A l’occasion d’une soirée Free Your Funk, le beat maker français Onra remontera sur les planches à Paris pour la première fois depuis… 2011 ! On courait après  le producteur depuis plusieurs années, on en a profité pour réaliser cette interview dans les tuyaux depuis bien trop longtemps.

Originaire de Paris Sud, Onra s’est fait connaître en tant que beat maker au milieu des années 2000 avec des morceaux très courts et incisifs qui n’ont pas tardé à faire leurs chemins jusqu’aux oreilles de Bo Bun Records qui signe son premier album en collaboration avec Quetzal. Depuis, le français enchaîne les projets, de Chinoiseries à Fundamentals en passant par Long Distance, chaque disque faisant honneur à l’Orient, le R’n’B ou le Future Funk. On sait Onra modeste et discret, pourtant, ses productions ont su séduire de beaux labels tels que Favorite ou All City (et même la machine Fool’s Gold). Ses nombreuses collaborations et son inventivité ont confirmé son statut de producteur à part entière. Nous sommes revenus avec lui sur plus de 10 ans de carrière.

Tu avais une quinzaine d’années dans les années 90, tu t’es donc logiquement pris la vague rap français de plein fouet. C’était tes premiers émois musicaux ?

Non mais pas loin ! A la base j’étais dans le Hip-Hop et le R’n’B. Hip-hop au tout début, à partir de 1991, puis le R’n’B quasiment en même temps vers ’93. Je pense que 1993 était une grosse année pour moi, c’est également à ce moment-là que je suis tombé dans le rap français. Le Hip-Hop commençait vraiment à devenir populaire, on en entendait de plus en plus à la radio et même M6, hormis Rapline, passait beaucoup de clips.

C’est ce qui t’a donné envie de passer derrière les machines ou c’est venu plus tard ?

Non c’est venu bien après. Je n’ai jamais vraiment voulu faire ça pour tout te dire. Je produisais par passion, je n’ai jamais voulu devenir un musicien. C’était vraiment par pur plaisir.

Tu as donc démarré tout simplement dans ta chambre…

Tu sais à l’époque il n’y avait pas vraiment de carrière possible. Avant moi, il n’y avait pas tellement de gens de mon profil qui tournaient régulièrement. Il n’y avait personne que je pouvais vraiment prendre comme modèle. Il n’était même pas question de carrière pour moi, c’était quelque chose auquel on ne pensait même pas. On faisait juste de la musique pour se faire plaisir, et on avait rarement l’occasion de pouvoir la faire écouter aux gens. Le but ultime c’était éventuellement de pouvoir vendre un beat à un artisté signé en Major, mais même çà on n’y pensait pas car il fallait une tonne de matos. C’était l’époque des débuts d’Internet où tout paraissait encore inaccessible. Aujourd’hui, le “métier” de producteur a bien changé puisqu’un jeune qui se lance sait automatiquement que si ça marche, il devra probablement jouer en club et autres festivals. Je pense que le fait que les jeunes en aient conscience dès le début les aident beaucoup pour la suite, ils savent se vendre, utilisent judicieusement les réseaux sociaux, etc. On peut dire que le métier de producteur est maintenant pluri-disciplinaire, il faut non seulement faire du bon son, mais également être une bête de scène et un expert Digital Marketing en même temps !

Par la suite tu as eu des opportunités via des personnes qui ont écouté tes sons je suppose ?

Un jour un mec passe chez moi (Gwillerm ex-JustLikeHipHop.com), il écoute une demo, mon tout premier album, que j’ai produite en collaboration avec Al Quetz / Quetzal, un autre producteur français. C’était à son goût, il a donc proposé de le sortir. J’ai logiquement continué à sortir des trucs que j’avais entamé ou en réserve, notamment des morceaux avec Byron et mon projet solo Chinoiseries.

Quetzal était un de tes potes ?

Oui, c’était un ami d’ami. On s’est rencontré car on utilisait le même matos et on a commencé à taffer ensemble petit à petit. Cet album c’est une collaboration mais au final, on n’a pas fait de musique ensemble à part sur un seul titre. On avait trouvé un concept, une direction puis on a chacun fait des tracks que l’on a assemblé de façon à ce que cela fasse un album.

Justement, celui-ci est plutôt une beat tape. Tu avais ce côté beat maker avec des morceaux très courts, tu t’es ensuite tourné vers des projets différents comme Chinoiseries, comment t’est venue cette idée ?

C’est arrivé totalement par hasard, comme tout ce que j’ai fait d’ailleurs, il n’y a aucune raison. Tout est fortuit comme par exemple la rencontre avec Byron, mon premier album puis mon second. Pour Chinoiseries j’étais en voyage, je n’avais même pas l’idée de faire ça, je tombe sur des disques, et l’idée a fait son chemin. Il n’y avait pas de réflexions comme envisager d’aller dans tel endroit pour développer tel projet.

J’ai l’impression que Chinoiseries est devenue, toutes proportions gardées, ta marque de fabrique voire un fil conducteur dans ta discographie, alors que tu as fait beaucoup d’autres choses.

Pas pour moi ! A mon sens c’est juste un side project, quelque chose en marge de ma discographie. Après, c’est peut-être ce qu’il y a de plus connu ou marquant mais ça ne définit pas du tout mon son, j’ai fait des choses totalement différentes avant et après. C’est un peu l’anomalie dans ma discographie justement, mais je pense que c’est dû à l’originalité du projet. Je vais terminer la série avec le troisième volet puis ce sera une page de tournée.

