez commencé à faire de la musique ensemble lors d’un voyage en Amérique Centrale à ce que j’ai cru comprendre. Vous pouvez nous en dire plus à propos de ce séjour ? 

Raph : C’était tout simplement incroyable. C’était la première que l’on passait du temps que tous les deux et je pense que ce voyage nous a vraiment soudé. On a fait plein de trucs différents et vécu de drôles d’aventures. On a même grimpé une montagne entière pendant presque toute une journée !!

Alex : On voyageait très léger : un petit sac chacun et une guitare. C’était une sorte de voyage idyllique. On venait à peine de se rencontrer, on était amoureux l’un de l’autre, il faisait beau et chaud. On n’avait rien d’autre à faire que de prendre notre temps et de trouver des choses intéressantes à découvrir. A ce moment là tu vois, le nom « Blue Hawaii » était vraiment ce qu’on recherchait et nous allait parfaitement.

– Untogether a dû être enregistré d’une manière totalement différente de Blooming Summer alors. Comment est-ce que ça s’est passé ?

Raph : Oui ça a été complètement différent. Quand on a écrit les chansons qui figurent sur Blooming Summer, on était tout le temps ensemble et on passait notre temps à travailler dans notre chambre. Même si on était deux, on a eu l’impression d’avoir fait ce LP à une seule personne. La présence de l’un et de l’autre nous était vraiment nécessaire et on essayait d’aboutir à des morceaux ou des sons que l’on voulait unanimement. Pour Untogether, c’est un peu le contraire qui s’est passé : on était beaucoup plus dans un dialogue musical où chacun proposait quelque chose et on essayait de voir si ça nous plaisait. Beaucoup plus d’expérimentations que l’on menait chacun de notre côté et que l’on se faisait écouter une fois terminées. C’était une approche totalement différente, on a fait cet album ensemble mais sans vraiment l’être.

– Et c’est la raison pour laquelle vous avez appelé votre album Untogether ?

Raph : Oui en partie.

Alex : En fait on a travaillé à partir de nombreux échantillons sonores que l’on créait chacun de notre côté. Ensuite, on les mélangeait entre eux, les assemblait afin d’essayer d’avoir un son que l’on aimait et qui et était en accord avec ce qu’on cherchait. Ces échantillons c’est une part de nous et le morceau final c’est Blue Hawaii dans sa totalité. On avait une idée fixe de ce qu’on voulait et on y parvenait par plusieurs moyens. C’est pour ça que l’on a créé ce néologisme, « Untogether», « pas ensemble ».

– Ce néologisme, le fait d’être ensemble mais sans vraiment l’être, c’est un peu le leitmotiv de cet album, de la cover même du nom des morceaux…

Raph : Oui c’est vrai ! Sur la cover on se prend dans les bras mais on est comme des fantômes ou des êtres invisible,  du coup on passe à travers l’un de l’autre.

Alex : Et pour les titres des morceaux tu as raison aussi, il y a « In Two », « In Two II », « Yours To Keep »,…

– Et même dans votre son je trouve. Justement recréer cette sensation de confinement et de proximité dans vos morceaux, c’est quelque chose qui était voulu dès le départ ou c’est venu avec le temps et en travaillant ensemble ??

Raph : Au départ c’est venu du fait que l’on enregistrait dans une petite pièce qui était notre espace à nous et on voulait recréer cette intimité dans nos chansons. J’aime le fait que ma musique me ressemble et soit proche de ma personnalité. On ne recherche pas de grosses productions ou des styles qui se font énormément dans la musique actuelle.

Alex : Mais ce qui est marrant, c’est que nos lives, sont complètement à l’opposé de ça ! On laisse ce côté intime et calme pour nos albums et quand on monte sur scène, c’est généralement très dansant. En fait ça ressemble à ce qui se passe quand tu fais une fête chez toi ou dans un petit espace et que tout le monde devient fou et se met à danser !

 Il y a une touche « électronique » assez importante dans vos morceaux, qui s’apparente à une sorte de Dark Wave et d’Ambient mais tout en restant très Pop. Quelles ont été vos influences majeures pour cet album ?

