Lorsqu’on parle d’un festival on évoque surtout les artistes qui y sont programmés, le nombre de personnes qui y assisteront, l’ambiance générale des éditions précédentes et éventuellement le lieu où il se déroule. Mais on ne parle jamais des personnes qui l’ont rendu possible, l’ont fait perdurer et en ont fait ce qu’il est aujourd’hui. Parce qu’avant d’être une épopée musicale, un festival est avant tout une aventure humaine . Alors que débute la Xème édition du festival Elektricity, nous avons voulu donner la parole à ces personnes qui, dans l’ombre, ont oeuvré ou oeuvre encore avec acharnement et passion pour son existence depuis maintenant près d’une décennie. 

Fabrice Brovelli, vice-président de BETC et acteur majeur du développement de la scène rémoise.

“Quand avant j’évoquais Reims on me parlait souvent de sa cathédrale, de son champagne, et voir pour les plus âgés (voir les très vieux… ) du » stade de Reims ». Aujourd’hui quand j’évoque Reims on me parle toujours de sa cathédrale, de son champagne mais aussi de sa scène musicale et de son festival Elektricity !

 Ma premiere fois dans ce festival c’était en 2007, pour le tout premier live de The Shoes, avec Benjamin et Guillaume, qui ce soir-là avaient bien ridiculisé ces avatars de Justice. Il y avait même un DA d’Atlantic qui avait fait le déplacement de Londres jusqu’à Reims (INCROYABLE !) il voulait absolument signer les Shoes (le dingue). Je me souviens l’avoir ramené ivre mort en voiture jusqu’à Paris. Je pense sincèrement que cette édition 2007 est mon  meilleur et pire souvenir.

Je ne sais pas si il y a une réelle unité de la scène rémoise, il y a surtout l’envie de s’en sortir, dans une ville que j’ai toujours trouvé très grise et qui pétille si peu. Mais il y a comme ça, ce lien indéfectible qui les unit tous entre eux, fait d’amitié, de jalousie, de trahison, d’amour… Cet espèce de mood Rémois indéfectible, qui fait que tu es de Reims ou que tu ne l’es pas.

Pour moi la valeur ajoutée du festival Elektricity est qu’il y a encore beaucoup de Rémois qui s’y produisent. J’aimerais voir le festival Elektricity dans 10 ans au stade Auguste Delaune, et réunissant sur une même scène dans un immense élan de générosité (oui !oui ! je sais je rêve.. !) The Shoes, Yuksek, Monsieur Monsieur, Alb, Baden Baden, DasGaliano (…) (ils sont tous venus un jour dormir chez moi, dîner chez moi, ou foutre le bordel chez moi ! ) dontBrodinsky serait le MC (c’est là où il est vraiment le meilleur). Dans un stade archi comble, en retransmission sur Arte Live web, un BAND AID pour une levée de fond pour la restauration de la Cathédrale.

 

Aymeric Peniguet de Stoutz, administrateur du Palais du Tau et de la Cathédrale de Reims devant laquelle se déroule depuis 2009 des concerts majestueux réunissant plus de 5 000 personnes.

Elektricity s’installe devant la Cathédrale et au Palais du Tau, et l’étonnement du public est savoureux. Depuis le Moyen-âge, pourtant, le parvis des cathédrales accueille les formes d’art nouvelles : marionnettes, mystères, farces… Et les archevêques, grands mécènes, ont toujours fait appel aux artistes de leur temps.

Elektricity, en consacrant depuis dix ans l’excellence internationale de la cité dans les musiques actuelles et contemporaines, écrit au présent l’Histoire de l’Art… Quelle conjonction de talents ! Des artistes (au premier rang desquels nos amis Yuksek et Brodinski), des salles, (avec la Cartonnerie sous la houlette de Gérald Chabaud), des structures (Césaré avec Philippe Le Goff). Sans oublier les impulsions données par les politiques culturelles de la Ville et de la DRAC.

