J-Shadow, producteur anglais au carrefour des genres de la bass, ne produit que depuis une vingtaine de mois. Pourtant, une si faible durée a suffi à lui donner une place incontournable dans cette sphère tant sa production est mûre, son travail prolixe et son style abouti. En si peu de temps, J-Shadow a su offrir pas moins de quatre EPs, d’abord sur Nous Disques, puis sur Bun The Grid, The Collection Artaud et BeatMachine sans compter un certain nombre de contributions à des compilations (Human [re]sources v.3Eatmybeat 10) ; en si peu de temps, il a été invité à mixer partout, et a été reconnu immédiatement comme un artiste extrêmement prometteur, statut déjà confirmé et dépassé. La rapidité de cette ascension tient, à n’en pas douter, à la maturité de son style. Très clairement attiré par la déconstruction et la rupture, dans une veine chère aux amateurs du grand Night Slugs, il élabore, selon les morceaux, une première base, de techno (“Stratus”Lunar Module”Lost in Time”), dubstep (“Embers”, “Neuro Upload”), grime (Nxt1″) ou jungle (No Gravity”), qu’il enrichit par ses sons expérimentaux et des emprunts aux autres styles. Surtout, il ne cesse de rompre, de fracasser, de – répétons-le – déconstruire cette base. Il fait exactement comme si tout consistait à élaborer à l’envers, à défaire ce qui pourtant porte le morceau et lui donne son unité ; ce qui donne une explosion sonore et rythmique toujours réussie. J-Shadow n’invente pas de genres mais il les pousse à leurs limites, et il est, sans aucune doute, un de ceux qui font la musique de demain. Une seule question se pose, surtout quand on voit que Night Slugs, précisément, est fini : jusqu’où peut-on aller dans cette voie, surtout pour une musique de club, et n’est-elle pas stérile à long terme ? Ce qui n’enlève rien, au contraire, à la qualité et au talent des productions de J-Shadow.

J-Shadow sort cette semaine son dernier EP, The Astral Series, sur BeatMachine Records. Oscillant entre jungle, ambient, techno et dubstep, cinq morceaux, “Orlov’s Casket”, Acid Genie”, Nxt1″, “Voyager-2” et “Contact”, proposent cette déconstruction explosive, conforme au style de l’artiste. S’y ajoute un remix de Nxt1″ par Gantz, qu’on ne présente pas : légende du dubstep, à la production énorme, pilier des labels fondamentaux du genre, comme DeepMedi bien sûr, Innamind et Hotline, co-producteur parfois de Kahn et Commodo, son style va d’un dubstep mélodique (Elmo Rehab”, “AMK”) à un dubstep plus épuré et sombre, dénudé et rude (Space Horror”, Rabid”). Gantz est très clairement attiré aussi par une certaine déconstruction, un délitement du genre, comme en témoigne l’excellent Dying on Acid EP.

C’est ce remix de Nxt1″ que l’on vous propose. Gantz reprend le rythme caractéristique de l’original en l’accentuant et en faisant la trame du morceau. Il en reprend aussi la texture de la basse, mais dans un intervalle dissonant (une octave et un demi-ton), marque mélodique du remix. Les sons choisis sont rudes, saturés, presque agressifs, à l’image du clap très fermé et des dialogues de toms et de kicks. Nul besoin d’insister sur l’absolue qualité du sound design, habituelle chez Gantz. Cet ensemble reprend les éléments sombres de l’original en laissant de côté les souffles de fraîcheur (accords égrenés) que J-Shadow avait introduit, pour un tableau général extrêmement puissant, presque oppressif grâce à cet intervalle, qui témoigne de ce que peut être l’art du remix : ajouter une identité supplémentaire à partir du morceau original, qui s’en retrouve déformé, à la fois même et autre.

Tracklist :

1. Orlov’s Casket
2. Acid Genie
3. Nxt1
4. Voyager-2
5. Contact
6. Nxt1 (Gantz remix)

Disponible sur Bandcamp.