“Les gens qui écoutent du rap se divisent en deux catégories. Ceux qui ont un iPod chargé et ceux qui creusent. Nous, on creuse.”
C’est le nouvel adage populaire que l’on peut voir depuis 2 semaines sur la toile. Cette phrase, désormais proverbe, vient de 4 journalistes & bloggers qui viennent de lancer un talk show spécialisé dans le hip-hop américain et creusent pour vous les abîmes de ce puits sans fond en vous sélectionnant le meilleur. Le Captain Nemo de The Trill Show, Kicket de 187Prod, Mehdi de l’ABCDRduson et Nico de Pure baking Soda se réunissent donc un mardi sur deux pour donner leurs coups de coeur, leurs points de vue et discuter de sujets gravitant autour du rap US. Le prochain podcast est pour demain, on vous conseille vivement de vous brancher sur leur Soundcloud !
Nous les avons invités ici à nous montrer qu’ils savent vraiment de quoi ils parlent (mais ça, on n’en a jamais douté). Ils ont décidé de revoir un peu le concept des traditionnels playlists et ont proposé 12 morceaux sélectionnés par les 4 animateurs : Nemo, Mehdi et Kicket se sont calés sur le triptyque “1 découverte 2013, 1 gros classique fédérateur à l’ancienne et 1 culte de derrière les fagots” alors que Nico s’est démarqué avec 3 gros tracks de cette année :
KICKET
WARM BREW – WB
Dans le registre “jeunes rappeurs en sac à dos adeptes du revival 90’s”, là où un Joey Bada$$ récite sa leçon boom bap new-yorkais, un peu trop scolairement pour être honnête, Warm Brew régurgite le malt G-funk californien avec une désinvolture rafraîchissante. Le trio de Santa Monica a déjà sorti quatre excellents projets en à peine deux ans, dont The Ride cet été, album au titre ô combien évocateur. Lowbikes, soleil, jolies copines et house parties, le Westcoast lifestyle est éternel.
DJ QUIK – SAFE + SOUND
Repeat after me: « Yo Dr. Dre, I’m really happy for you, I’ma let you finish, but DJ Quik is the best rap producer of all time ! Best rap producer OF ALL TIME!! ». Et accessoirement, l’un des meilleurs rappeurs aussi, ne serait-ce qu’au niveau du charisme et de l’adéquation entre son flow et sa musique, trop de gens l’oublient. America’z Most Complete Artist, un point c’est tout.
TAYLOR BOYZ – BIG BAGZ
Si après avoir sniffé 28 grammes de pure, vous survivez à l’overdose, alors vous êtes prêts pour rejoindre le côté obscur du rap sudiste. Avant Atlanta et Lil Jon, aka le Gizmo du crunk, bruyant mais inoffensif, il y avait les Gremlins de Memphis. Parmi eux, les deux Taylor Boyz, protégés d’Al Kapone, pas les plus connus aujourd’hui (postérité is a bitch !), pourtant pas les moins talentueux à l’époque. Lire la chronique de l’album ici.
LE CAPTAIN NEMO
YG FT. RICH HOMIE QUAN, YOUNG JEEZY – MY NIGGA
DJ Mustard ramène le minimalisme dans le rap. Avec une formule différente de celle des Neptunes sous l’ère Clipse, il assène les clubs d’énormes basses quasiment fausses, accompagnées de slaps irrésistibles. L’alliance avec YG fait des miracles, surtout depuis que le jeune californien a signé chez Young Jeezy et que les hymnes se ramassent à la pelle. Dernier en date, ce “My Nigga” au refrain addictif, parfaite synthèse de la recette à la Didier Moutarde. Un régal.
CAPONE-N-NOREAGA – T.O.N.Y. (TOP OF NEW YORK)
Madeleine de Proust. L’ère queensbridgienne à son meilleur niveau. Sûrement le clip que j’ai le plus regardé à ce jour. Braquage du tribunal de NY, parfaite histoire crapuleuse pour mon adolescence. Je ne pouvais d’ailleurs écouter que cette version censurée avec bruits de sarbacane, preuve que je consommais beaucoup la musique via VHS. J’adorais Noreaga et sa façon urgente de lancer le morceau (« SWORD LIKE SHINOBI »). J’aimais aussi la voix de vieux de Capone, trop dure à imiter. Et je voulais absolument la veste Columbia jaune de Tragedy Khadafi. Sans parler de cet instrumental claudiquant, on dirait qu’il a pris une balle dans le genou et qu’il se démerde comme il peut pour tenir debout. War Report est devenu le premier album que j’ai acheté en vinyl. Depuis, c’est la merde.
