On ne vous révélera aucun secret : Slowglide est un membre de la famille étendue de Phonographe Corp. Il a participé devant ou derrière les platines, dans le public ou avec l’équipe à de nombreuses sauteries faites maison. Voilà pour le contexte : on ne voudrait pas céder aux sirènes du copinage après une décennie d’activité, non merci.
Victor, aka Slowglide, est un DJ et producteur qui a fait ses armes sur la scène rémoise et le collectif La Forge – d’où la connexion, Phonographe Corp étant né à Reims – avant de sauter sur la capitale. Un premier EP sur Antinote Reigi/Haipa en 2018 et, quatre ans plus tard, un retour à production avec Mount Apeiron sur cette fois-ci, son propre label. Vanishing Point, c’est son nom et donne (un peu) le ton de l’aventure : mystique, entre-deux mondes – celui du club et celui du home listening, insaisissable. Quelques questions s’imposaient.
Hello Victor ! Comment ça va, déjà ?
Au top ! Je reviens de mon tout premier Positive Education Festival (notre discussion a eu lieu il y a quelques semaines, ndr) où j’ai enchaîné claque sur claque : la musique, le lieu, le public, tout s’articule parfaitement. Il s’est déjà presque passé une semaine et je suis toujours sur un petit nuage. De superbes découvertes et de chouettes rencontres. En plus j’ai commencé à communiquer sur la sortie et le label là-bas, j’avais des retours le soir même de gens que je croisais sur le festival, c’était hyper encourageant ! Clairement l’année se termine bien mieux pour moi qu’elle n’a commencé, j’espère rester sur cet état d’esprit de déter et d’optimisme pour la suite.
Mount Apeiron : j’ai tenté de faire une recherche sur Google Maps avec ce titre mais je n’ai rien trouvé. Quel est ce lieu ?
Là, on rentre dans le vif du sujet ! Mount Apeiron est ma représentation très personnelle d’un axis mundi, c’est-à-dire d’un pont entre notre monde matériel et les hauteurs spirituelles, le lien entre Terre et Ciel dans les anciennes mythologies si tu préfères. Logique, donc, que tu aies mis Google Maps en sueur puisqu’on parle d’une montagne sortie tout droit de contrées imaginaires.
Ce sont mes récentes lectures qui m’ont inspiré ce titre : il y a ce roman génial mais inachevé du poète René Daumal, Le Mont Analogue, qui mêle sciences et métaphysique et où des alpinistes tentent de trouver puis d’escalader une montagne cachée sur la surface du globe dont le sommet serait inaccessible aux humains. Ensuite, l’apeiron est une notion philosophique ancienne, un principe originel signifiant à la fois infini, indéfini et indéterminé. Je trouvais que cette idée de montagne in(dé)finie collait parfaitement à la musique, d’autant plus que chacun peut se créer sa propre représentation mentale de celle-ci.
Comment s’est déroulé la création et l’enregistrement de cet EP : rapidement, au long cours, à plusieurs endroits ou dans ton studio ?
Alors on est plus proche d’une course de fond que d’un cent mètres haies, voire d’une longue ascension si on reste dans la thématique. La plupart des morceaux ont été composés entre l’automne 2020 et le printemps 2022, sauf le dernier track qui est en fait une version plus aboutie d’une démo datant de 2017.
Toute la compo et le sound-design ont été faits à domicile, puis le mix a été peaufiné juste en face au 9GS Studio tenu par les amis Vincent et Augustin. J’ai passé pas mal de temps là-bas pour arriver au résultat escompté. D’ailleurs, un immense merci à eux pour leur temps et leurs précieux conseils.
Il y a une vibe plus apaisée, presque sereine : est-ce que c’était volontaire, ou cela t’est venu ainsi ?
Je ne sais pas trop, j’imagine que cette vibe s’est développée à la fois de manière consciente et inconsciente. On ne va pas se mentir, les événements liés au Covid ont changé notre manière de consommer et de concevoir la musique, voire notre manière d’appréhender le monde. J’ai plutôt bien vécu le premier confinement, mais j’ai presque complètement arrêté de digger de la musique de club à partir de ce moment-là. Depuis je préfère écouter de l’ambient, du jazz, du folk, renouer avec des choses plus solaires et spirituelles comme le psychédélisme des années 60/70 – grosse madeleine de Proust pour moi. Peut-être aussi que l’installation à Paris, avec le changement d’échelle et le stress que ça génère, m’a poussé à trouver refuge dans une expression plus deep et organique, éloignée du club.
Slow-techno, percussions tribales et inserts presque organiques, on a la sensation d’être sur ce Mount Apeiron, en balade. Est-ce que tu fais de la rando ? Et si oui, quelle serait la bande-son idéale ?
J’ai toujours eu une connexion particulière avec la montagne : les sentiers, l’odeur des pins, le fait de prendre de la hauteur et de voir l’horizon s’élargir. Je pense que c’est dû au fait que ça contraste drastiquement avec là d’où je viens, les grandes plaines champenoises. Après je suis pas un turbo-randonneur non plus, je ne me fais pas des sentiers GR de 50 bornes sur plusieurs jours avec la tente sur le dos et le réchaud dans le sac, même si l’idée me tente bien.
Quant à la bande-son idéale pour une randonnée, tu as deux choix selon moi : soit le bruit de tes pas et celui des grands espaces, soit la discographie d’Aleksi Perälä.
Tu lances en même temps ton label Vanishing Point avec cet EP. Go big or go home, c’est l’idée ?
En vrai, quitte à ce que ce soit long et chiant de sortir de la musique, autant le faire soi-même ! Non, plus sérieusement, j’ai toujours eu envie de lancer mon propre label, être mon propre directeur artistique et valoriser des esthétiques qui me tiennent à cœur. Je travaille toujours avec le collectif La Forge – ma grande famille technoïde rémoise – mais je voulais créer une plateforme qui me permette de sortir des choses hors des sentiers battus, avec une ligne artistique plus psychédélique et un propos plus poétique.
La vocation première de Vanishing Point est de proposer une musique des confins, des mondes que l’on imagine au-delà de la ligne d’horizon. Peu importe le genre ou le style musical, du moment que cette idée prime sur le reste. Pour le moment les prochaines releases prévues sont aussi de moi, mais j’ai déjà quelques artistes dans le collimateur et de belles idées pour l’avenir. Affaire à suivre !
Slowglide, Mount Apeiron
Vanishing Point
crédit photo : Léna MadNood