Ambivalent est un artiste originaire de Washington D.C. Kevin Mc Hugh, de son vrai nom,  a été élevé à l’Acid House et au punk hardcore. Travaillant initialement dans l’art contemporain, c’est lors de son travail pour Creative Time dans le Brooklyn Bridge Anchorage que sa carrière prendra un nouveau tournant. A la fois new yorkais et berlinois d’adoption, M. Mc Hugh Ambivalent a travaillé à maintes reprises avec Richie Hawtin avant de se consacrer à ses propres productions. C’est aujourd’hui l’un des représentants emblématiques de l’écurie M_nus. En novembre dernier il se produisait au Showcase pour un set éclectique de 3h. Nous en avons profité pour en savoir plus sur le personnage.

– Salut Kevin, peux-tu nous en dire plus sur ton nom de scène Ambivalent ?

Ambivalent : C’est un adjectif qui décrit très bien mes sentiments  par rapport à beaucoup de choses. Et j’ai trouvé que j’employais énormément ce mot lorsque j’avais une opinion partagée sur un sujet. Mon amie Magda n’arrêtait pas de me titiller avec ce mot, donc finalement je me suis dit que c’était le pseudonyme adéquat pour décrire mes sentiments à propos de la musique.

– Tu as bougé plusieurs fois entre New York et Berlin, où vis-tu maintenant ?

Ambivalent : J’ai vécu à New York, je suis parti à Berlin, je suis revenu à New York, et maintenant vis de nouveau à Berlin, j’ai un peu fait la navette.

Ambivalent – Rumors (Original Mix)

– Comment as-tu commencé à New York ?

Ambivalent : J’ai déménagé à New York en 1986, et c’est là que j’ai commencé à faire dj. A cette époque je travaillais dans l’art contemporain et dans la musique. En 2004, je suis allé aider Richie Hawtin afin de travailler sur le live de Plastikman. On a développé des programmes et la technologie nécessaire pendant longtemps et nous avons fait une unique prestation à Montréal  la même année. Après cela, je suis revenu à New York afin de me concentrer sur mes productions. Quand j’ai rencontré un peu de succès grâce à ma musique et dès  que j’ai pu en vivre de manière stable je suis reparti à Berlin.

– Peux-tu nous parler du Brooklyn Bridge Anchorage ?

Ambivalent : J’ai travaillé là bas dans le cadre d’un projet qui réunissait de l’art contemporain qui était accompagné de musique. Les évènements étaient organisés par un collectif appelé Creative Time, j’ai travaillé avec eux pour la musique et pour développer des programmes. On a fait jouer beaucoup de monde, de Carl Craig à Zip en passant par Vladislav Delay ou même Sonic Youth. En cinq ans on a eu énormément de beaux noms de la musique électronique du début des 90’s.

– Comment cela t’a-t-il amené à travaillé avec M_nus ?

Ambivalent : Je suis devenu pote avec Richie (Hawtin ndla) lorsque je travaillais sur le projet du Brooklyn Bridge Anchorage puis il m’a présenté à ses amis, Magda, Troy (Pierce ndla), Jesse puis je me suis mis à travailler sur son live. J’étais toujours en train de travailler, mais pas en tant qu’artiste. Puis j’ai fait tourner mes productions à l’équipe afin d’avoir des retours et Richie était partant pour signer quelques morceaux.

Ambivalent – Jackson (Camea Remix)

– Tu utilises beaucoup de vocaux dans tes chansons, comment les choisis-tu ?

Ambivalent : Je ne les choisis jamais, en fait je ne pense pas que j’ai fait ça si souvent, mais c’est intéressant de voir que ce sont ces tracks que les gens retiennent le plus mais je pense que j’ai dû en faire uniquement quatre avec des vocaux. J’ai produit pas mal d’autres musiques sauf que les gens ont tendance à ce concentrer sur celles-là. Il y a Rumors Down Are You Ok.

– Et pour ton morceau White Tea Disciple ?

Ambivalent : Non, là ce n’était pas un vocal c’était un sample d’Alphaville de Jean-Luc Godard, c’est un film de 1965 qui parle du futur, il est très important pour moi. Le sample provient d’un personnage qui m’est très cher dans ce film.  Mais ce n’était pas ma voix dessus.

– Y a-t-il d’autres personnes qui font des vocaux pour toi ?

Ambivalent : Non,  lorsque j’utilise des vocaux c’est toujours avec ma voix. Normalement, je commence par un fragment de musique avec un groove qui me semble intéressant, puis si je sens qu’il y a besoin d’un petit truc que tu ne peux pas mettre sur la ligne de basse ou sur la mélodie, alors je mets des vocaux. Mais ça vient naturellement, d’un coup puis je parle – peu importe ce que je dis – puis je le retravaille un peu pour que cela soit cohérent avec le morceau.

Ambivalent – Bumble (Original Mix)

– Tu as dit précédemment que tu développais des programmes, quelle était ta formation avant de faire de la musique ?

Ambivalent : J’ai travaillé pendant de nombreuses années dans les arts visuels, notamment en tant que conservateur. Mon but a toujours été de travailler avec des gens créatifs, travailler sur des projets artistiques et la musique était tout aussi importante pour moi.

– Comment es-tu passé des arts visuels à la musique ?