A propos de tes autres projets, tu as rapidement montré tes influences US avec Long distance qui est très orienté Future Funk à une époque où DaM-FunK ou PPU commençaient vraiment à sortir du lot. Te sens-tu de repartir sur ce type de projet en 2016 ?

PPU je n’en avais jamais encore entendu parler en 2009 mais DâM-FunK a clairement été une influence, surtout par ses mixes qui m’ont fait connaître beaucoup d’artistes que je ne connaissais pas. Pour le coup, c’est plutôt Long Distance que je considère comme mon identité sonore, des choses plus funk en règle générale. Les disques qui suivront ne seront pas totalement identiques à Long Distance mais ça aura la même couleur. Je suis certain qu’il n’y aura plus de Chinoiseries après le troisième volume et je repartirai clairement sur un son similaire. J’ai vraiment d’autres envies et directions à prendre.

Tu as collaboré avec beaucoup d’artistes qui se sont tournés vers la musique de club : je pense notamment à Byron (lire notre review de son dernier EP) et à Walter Mecca. Ca ne t’a jamais attiré ?

Walter mecca un peu mais pas vraiment, c’est parfois assez Jazz/rock, ce qu’il fait est très particulier. Byron pour le coup c’est très new soul / deep house, je suis bien content de son récent succès d’ailleurs. Il arrive pour la première fois en tournée en Europe. C’est cool que cela arrive enfin. On s’est rencontré via Myspace il y a 10 ans, on ne s’est jamais perdu de vue. Pour répondre à ta question, bien sûr que j’y ai pensé, j’ai déjà sorti quelques morceaux et edit uptempo durant les dernières années et j’en ai un petit stock encore dans la MPC. J’en joue dans mes live sets de temps à autres. J’y penserai plus sérieusement après la sortie de Chinoiseries pt.3, pour l’instant je fais plein de trucs très différents et je verrai plus tard ce que j’aimerai vraiment sortir en priorité…

Habituellement, les producteurs commencent par mixer puis à produire ou mènent les 2 activités conjointement. Tu n’as jamais eu l’air de vouloir mettre ton activité de DJ réellement en avant…

J’ai commencé à mixer après la production. Je collectionnais les vinyles depuis longtemps bien sûr. J’ai eu envie d’apprendre à pouvoir les jouer et faire des sets, faire danser les gens sur d’autres musiques que les miennes car je fais essentiellement des lives. Si tu joues tout le temps ta propre musique ça peut être rébarbatif, c’est cool de pouvoir jouer ce que tu écoutes, tes inspirations etc. J’ai commencé à faire des lives car un jour un promoteur me l’a proposé, c’est une opportunité qui s’est présentée je l’ai saisi. C’était un peu pareil pour le mix.

Je parle de ça car il y a 3-4 ans tu as commencé à développer ce projet de mixes R’n’B avec Lexis, Throw’em Up, peux-tu nous en parler ? Comment procédez-vous ?

Lexis m’a booké une première fois à Montréal, le courant est très vite passé. On partage beaucoup d’inspirations en commun. On s’est posé dans sa cave, j’ai vu ses disques de R’n’B et le reste a suivi ! On a donc fait une première série de 3 épisodes et là on en a encore 3 qui sont quasiment prêts à sortir. Ça va débouler très vite. On bosse à distance là-dessus.

Est-ce ce qui t’a poussé vers l’esthétique de ton dernière album Fundamentals ?

Bien sûr, ça a été une grosse influence : me replonger dans les morceaux que j’écoutais à l’époque m’a rendu hyper nostalgique et j’imagine que c’est ce qui a donné naissance à ce disque.

Ce n’est pas trop dur de sortir un album marqué R’n’B en 2016 ?

Apparemment un petit peu car ça n’a pas si bien marché. Mais je suis tout de même très satisfait de l’avoir fait comme tous mes autres projets. Après ça aurait peut-être pu mieux marcher, certes, mais c’était un délire que j’avais envie de pousser et je l’ai fait. Ensuite ça accroche ou non.

Tu avais de beaux featurings là dessus (Daz Dillinger, Do or Die…), comment as-tu touché ces personnes ? 

Ce n’est qu’une question d’argent aux US. Si tu allonges le cash tu peux avoir n’importe qui, même Q-Tip ou Busta… Je les ai contactés via les réseaux sociaux. En général tu trouves les mails sur les Twitter et un petit message suffit. Tu payes et l’affaire est réglée. C’était vraiment un rêve de gosse.

Cela fait depuis 2011 que tu n’as pas fait ton live à Paris : quel effet cela te fait de rejouer à Paris ?

Cela fait en effet hyper longtemps que je n’ai pas joué à Paris, je suis très content de pouvoir revenir jouer ma musique ici. C’est toujours un peu plus de pression ici qu’ailleurs évidemment.

Comment te produis-tu ?

Je suis tout seul sur scène, j’ai mes 2 MPC’s (avec lesquelles je produis ma musique), et j’enchaîne pas mal de tracks de différents projets/époques, j’ajoute quelques exclus et autres raretés. J’essaye de me donner à fond tout en restant dans la simplicité et l’efficacité, tout comme mon son.

On parlait de Chinoiseries 3, as-tu d’autres projets dans les cartons ? Featurings ? Onra Live Band ?

J’ai 3/4 projets déjà bien entamés, et Chinoiseries pt. 3 qui sort à la rentrée, je suis toujours en train de taffer, je ne sais pas trop ce qui sortira en premier et je me dois de garder le secret !

Onra se produira en live le 8 juin à La Bellevilloise pour Free Your Funk. Toutes les infos sont sur Facebook !

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