Sur Heat, il déroulait une house souple, deep, presque suave : sur son nouvel album Yes, Shinichi Atobe se tourne vers une électronica musclée. Un virage de quelques degrés seulement, qui ne nous perdra pas sur ses intentions : faire pareil, mais en mieux. 

On ignore tout ou presque de Shinichi Atobe, mais sa discographie, limpide et sans bavure, parle pour lui : deux EPs et cinq albums, tous des classiques du genre, circulez merci, il n’y a plus rien à voir. Chantre d’une techno et d’une house mélodique, soulful et deep, le producteur japonais n’a jamais fait de show et n’a jamais pris la parole, du moins que l’on sache. Ses albums, que l’on compte sur les doigts de la main, doivent donc être reçus tels quels. Sans backstory, contexte, explication ou communiqué de presse – si ce n’est que le monsieur est un mystère. 

Une façon candide d’orienter l’auditeur vers la musique dans son entièreté et son intégralité, sans être pollué par le reste. Candide, car impossible lorsqu’un tel degré de mystère entoure l’artiste. Preuve s’il en est, ces mots écrits là, ici, maintenant, discutent encore de ce statut d’inconnu. 

Alors, qu’en est-il de Yes, cinquième long format d’Atobe ? Là où son précédent, Heat, tournait autour d’une house mélodique, celui-ci rentre carrément dedans pour mieux s’en écarter. « Loop 1 », « Rain 3 » et le titre éponyme « Yes » sont dans la parfaite lignée des oeuvres précédentes et déroulent un tapis cotonneux, tendre mais énergique. Un lit deep sur lequel surnagent des coussins mélodiques, des petites notes ou semi-riffs de claviers. Atobe n’en reste pas là, ce qui serait déjà beaucoup à la vue de la qualité des morceaux. « Lake 3 », plus atmosphérique, souffle ses percussions sur une ambiance baléarique certaine, tandis que la conclusion « Ocean 1 » est carrément funky. Vous remarquerez au passage le soin, comme toujours, dans le nom des titres. 

Au milieu de cette démonstration housy se cache deux écarts rafraichissant : l’ouverture « Ocean 7 » et sa suite « Lake 2 ». Deux titres plus synthétiques que le reste, tirant vers l’électronica ouatée pour le second et une épopée à la Jean-Michel Jarre (sous acide) pour le premier. Deux écarts à sa ligne donc, que Shinichi Atobe place en premier lieu, comme pour signifier qu’il reste, 19 ans après son premier disque, encore plein de ressources et de surprises. 

Ce sont ces deux titres que l’on retiendra, tant ils mettent une lumière différente sur cet album : sans réinventer la roue pour autant, Atobe ajoute des expériences de studio à cette collection d’enregistrements de studio couchée sur disque. Une façon de dire qu’il a changé, pour mieux rester immobile. 

Shinichi Atobe, Yes
DDS