Ambivalent : Pour moi, c’est la même chose, j’ai été passionné d’art et de musique contemporaine. Au milieu des années 90, la musique contemporaine était la musique électronique et je pense que c’est toujours le cas. J’ai toujours voulu construire un pont entre les deux et quand j’ai travaillé avec Creative Time, c’est quelque chose qu’ils ont apprécié. Par ailleurs je pense que c’est également la raison pour laquelle j’ai travaillé avec Richie Hawtin car pour lui il y a toujours eu un pont entre les deux champs artistiques. C’est ce qui a été la base de nos premières conversations et de notre amitié depuis plus de 10 ans.

– Qu’est ce qui te stimule lorsque tu produis ?

Ambivalent : Je pense que ce sont des expériences que j’ai eues en soirée. De temps en temps, il y a une idée sur laquelle je vais accrocher, ou un mélange qui je fais lorsque je mixe et que je trouve original à mettre en musique. Je combine deux ou trois morceaux ensemble puis cela me donne une bonne direction à suivre. Actuellement la musique que je produis provient essentiellement de mes découvertes que je fais lors de mes dj sets. J’essaye de faire en sorte que mes productions soient vraiment cohérentes avec ma manière de mixer. Avant mes productions étaient beaucoup plus minimales et sombres alors que mes dj sets étaient beaucoup plus riches et énergiques, donc je ne jouais pas mes morceaux mais que ceux des autres. Maintenant je suis en train de remédier à ça.

– Es-tu, comme Richie Hawtin, un passionné de nouvelles technologies ?

Ambivalent : Pour sûr, mes dj sets on changé de configuration. J’utilise maintenant un programme développé sur mesure pour moi afin d’utiliser mon Ipad pour jouer des séquences rythmiques. A côté j’utilise Traktor avec 4 decks  en interne que je synchronise à Ableton qui me permet d’utiliser des fragments de sons que j’ai programmés.

– Cela ne représente-t-’il pas beaucoup de boutons et de paramètres pour une seule personne ?

Ambivalent : Paradoxalement, non, car avant je n’utilisais que Traktor sur 4 decks avec Ableton et j’avais tendance à jouer des centaines de séquences via mon séquencer, ce qui donnait un résultat trop chargé. Maintenant ma configuration me permet de me concentrer sur l’essentiel et favoriser ma sélection.

– Dans ta jeunesse tu as été bercé par le Punk Hardcore, comment cela s’insère-t-il dans ta musique aujourd’hui ?

Ambivalent : Je ne pense pas que je le fasse de manière explicite, mais j’ai grandi à Washington D.C. au début des années 90 et cette scène était très présente. J’y ai appris beaucoup de choses. Peut-être pas des idées musicales, mais l’idée que tout le monde peut faire de la musique. Il faut juste croire en ses idées et mettre beaucoup de passion et de spontanéité dans ce que l’on fait, mais aussi que la musique se partage via une grande communauté. Je pense que ces bases m’ont permis de faire la différence dans mon travail de performer et de producteur.

C’est un état d’esprit, et parfois je pense que l’état d’esprit est beaucoup plus fort que la musique elle même. On peut reproduire tous les sons possibles de la planète, sans idées ils ne valent rien.

– Tu as également fait des productions très groovy sur Plus8,  comment expliques-tu que ces tracks soient beaucoup plus optimistes ?

Ambivalent : Ce sont des tracks que j’avais produit en étant vraiment très inspiré par mes dj sets. A ce moment-là j’étais très centré sur le dancefloor. Cet été, j’ai énormément joué dans des open air et je pense qu’une musique sombre et froide et pas forcément adéquate à ce type d’environnement donc je voulais faire quelque chose avec une autre énergie. Cette musique ne correspondait pas à l’identité M_nus mais beaucoup plus à Plus8 c’est comme ça que cet EP a vu le jour.

– Et que penses-tu de l’initiative Items & Things ?

Ambivalent : Je pense que c’est super, et qu’il fallait le faire. Cela permet à Magda, Marc (Houle), et Troy (Troy Pierce) de poursuivre leurs idées et de développer leurs identités de différentes façons. Etait-ce une surprise ? Items & Things existe tout de même depuis 2006. Il y avait toujours eu ce label disponible et en jachère, aujourd’hui cela à beaucoup plus de sens de le remettre au goût du jour.

– Que prépares-tu, de ton côté ?

Ambivalent : C’est toujours dangereux de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué mais je suis sur quelque chose d’assez intéressant qui verra sûrement le jour l’année prochaine.

– Est-ce un possible album ?

Ambivalent : Ce ne sera pas un album car je suis toujours très ambivalent quant à la production d’albums techno. Si j’en fais, je veux que cela soit unique et cohérent et c’est un travail de Titan que peu de gens réussissent. Pour moi, l’album de JPLS est le meilleur album techno de l’année et il restera longtemps dans les annales à l’image de Consumed de Plastikman. J’aimerais faire quelque chose de la même trempe et pour l’instant je ne pense pas être en mesure de le faire.

– Donc tu ne nous diras rien quant à ce nouveau projet ?

Ambivalent : Non car je préfère attendre que ça vienne avant de communiquer sur quelque chose qui n’est qu’à l’état de projet.

– Un petit conseil pour de jeunes producteurs qui liraient cette interview ?

Ambivalent : Je pense qu’il y a beaucoup de stress chez les producteurs qui cherchent à sortir tout ce qu’ils produisent mais je pense qu’il faut plus se concentrer sur une musique qui devient spéciale que de travailler sur une musique en tant que commodité. Plus de musiques ne signifie pas plus de bonnes choses. Moins de dj tools moins de remixes ça serait bon pour tout le monde.

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Merci à Coton Tige, Popcorn l’équipe du Showcase, et Kevin pour leurs temps.