Mais il y a aussi tous ceux qui, dans ce même élan et à divers titres, font vivre la « scène rémoise » : les associations, les groupes amateurs, d’étudiants ou de lycéens, les bars qui les accueillent, et le public, toujours nombreux, toujours fervent ! Nulle part, dans ma carrière, je n’ai rencontré autant de passionnés de musiques actuelles qu’à Reims. Ce sont eux, d’abord, qu’Elektricity fête ; les lieux et les métiers du patrimoine sont heureux d’être pleinement associés à cette célébration!

Cyril Jollard, programmateur du festival Elektricty de 2004 à 2009, programmateur actuel du Lieu Unique à Nantes.

Parler des dix ans d’Elektricity , c’est avant tout parler de gens qui ont aidé le festival à s’installer dans le paysage culturel. Je fus un spectateur attentif de la première édition organisée par Yuksek et Boris au Carré, dans un bâtiment en fond de cour pas loin de la rue du Barbâtre.

Mon implication a commencé pour la seconde édition pour aider Yuksek à faire évoluer son projet de festival. On a eu la chance de rencontrer des interlocuteurs qui nous ont fait confiance: Mario Rossi puis Sarah Ouaja, les adjoints à la Culture de la Ville de Reims  à l’époque des débuts du festival; Stéphanie Aubin et Bénédick Picot au Manège de Reims qui nous ont accueilli et conseillé dès la seconde édition  avec un enthousiasme sans failles; Gérald Chabaud et Rodolphe Roucheaussé qui se sont investis alors que la Cartonnerie n’était pas encore sortie de terre; Christian Sébille et l’équipe de Césaré qui ont très vite suivi le projet avec attention et nous ont aidés à grandir; l’équipe de La Comédie qui a hébergé une mémorable soirée de la seconde édition; François Quintin et Florence Derieux qui se sont succédés à la tête du  F.R.A.C et nous ont accompagnés pour sortir des chemins balisés de la musique électronique et à la rencontre d’autres médiums artistiques; Anne-Isabelle Vignaud et le Centre Culturel St Exupéry qui non contents d’ouvrir le lieu à des soirées du festival nous a invité à y installer nos bureaux…..

Grâce à ces soutiens le festival a très rapidement eut un impact sur la ville, en touchant des publics différents suivant les lieux qui accueillaient l’évènement et en fédérant des énergies qui trouvaient là un joli terrain de rassemblement. Ce qui est intéressant à noter c’est que depuis 10 ans , tous ces lieux, ces institutions, ces personnes, continuent à soutenir fidèlement Elektricity et aident au développement du festival, preuve en est de la pertinence du projet. Le festival a bénéficié et continue de bénéficier de beaucoup de soutien, de confiance et de courage de la part de la Ville de Reims comme des partenaires culturels et surtout des artistes. Beaucoup de gens au sein de l’association Binary Gears ont travaillé , souvent dans l’ombre,  et ont été déterminants dans l’évolution du festival et dans le plaisir qui fut le mien à travailler sur Elektricity : Jean Perrissin, Rachel Cordier, Pierre Gochard, Jean Edouard Frognet, Delphine Tissot, Guilhem Simbille , François Vasseur…. Et beaucoup de petites mains et d’amis précieux aux conseils avisés.

Parler des dix ans d’Eleltricity c’est aussi et surtout évoquer la réunion de Césaré et la Cartonnerie autour du projet. Le festival est maintenant ancré dans la création musicale de notre époque, qu’el soit dans le domaine  des musiques actuelles et électroniques ou dans celui de la musique contemporaine et expérimentale. Cette ambition a été possible grâce à l’ouverture d’esprit et la ténacité  de Yuksek, Gérald Chabeau , Christian Sébille et maintenant de Philippe le Goff. Je suis persuadé que cette construction inédite et audacieuse entre un Centre National de Création Musicale et une Salle de Musiques Actuelles est la colonne vertébrale du festival et sa raison d’être pour l’avenir.

