Et au milieu sonne une radio. Plantée dans l’immense terrasse d’un non moins immense bâtiment, la Halle Tropisme, trône Piñata Radio. Dans un studio tout de bois comparable à un conteneur (en plus chaleureux), la web-radio montpelliéraine diffuse tous les jours de la semaine et très souvent en direct pour le public posé à la terrasse du café de la Halle. Baies vitrées ouvertes, les résident.e.s et invité.e.s s’enchaînent sous le regard des curieux, comme une métaphore de leur mission première, l’ouverture. Thomas Manzarek et Maxime Ryckwaert ont fondé la radio il y a maintenant cinq ans et depuis, Montpellier et ses scènes sortent d’un anonymat relatif. Fédérer, lier, créer des connexions, sortir de la musique et en jouer beaucoup, tous les jours : Piñata Radio met sa ville sur une carte hexagonale et européenne avec talent. 

Car plus qu’une radio, c’est devenu un point de rendez-vous – ne serait-ce que parce qu’elle est ouverte et posée au milieu d’une terrasse de café. On vient y croiser des résidents, prendre un café et écouter ce que les clés USB ont en stock. On y fait pas mal la fête, aussi : des sessions en open air tous les étés (les fameux Mercredi On Air) qui ont muté cette année en un festival. Deux jours et une programmation qui ratisse large, comme la radio : techno, batida, breaks, amapiano, hip-hop, jazz, groove… Un instantané non exhaustif de ce que leurs ondes diffusent. Rencontre. 

Hello à tous les deux ! J’espère que tout roule avec l’arrivée des beaux jours. Comment se profile la saison à la radio ?

Maxime : C’est presque déjà l’été à Montpellier, on n’est pas à plaindre !

Thomas : Il y a toujours un petit temps de répit en hiver, mais là ça bouillonne, le printemps et l’été s’annoncent déjà super busy. C’est assez excitant comme période !

Si l’on revient un peu en arrière : Piñata était un blog et webzine qui a par la suite muté en radio. Quelle a été l’impulsion de départ, l’idée de la radio ? 

M: On a été clairement inspiré par les web-radios de cette époque … NTS, Balamii, Worldwide FM, Rinse France, et puis il y avait aussi une plus petite radio à Lille : Comala Radio. J’avais rencontré au Worldwide Festival Sketitz et Ango, à l’époque où j’étais à Radio Campus Montpellier et eux à Campus Lille. Quand ils ont créé Comala Radio, en parlant avec eux, on s’est un peu rendu compte que c’était possible avec peu de moyen financier. On avait déjà beaucoup d’artistes autour de nous, des idées, on a monté un crowdfunding et on s’est lancé en quelques mois. Et quand j’y pense, notre conception de la web-radio en 2018 était différente de celle que l’on a actuellement… 

On a lancé ça comme un média, maintenant notre vision du projet est clairement à 360 degrés. On essaie de découvrir des nouveaux talents, que ce soit avec des ateliers de DJing ou simplement via un passage radio. On programme ces artistes sur des événements de la radio ou partenaires, on les mets en relation avec d’autres acteurs. On peut sortir leur release sur notre label. On a souvent conseillé au maximum ces mêmes artistes et maintenant on commence à faire du développement et du booking avec un petit roaster !

Cela répondait forcément à un manque dans la ville ? Ou bien c’était une envie plus personnelle de s’y lancer ? 

T: On voulait vraiment créer une plateforme d’expérimentation, de la visibilité pour des artistes et un espace de rencontre. Quelque chose qui nous ressemblait bien sûr, mais avant tout aux artistes/DJ/labels qui nous entouraient. Montpellier ou même le sud de la France regorge de talents, mais c’est ça manque de structure, de visibilité, de coopération, d’unité peut-être. Je dis pas que l’on répond à toutes ces problématiques, mais en tout cas une plateforme web, donc « worldwide » peut donner d’autres perspectives à une ville, à une scène.

Jeune structure mais déjà rodée par les aléas de ces dernières années : comment avez-vous trouvé un modèle viable pour une web radio ?

M: C’est toujours work in progress ! On est toujours pas « assez orienté radio », trop hybride, pour pouvoir demander des subventions lié à ce domaine et on on refuse la publicité. L’événementiel est un modèle économique viable, mais très instable, aléatoire parfois, quand on pense à des périodes comme le Covid. On s’est donc diversifié ! De l’événementiel, des programmations en marque blanche ou signées Piñata Radio, quelques partenariats avec des marques, de la création de radio pour des pros, on a aujourd’hui trouvé un certain équilibre. Au lancement du projet, on ne pensait pas ou peu au développement d’un modèle économique. On avait des bénévoles, qui ont été incroyables et que je remercie, mais pour le bon développement du projet et de ses ambitions, on s’est professionnalisés et salariés avec Thomas. On emploie même une troisième personne, depuis plus d’un an.