Alex : Moi j’ai écouté beaucoup de Techno et de Minimal en ce qui concerne le travail de production. Pas mal d’artistes de Kompakt ou de Hyperdub.

Raph : A cette époque, moi je n’ai pas vraiment écouté de musique. Je préférais chanter pour moi-même. Ça m’a permis de tenter plusieurs choses, d’emmener ma voix sur d’autres gammes et vers d’autres tonalités. Sur Untogether, elle est beaucoup plus grave, plus calme et plus contrôlée que sur  Blooming Summer. Le changement est assez étonnant et au début Alex avait du mal avec ça. On finissait même par s’engueuler !

Vous vivez maintenant à Montréal où il y a une des plus grosses scènes en terme de musiques électroniques. Est-ce que vous vous en sentez proche ?

Alex : Quand je me suis installé à Montréal, je n’en savais pas plus que ça sur la scène électronique de la ville et en plus j’écoutais plus de l’indie qu’autre chose. Mais en arrivant, j’ai commencé à rencontrer pas mal de gens, des producteurs, des Djs ou tout simplement des personnes qui aimaient bien la bonne musique électronique ; et j’ai découvert plein de trucs et j’ai vraiment commencé à m’y intéresser. Mais je suis plus attiré par le côté « production » de la musique électronique que par celui purement Dj, même si ça va souvent ensemble. Je vais bientôt aller à Londres et à Berlin, passer quelques temps là-bas pour voir ce qu’il s’y passe.

– En parlant de productions, comment est-ce que vous travaillez ensemble ? Qui fait quoi dans Blue Hawaii ?

Raph : Alex est plus du côté de la production comme tu as pu le comprendre. Et moi je suis plus du côté du chant et de l’écriture des morceaux. Mais on est assez complémentaire, parce que le style de musique que l’on fait doit avoir une partie production assez forte. Mais Alex fait bien son job donc je ne m’inquiète pas !

Alex : Merci ! En fait je ne m’imagine pas travailler avec quelqu’un d’autre. Je commence un peu à mixer et à produire des tracks pour moi, mais je ne pense pas pouvoir commencer un nouveau projet avec une autre personne. On se comprend, elle sait exactement ce qu’elle doit faire et ce que j’aimerais qu’elle fasse. Et ça, ça se ressent beaucoup plus dans nos lives par exemple : elle joue pendant 30 minutes les morceaux du set qu’on s’était fixé, et ensuite elle improvise et donne une nouvelle dimension à notre performance.

Raph, toi tu fais également partie du groupe BRAIDS. Mais qu’est-ce qui au final t’a convaincu de travailler avec Alex ? Qu’est-ce que vous avez appris l’un de l’autre en travaillant ensemble ?

Raph : Quand j’ai rencontré Alex, avec les membres de BRAIDS on était encore tous à l’université. Mais j’avais beaucoup de temps pour moi, et ce dont j’étais certaine c’est que je voulais faire de la musique. Dès qu’on a commencé à jouer ensemble avec Alex, il y a eu comme une sorte d’alchimie mais aussi beaucoup d’honnêteté l’un envers l’autre. Il m’a appris à avoir confiance en moi, à reconnaître la qualité de mon travail et à être plus patiente parfois.

– J’ai entendu dire que votre concert à Paris était un des meilleurs de votre tournée. C’est vrai ça ? Vous avez prévu de repasser par la France ?

Alex : Ah oui, notre concert à Paris était un de nos meilleurs c’est sûr !! On avait deux dates de prévues, une au Silencio et une à L’Espace B. Et le concert à L’Espace B était incroyable. Le son n’était vraiment pas terrible, mais tous les gens qui sont venus nous voir ce soir là connaissait notre album et nos morceaux. On s’est donc retrouvé devant un public aussi excité que nous et il s’est vraiment passé un truc. Tout le monde dansait, sautait partout, criait. A la fin, le public en redemandait et on a joué près de deux heures. C’était génial ! On n’a pas de tournée prévue en France mais on aimerait vraiment bien y retourner, c’est sûr.