Tyler, The Creator - Wolf

Tyler a toujours su cacher son jeu et malgré son apparente idiotie et nonchalance, il réfléchit à chacune de ses décisions. Ses 3 albums sont tous sortis à l’aube de l’été, lorsque le soleil pointe son nez et le mercure commence à grimper, prétendant ainsi au titre tant convoité d’album de l’été. Ses 2 premiers opus “Bastards” et “Goblins” n’ont pas mérité cette palme, mais il se pourrait bien que le dernier en date, sobrement intitulé “Wolf” ravisse la médaille.

Selon ma conception de la chose, le disque de l’été n’est pas spécialement celui qui vous fera vibrer toute l’année et que vous aurez en tête chaque jour que Dieu fait mais plutôt celui qui accompagnera les meilleurs moments de votre saison estivale et qui vous accompagnera en toute circonstance : trajets en voiture par 40 degrés sans clim, sandwiches triangles sur la N64, l’odeur de gazole réchauffé de l’aire d’autoroute de Lannemezan et autres évènements plus sexys tels que les longues soirées sur la plage ou les barbecues chez les potes. En somme, l’album de l’été a le droit de ne pas être assumé en d’autres circonstances et peut être un plaisir coupable.

“Wolf” remplit toutes ses fonctions et a le mérite d’être “assumable” auprès de ses pairs. Du haut de ses 22 ans Tyler et son crew Odd Future ont mis à mal la planète rap en moins de 2 ans avec des mixtapes agressives, des clips malsains et des lyrics totalement déjantés relatant une haine certaine pour la gente féminine et des histoires de viols/découpage de cadavres. Tout pour plaire… Leurs apparitions scéniques font flipper les promoteurs tant la bande de joyeux lurons peut s’avérer être imprévisible. Les journalistes qui les ont accompagnés s’accordent tous à dire que les jeunes rappeurs sont tous des pourris gâtés irrespectueux et méprisants. Longtemps, Tyler a laissé croire qu’il était un homophobe convaincu jusqu’à ce que son frère d’armes Frank Ocean fasse son coming out (et il apparaît sur plus de 10 de ses morceaux). La violence de ses morceaux le fait passer pour un individu dénué de toute humanité. Là encore, Wolf prouve le contraire et nous déroute.

Le disque s’ouvre sur de belles notes de piano, douces et enivrantes qu’un magistral “Fuck” vient casser. Le message est clair : Tyler ne changera jamais. En revanche, il se dévoile un peu plus dans cet album cosy et intimiste. Il y évoque sa relation avec les femmes “I love you but I fucking hate you”, avec ses parents, ses fans sans sombrer dans les clichés oedipiens / album de la maturité / crise d’adolescence. On ne perd pas les bonnes vieilles habitudes, MTV en prend pour son grade “MTV could suck my dick” : Tyler avait obtenu le titre de Meilleur artiste de l’année en 2011 alors que la chaîne n’a jamais daigné évoquer son nom. Côté musique, Wolf ne ressemble en aucun point à son petit frère “Bastards” dont les arrangements laissaient à désirer. Un effort avait été fait niveau production sur Goblins, mais le résultat n’était malgré tout pas à la hauteur des espérances. Les guests sont rares pour un album de rap et la plupart sont issus de son clan OFWGKTA (Hodgy Beats, Frank Ocean, Earl, Domo). Concernant les autres invités, Tyler se confiait récemment aux Inrocks avec son arrogance habituelle que seuls Pharell et Erykah Badu, ses uniques modèles finalement, méritaient une place sur son disque. Comme à son habitude, Erykah Badu se montre enchanteresse et nous fait oublier le goût amer qu’elle nous avait laissé sur son featuring avec Flying Lotus. Quant à Pharell, cela fait bien longtemps qu’il ne nous fait plus rêver… (non, nous ne parlerons pas de DP sur ce blog et ce, malgré tout le respect que nous leur devons).

L’album fonctionne et fait passer son auditeur à travers plusieurs émotions. Le flow caverneux de Tyler s’avère être parfois lassant et est finalement plus percutant avec un contrepoids tel que Frank Ocean ou Domo. Cet album nous confirme dans l’idée que l’énergie de Tyler semble plus saisissante en équipe qu’en solo. Et de toute façon le meilleur c’est Earl ! Alors, Wolf sera-t-il l’album de l’été ? Tout porte à croire que oui. On s’écoute Answer et Akward pour la route.

On attend maintenant avec impatience la nouvelle édition du désormais culte Summer Camp…

@CyprienBTZ