Il faisait froid, c’était la veille de Noël dernier qu’un petit millier de personnes s’était  déplacé pour voir le live de l’argentin Alejandro Mosso. Plutôt en retrait de la scène clubbing et du star système de la planète dj, il a su développer un son bien à lui, qui, en live comme à l’écoute s’avère probant. Près de deux mois et de nombreux problèmes techniques plus tard, nous avons pu retranscrire l’interview qui avait été momentanément perdue. Cet échange a été enregistré dans la nuit du 23 décembre 2011 dans les coulisses du Showcase.

– Salut Alejandro peux-tu te présenter ?

Alejandro Mosso : Salut, je m’appelle Alejandro, j’ai 28 ans, je suis argentin, j’habite à Berlin depuis deux ans maintenant, cela fait quelques années que je tourne en Europe et finalement je suis tombé amoureux de Berlin.

– Quand as-tu commencé la musique ?

Alejandro Mosso : Je vais surement te répondre ce que tout le monde dit, quand j’étais petit. J’ai commencé la guitare à 13 ans, j’ai joué dans plein de groupes de rock alternatif et vers 17 ans je me suis mis à la musique électronique. A l’époque je faisais de l’IDM, de l’ambiant, de la noise et plein de truc leftfield. Finalement je suis arrivé à la musique dancefloor il y a environ 10 ans.

– Tu as commencé à te produire en Argentine ?

Alejandro Mosso : Oui il y a 11 ans environ, puis en Europe depuis quelques temps.

– Y a t’il une scène en argentine ?

Alejandro Mosso : Oui il y a une scène, mais comme c’est un pays super centralisé ça se passe surtout à Buenos Aires. Moi je viens de Mendoza qui est une ville plus petite et plus calme. Il y a des choses qui se passent, mais dans l’ensemble il y a une latence par rapport à l’évolution de cette musique en Europe. Tout arrive avec 5 à 10 ans de retard. J’ai beaucoup joué au Chili et à Buenos Aires, mais les trucs qui marchent là bas sont souvent des phénomènes de modes qui sont passés il y a 5 ans en Europe voire plus parfois. Quand j’ai commencé tout le monde jouait de la house progressive en Argentine. Mes amis et moi, nous étions toujours intéressés par ce qui se passait en Europe. On est resté connecté grâce à internet. Mais on ne jouait pas beaucoup en Argentine. Les artistes argentins de ma génération avec qui nous écoutions de la musique via internet sont arrivés sur le marché vers 2005. On a commencé à produire sur des netlabels, à sortir des Ep sur Internet puis lorsqu’on s’est mis à sortir des vinyles ça coïncidait au moment ou l’on rentrait sur le marché Européen.

Alejandro Mosso – Ulanbator

– Tu as étudié les sciences politiques avant, comment as-tu sauté le pas ?

Alejandro Mosso : J’ai fait des études de sciences-politiques, mais finalement ce n’était pas connecté du tout à ce que je fais maintenant. Je suis sorti du lycée et je suis allé à l’université comme tout le monde en Argentine. Je faisais de la musique en parallèle. Au début je répartissais le temps 50/50. Puis on est passé à du 60/40 puis à du 70/30. Finalement j’ai fini l’université, je dois toujours présenter ma thèse mais j’ai passé tous mes examens.  Maintenant que je vis en Europe je me consacre uniquement à la musique.

– Que penses-tu du fait que depuis quelques années ce soit deux chiliens qui dominent le marché de la musique Electronique ?

Alejandro Mosso : Tu dois surement parler de Ricardo et Luciano. J’habite à Mendoza, qui est une ville très proche du Chili donc j’y ai passé énormément d’été. Franchement, Luciano à quelque chose de chilien mais Ricardo finalement il est allemand. Il a fait toute sa carrière en Allemagne, certes il a des liens familiaux qui font qu’il est chilien, mais sa musique est complètement Allemande. Mais en ce moment je trouve que l’idée de racine de nationalité est une notion purement marketing en musique électronique. Tu écoutes une basse de Ricardo ça vient tout droit de la techno Allemande, alors après il y a quelques percussions parfois qui sont latines mais musicalement c’est quelqu’un qui à grandi en Allemagne. Je l’ai peut-être parce que j’ai grandi en Argentine jusqu’à 26 ans et après j’ai déménagé en Europe. Il y a souvent quelque chose de latent  dans l’origine d’un musicien mais je ne pense pas que ça soit toujours visible.

– Pourquoi ne joues-tu que live ?

Alejandro Mosso : Ce n’est pas une décision c’est juste arrivé comme ça. Je n’ai jamais joué de disque. J’ai joué de la guitare pendant longtemps, donc lorsque j’ai commencé à faire de la musique assistée par ordinateur, c’est venu naturellement. Le djing ne m’a jamais intéressé, je ne sais pas mixer, je n’ai pas de vinyles chez moi à part ceux que j’ai sorti et je ne peux pas les écouter car je n’ai pas de platines. C’est un autre monde que je ne connais pas trop. Enfin je le côtoie plus ou moins, ma copine est dj et de nombreux amis à moi le sont aussi.

Cependant, je viens du rock, et jouais des instruments avant de passer à la musique électronique. Je n’ai aucune compétence de dj. Pour plein de gens le parcours classique est de commencer en tant que dj puis de produire, ce n’est pas du tout mon parcours. Je suis passé des instruments à l’ordinateur mais je ne viens du dancefloor et des clubs, et je m’adapte petit à petit à cette scène là.