BIG MIKE FT. PIMP C – HAVIN THANGS
Après un départ en Convicts et une signature avortée chez Death Row, Big Mike se fait vraiment remarquer comme membre honoraire des Geto Boys en remplacement de Willie D (peut-être la meilleure formation du groupe d’ailleurs, mais c’est une autre histoire). En 1994, alors que ce dernier revient tel Terminator et le vire du roster, J. Prince lui offre la possibilité de sortir son premier solo chez Rap-A-Lot. Somethin Serious, petit bijou de gangsta rap sudiste, dont voici un des moments forts, produit par un jeune à lunettes de Port Arthur, également auteur du refrain. La sauce prend, le débit du gros Mike est au point et le dénommé Pimp C assure le reste. Décidément, il faut retenir ce nom.
MEHDI
MANI COOLIN FT. MIBBS – COOL VIBES
Il a 18 ans, est actif depuis 2011, mais c’est bel et bien avec Bad Decisions, Good Intentions, sorti cette année, que le californien Mani Coolin devrait passer un cap. “Cool Vibes”, qui convie Mibbs du très bon groupe voisin Pac Div, est parfaitement représentatif de son style : aérien, smooth et à écouter de préférence sur les coups de 4h20. Je vous conseille de vous plonger dans la mixtape qui regorge de morceaux dans cette tonalité.
JAY Z FT. THE NOTORIOUS B.I.G. – BROOKLYN’S FINEST
Jay Z et Biggie. Biggie et Jay Z. On a déjà énormément écrit sur ces deux-là, leur amitié passée, leurs projets avortés et sur la façon dont Jay aurait pris la place laissée vacante par BIG à son décès. “Brooklyn’s Finest”, un des morceaux phares du premier album de Hova, est l’une des rares véritables collaborations entre les deux rejetons de Brooklyn. Sur une ogive produite par Clark Kent, les deux MC’s se renvoient prodigieusement la balle et échangent quelques bons mots mémorables. Historique.
CHINO XL – NUNCA
Malgré une discographie remplie, Chino XL est presque davantage connu pour son embrouille avec 2Pac que pour sa musique. Exceptionnellement doué, sa carrière aura éternellement un goût d’inachevé, la faute à plusieurs disques anodins et à des choix discutables. Pourtant, en cherchant bien, on trouve quelques perles chez Chino, au premier rang desquelles figure le mystique “Nunca”. Sur ce titre, le rappeur new-yorkais empile les références inattendues : il y parle de Spielberg, insulte les Insane Clown Posse, menace de tirer sur le couple Clinton, se compare à l’archange Gabriel ou au personnage de Mark Wahlberg dans Boogie Nights avec un flow millimétré et un acharnement singulier. Un morceau important issu de son deuxième album, I Told You So, sorti en 2001.
NICO
KA – OUR FATHER
Avec sa quarantaine bien tassée dans un genre habitué au jeunisme, Ka ne correspond a priori pas au prototype du rappeur idéal. Pourtant, le charismatique MC de Brownsville est l’auteur d’un album unanimement salué. The Night’s Gambit évite les pièges de l’âge, nostalgie rébarbative ou vieilles recettes micro-ondées, pour se tourner vers l’avant. Les textes ultra référencés et fourmillant de détails sont ainsi soutenus par des productions expérimentales, ni old school, ni actuelles, mais comme suspendues hors du temps.
KEVIN GATES FT. STARLITO – MYB
Kevin Gates et Starlito ont des parcours similaires : originaires de villes secondaires sur l’échiquier rap (Bâton Rouge et Nashville), ils ont tous deux failli disparaître à cause de galères avec leurs labels. Aujourd’hui libérés, les deux copains n’en restent pas moins marqués par ces années d’errances. En atteste leur attitude de gangsters désabusés, teintée d’une pointe de mélancolie qui n’est pas sans rappeler quelques vieilles légendes de Houston…
YOUNG SCOOTER – COLOMBIA
Une production minimaliste de Lil Lody pour laisser place au rap plus large que la vie de Young Scooter : “Colombia” est l’un des tubes de 2013. Cela fait une décennie que le roster du Brick Squad de Gucci Mane évolue et compte en son sein des rappeurs qui ont tout pour devenir des superstars. Malheureusement, ces gars ont aussi en commun d’avoir la mauvaise idée de passer au moins 6 mois par an en prison et donc de toujours finir par annihiler leurs chances de succès durable. FREE YOUNG SCOOTER.