La radio s’est affirmée et a réussi à cimenter toute une scène autour d’elle, rapidement. Il y avait pourtant d’autres structures à vos débuts, notamment Radio Campus. Comment s’est passée l’installation et sa réception par la ville et ses acteurs.trices ? 

T: Je pense que notre histoire et celle de la radio suit un schéma assez classique en soit. Dans les premiers temps, notre projet était jeune et on peut te fermer des portes, ne pas vraiment considérer ton travail ou ton potentiel. Certain.e essaye de protéger leurs positions également, c’est normal. Puis du moment que des structures ou des personnes considèrent ton travail, ton potentiel, d’autres vont le faire par simple principe d’inertie. À notre échelle, le fait que Mixcloud nous ait nommé « meilleure jeune web-radio » au bout de 6 mois d’existence ou que des acteurs culturels locaux tel que Vincent Cavaroc (Tropisme), Adrien Cordier (festival BAZR) nous ait fait confiance nous a clairement aidé. Très vite, on a réussi à créer un réseau en dehors de Montpellier, en Angleterre et en Norvège par exemple. Tout ça fait qu’aujourd’hui, on essaie au maximum d’inclure les nouveaux artistes/collectifs/acteur.trice, tout en incluant les plus anciens. Il faut rester ouvert et savoir en plus se renouveler !

Donnez de l’espace et du temps d’antenne à des artistes : la clé d’une scène vivante ? 

T: Clairement, on est content que notre plateforme ait aujourd’hui une certaine visibilité – dans le sud de la France du moins. Un.e artiste émergent qui passe par la radio sur une émission, un événement, peut attirer l’œil de quelqu’un dans l’événementiel, dans un label ou d’autres artistes dans la même niche. C’est ce que font aussi très bien les autres web-radios en France et c’est ce que l’on a toujours voulu ! Les web-radios sont le maillon d’une chaine importante entre l’émergence, la niche et les salles de concerts, clubs et autres structures. Je pense que certains programmateur.trices utilisent les web-radios comme des annuaires gratuit. Et tant mieux !

Grosse actualité en ce moment avec le label ! Plaisance Records, c’est quoi en quelques mots ? 

M: Plaisance Records est parti un peu du même constat que la radio… trop d’artiste tous styles confondus et pas ou peu de labels en local pour sortir leur release. Parmi ces artistes il y avait aussi Thomas aka Tom Manzarek aka l’un des producteurs les plus talentueux que je connaisse, qui dormait depuis trop longtemps sur ses productions. Son premier projet Courreau Groove  a été la première release du label, en digital et vinyle. Avec le temps, notre idée du label évolue évidemment. La dernière étape était le 21 avril avec la sortie du premier album de De Phase, un duo jazz-house-r&b qu’on adore, qui produit de la musique entre Bluestaeb, Max Graef et Kamaal Williams. 

Des loops de hip-hop, du jazz mais aussi des clubs tools : le label, chambre d’expérimentation de vos genres favoris ? 

T: C’est clairement notre chambre d’expérimentation. On parle souvent entre nous de créer des multiples sous labels pour pouvoir plus sortir que beats en cassettes, des EP broken beat, zouk ou je ne sais quoi, mais c’est sans fin ahah. Encore une fois à l’image de la radio, on aime beaucoup réunir des artistes d’univers different sous une même bannière. Dernièrement on a sorti la beat-tape de Hannah Abdul, avant ça une compilation club avec des artistes locaux qui produisent du footwork, de la house, de la jungle, puis c’était mes productions zouk/dub/amapiano et avant ça un projet en cassette Memphis rap Norvégien… Là on annonce encore un truc différent avec l’album de De Phase. On comprends que ça puisse être pour certains un peu brouillon, mais on aime bien se dire que tout ça forme une certaine esthétique, une certaine identité qui nous est propre.

La suite, pour Piñata Radio ? 

M: La suite imminente, c’est un festival ! Depuis 3 ans, depuis l’installation de notre studio aux Halles Tropisme en sortie de covid, on avait lancé des rendez-vous le mercredi. L’idée était clairement de sonoriser la radio en plein air avec du public. Ces événements simplement nommé « Mercredi ON AIR » était un peu notre marque de fabrique jusqu’ici. Beaucoup de souvenirs et de beau monde y ont pu y passer. C’est triste mais on a décidé de les arrêter cette année ! On organise donc un festival de 2 jours pour célébrer les beaux jours. 

On ramène DJ Lycox, Roni, Anaco, Tweak Soundsystem, Romain FX… mais aussi le collectif Discotte, le groupe de jazz lyonnais Selil Kadora avec Jazz On Top et beaucoup de DJs locaux : Leyka, Mendi, Pura Pura, System Sol… On a aussi prochainement des cartes blanches dans des festivals que l’on apprécie beaucoup. Il y a Le Bon Air à Marseille, mais également d’autres qui seront annoncé prochainement.

Piñata Radio fait son festival ce samedi 13 et dimanche 14 mai 2023, à la Halle Tropisme, à Montpellier.
Line up furieux et prix doux, allez-y !