Pour la foisonnante scène UK, de nouvel entrant, le label Pressure Dome est désormais devenu une référence. En quatre ans, ce label initialement discret a sorti des morceaux de techno à l’anglaise extrêmement bons, aussi bien dans une direction club que dans une direction d’écoute et de finesse. C’est là sa qualité : répondre certes présent quand il faut animer un dancefloor, mais surtout cultiver ce que la veine UK a de plus précieux, à savoir une certaine atteinte de la beauté de la musique – et non pas seulement de la puissance, ou de l’énergie, ou de l’intérêt intellectuel de l’expérimentation. Dans les grandes lignes, ce qu’on appelle bass se concentre souvent sur une recherche de force brute, ou d’entraînement dansant ; et c’est très bien ainsi. Dans les grandes lignes, elle sait aussi en dévier pour toucher à l’hybridation des genres, ou à l’expérimentation, ce qui est tout autant indispensable, et captivant. Mais rappeler qu’en musique électronique, quelque chose de l’ordre du beau peut se toucher, hors d’une quête de puissance ou d’étrangeté, c’est là une vertu capitale, et, au fond, une question de survie si elle veut une place dans l’histoire longue de la musique. Encore faut-il le faire avec finesse ; et c’est pourquoi c’est souvent l’apanage des (très) grands labels, fondateurs : Livity Sound, Hessle Audio, Central Processing Unit, AD-93 (ex-Whities), Wisdom Teeth… Or, il se trouve que sur ce terrain, Pressure Dome mérite sans hésitation, et absolument, sa place. C’est ce qui fait de ce label un petit trésor. – On nommera, parmi ses membres, Syz, Yushh, Joe Craven, Design Default… -.
Pressure Dome ouvre maintenant une série de cassettes, dont l’inauguration a été confiée à City Kudu. Cet artiste londonien, qui dirige le petit label Kite Hill Records, a commencé la production il y a 3 ans ; après avoir cherché son style dans Aphid Dance et Narra (les deux sur Kite Hill), ses trois autres sorties sur ce même label (Tembi, Gaia, Gnome & Newt) témoignent d’une production qui, sans être encore absolument fixée, se dirige vers le cœur de la techno anglaise : percussions breakées, nappes de synthés, sound-design minutieux, pour un résultat qui roule. La première cassette de Pressure Dome, l’EP Pala – qui est aussi la première sortie de City Kudu hors de Kite Hill -, poursuit dans cette direction. En quatre morceaux, assez différents mais qui se complètent, City Kudu construit une atmosphère calme, mystérieuse, contemplative mais sans manquer d’énergie. L’auditeur passera du morceau le plus entraînant, “Twine”, au plus déconstruit, “Jade Puzzle”, par le jeu entre reggeatone et synthés de “Pala”, et la douceur d’“Honeysuckle”.
C’est “Twine” que nous sortons ici en première. Track la plus rythmée de l’EP, elle est construite comme un dialogue entre une grosse basse syncopée, aux influences (ici aussi) de dancehall, et des percussions analogiques claires et frappantes. Celles-ci, toujours changeantes, tricotent tout autour du thème porté par la basse une trame de syncopes et de doubles croches. A l’opposé du spectre, la ligne de basse emplit l’espace, et construit cette atmosphère de profondeur ; une voix grave, distordue – autre référence au dancehall -, qui vient lors de la reprise du drop, parachève l’ambiance chaloupée et remplie du morceau. S’il en fallait une, c’est une nouvelle confirmation – un peu tardive, certes – des joies des morceaux de bass aux alentours de 100 bpm.
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