Faire un retour en arrière sur ces 10 ans c’est, de manière plus personnelle, me souvenir de jolis moments, d’amitiés indéfectibles qui se sont créées à cette période, me tartiner d’une bonne couche d’auto-satisfaction en voyant comment ce projet imaginé avec Pierre-Alexandre Busson dans un salon du Cours Langlet s’est transformé année après année en une manifestation culturelle en mouvement perpétuel pour se réinventer sans cesse  et dont Reims peut être fier. C’est regarder avec tendresse Pierre-Alexandre Busson inventer Yuksek, Louis Rogé l’ancien stagiaire d’Elektricity devenir Brodinski,  la bande à Basile se transformer en Bewitched Hands, The Film muer en The Shoes , c’est repenser avec nostalgie aux rendez vous du matin à la terrasse du Général et aux rendez vous du soir en terrasse du Bistrot du Forum…

Antoine de Point-Zéro, responsable éditorial du festival Elektricty.

6h du matin, le jour se lève sur Reims et déjà les premiers rayons du sommeil s’abattent sur la Belle Endormie. Si certains s’enfuient en catimini, quelques irréductibles trainent, éternisant une nuit envolée depuis longtemps. Au coin de la rue, un couple fraichement formé s’embrasse comme si les heures étaient désormais comptées. A quelques mètres d’eux, les techniciens s’activent dans le fracas des flight cases quand d’autres vident les dernières bouteilles d’un champagne suranné. Les paupières lourdes, la gorge serrée, les sourires crispés : à cet instant précis, nul n’ignore qu’il est bientôt l’heure de se quitter, sans que personne n’en ait la moindre volonté. On fume les dernières clopes assis sur un banc, rien de bien palpitant. Discussions absurdes et rires fatigués résonnent sous le regard bienveillant des statues huit centenaires de la Cathédrale. Ils étaient venus danser, boire, s’amuser, se montrer, s’oublier, se rencontrer. Et maintenant, ils sont venus, ils ont vu (et bu) mais ne veulent plus partir.

Et pourtant, progressivement, de signes de mains à l’assemblée en poignées de mains affectives, par petits groupes de 2 ou 3, le comité se réduit. Quand certains abandonnent, il n’y a désormais plus personne pour surenchérir. Et inévitablement, nous ferons de même, nous retrouvant à quelques uns chez untel ou untel, selon les circonstances, autour d’une bouteille dont personne ne veut, à écouter cet ultime morceau que personne n’entend réellement. Et puis, dans un élan de sagesse et d’abdication mélangée, il sera temps de déserter, incognito. Sur le chemin, hagard face à une ville reprenant ses droits, les yeux se lèveront une dernière fois à la rencontre des tours jumelles. A leurs pieds, se faufileront quelques fidèles. Ponctuels, ils ne sont plus qu’une poignée à suivre inlassablement le même rituel chaque dimanche. Nous, nous étions des milliers hier soir.

Mr. B & Mr. C / Monsieur Monsieur. Duo de Djs rémois récemment signés sur le label Bromance. Vous pouvez retrouver leur Ep sur Beatport.

ELEKTRICITY est pour nous le synonyme d’une première rencontre. Une rencontre avec la musique grâce aux soirées Bonheur Binaire et ainsi notre rencontre. Nous fréquentions ces soirées sans se connaître pour ensuite ne faire qu’une seule entité : Monsieur Monsieur.

C’est le 13 juillet 2008 que Monsieur Monsieur voit le jour au cours d’une soirée à l’appart café organisée par Guilhem Simbille lui-même .  ELEKTRICITY représente beaucoup pour nous. Nous avons vu le festival grandir tout en même temps que nous avancions sur notre projet. Nous étions la il y a 10 ans et espérons pouvoir en parler dans 10 ans…

Pour cette 10ème édition le festival n’est plus seulement dans une dimension rémoise mais nationale. La programmation pour le 10ème anniversaire est définitivement la meilleure que le Festival ait connu.