Earl Sweatshirt - Doris

3,5/5

Après les succès solo de Tyler The Creator et Frank Ocean, il semble que les autres homeboys du crew Odd Future se soient décidés à franchir le pas et à délaisser leurs innombrables mixtapes pour sortir leurs propres albums. Pour la suite, on aurait plutôt parié sur Domo Genesis déjà bien implanté dans le jeu avec ses 3 full-lenght mixtapes, or, c’est l’exécrable Earl Sweatshirt qui s’est décidé à reprendre le flambeau. Avec Doris, Earl s’érige en digne héritier de la dynastie Odd Future. Jusqu’à quand ?

Bien que discret, Earl a fait quelques passages remarqués sur les mixtapes susmentionnés du collectif controversé, sur “Duality” de Captain Murphy aka Flying Lotus dans le morceau Between friends, mais encore et surtout sur l’excellent Super Rich Kids paru dans l’album “channel ORANGE” de Frank Ocean. On attendait depuis une démonstration plus consistante de ce jeune rapper qui se tapit dans l’ombre de son mentor Tyler, et à juste titre : sa voix caverneuse et son flow font de lui une copie quasiment parfaite de ce dernier, qu’il est difficile de distinguer, à cela près que Earl se montre plus incisif, plus affamé dans ces textes. Et il le démontre bien sur Doris.

On savait l’esprit de clan très présent chez OFWGKTA, Earl le prouve une nouvelle fois en faisant intervenir ses pairs (Tyler, Domo, Frank) mais n’en oublie pas pour autant de convier 2 poids lourds du rap actuel : Mac Miller et RZA. Dieu merci, il n’a pas commis l’impair d’inviter le sirupeux Macklemore. En ce sens on se dit que les membres d’Odd Future ne sont pas encore perdus… Pour ce qui est du reste, la formule reste identique aux autres longs formats : instrus lourdes, voix pitchées, basses angoissantes, ambiances sombres, aux antipodes des productions qui caractérisent la côte West… Contrairement au premier album de Tyler qui avait ce côté crade et inachevé dans la production, Earl a fait les choses correctement. Malgré ses 19 ans, il fait preuve d’une certaine maturité dans son approche, chose que l’on n’attendait pas de lui étant donné son humour macabre, nécrophile (n’ayons pas peur des mots), ses horribles punchlines et la réputation de fouteur de merde qui lui colle à la peau.

Malgré sa qualité, l’album a pourtant un goût de déjà vu. Un je-ne-sais-quoi qui ne nous satisfait pas entièrement. À croire que maintenant qu’ils ont trouvé la formule magique, les rappers de L.A ne souhaitent plus créer (Frank Ocean étant un cas à part). Cette méthode miraculeuse qui choquait à leurs débuts est toujours efficace 4 ans après, mais une certaine lassitude se fait sentir. On imaginait mal ces artistes rapper sur des beats plus old school à la Joey Bada$$ et pourtant ça ne fonctionne pas trop mal sur Knight, seul morceau réellement Soulful de “Doris”. À force de s’enfoncer dans leur niche, les Odd Future vont-ils s’y perdre ?

Doris reste un très bon album qui tournera probablement beaucoup sur nos enceintes mais le manque de renouvellement nous déçoit un peu, surtout de la part d’un groupe qui a fondé son succès sur un seul pilier : la controversion.

@CyprienBTZ