Alejandro Mosso – Ohrwurm

– Produis tu plus pour toi ou pour ton live?

 Alejandro Mosso : Quand tu ne joues que live parfois tu es obligé de produire de la musique pour jouer. Je pense faire une musique assez tranquille et ce n’est pas forcément adapté au dancefloor. Mais il ne faut pas oublier parfois que tu joues dans des clubs et qu’il faut tout de même gagner ta vie, donc pour agrémenter le live je produits quelques morceaux plus dancefloor, spécifiques à mon live. Aujourd’hui j’ai joué environ la moitié de mon set c’était essentiellement de la musique que je produis pour mon propre plaisir, j’ai juste adapté certaines rythmiques pour qu’elles rentrent un peu plus au format dancefloor. Il faut juste faire un bon équilibre, lorsque tu fais un live tu es obligé de faire de la musique pour les gens qui dansent à la différence du dj qui peut changer de disque à tout moment et produire la musique qu’il veut.

– Comment structures-tu ton live ?

Alejandro Mosso : Je joue sur 10 pistes donc je met souvent deux trois sons dans les mêmes canaux, j’ai des canaux pour les percussion des canaux pour les mélodies des canaux pour la basse et deux voies pour les voix et les effets qui rendent le morceaux un peu plus aléatoire. Après il y aura toujours un duo percu-basse qui évolue pendant le live avec le reste et parfois je joue des full tracks parce qu’il y a trop de modulations et que je n’ai que 10 doigts. Il m’arrive d’avoir des morceaux à plus de 36 pistes avec beaucoup de modulations. Aujourd’hui, par exemple, je n’ai joué deux tracks entières. En général je joue entre une heure et demie et deux heures, car au bout de 90 minutes au cours desquelles tu entends le même son les gens aiment voir quelqu’un d’autre. J’estime que deux heures c’est largement assez, d’ailleurs si tu regardes les lives aujourd’hui ils durent rarement plus d’une heure, moi j’aime jouer un peu plus mais tu peux pas jouer 3h ou 4h c’est un peu les mêmes émotions les mêmes histoires, tu ne peux pas jouer 6h du même style c’est ennuyeux.

– Peux tu nous parler de ton label ?

Alejandro Mosso : J’ai produit Caracoles et Ohrwurm il y a quelques temps déjà mais j’avais eu du mal à les sortir donc je l’ai fait moi même. Ce n’est pas vraiment un label, mais plus une petite structure que j’ai crée que pour moi. Alejandro 01, 02 puis 03… C’est très personnel je ne l’utiliserai pour sortir que ma musique et que les labels refuseront de sortir car elle n’est pas faite pour les clubs. C’est une activité que je fais uniquement pour mon plaisir parce que c’est ce qui me représente le plus et que je peux produire en toute liberté. Je fais ce que je veux quand je veux comme je veux. Le marché est assez compliqué en ce moment, mais bon, au moins je suis indépendant.

Alejandro Mosso – Caracoles

Et tu as choisi de faire des sorties vinyles alors que tu n’es pas spécialement dj .

Alejandro Mosso : Oui car je me fiche de savoir qu’il y ait un vinyle ou un cd ou une cassette. Il faut juste qu’il y ait un format physique que les gens puissent garder. Je ne viens pas de la génération vinyle donc ça m’importe peu. L’idée c’est surtout que ça soit tangible et que tu puisses le posséder, c’est plus excitant qu’un mp3 dans un disque dur qui reste sur un bureau. Même si la première chose qui importe c’est la musique, mais malheureusement ou heureusement le format physique est toujours important dans l’esprit des gens et c’est bien de l’entretenir si ça leur fait plaisir.

Puis dans un marché où il y a tellement de labels qui ne font que du digital, faire sortir en vinyle ça permet de se démarquer. Ce n’est pas forcément juste car ce n’est qu’une question d’argent, mais au moins tu réfléchis avant à ce que tu vas sortir et de son côté l’auditeur en tient compte. Aujourd’hui n’importe qui peu faire un netlabel à 0 coût.

Mais Mosso c’est pas un label, je ne suis pas une marque, c’est juste un projet personnel pour sortir ma musique.

– Là c’est la deuxième fois que tu joues à Paris ?

Alejandro Mosso : Non je suis venu plusieurs fois auparavant. Je suis venu 3 fois cette année, j’ai joué au nouveau casino, à la Sundae, à la Cocobeach et au Showcase. J’aime bien jouer à Paris j’ai un bon rapport avec les gens ici et je suis toujours très bien accueilli.

– Aujourd’hui c’est Noël tu attends quoi comme cadeau ?

Alejandro Mosso : Je ne sais pas j’attends pas grand chose. Je ne sais pas j’aimerai une bonne année 2012. J’aimerai bien avancer dans ma vie, dans ma famille, dans mon couple. C’est très cucul mais voilà. Je pourrais te dire que je voudrais un super Moog  mais bon je m’en fiche un peu de demander des choses matérielles.

– Des projets pour 2012 ?

Alejandro Mosso : L’idée c’est de continuer avec ma structure puis sortir des morceaux ailleurs aussi. J’ai déjà deux ou trois Ep planifiés dans l’année. Février Mars Avril. A l‘heure d’aujourd’hui ce qui me fait le plus plaisir c’est de sortir ce que je veux sur mon label sans avoir les filtres de tous les directeurs artistiques. Si ça marche tant mieux si ça ne marche pas tant pis. C’est juste une histoire de plaisir.

Merci à Alejandro Mosso, Sucré Salé, et au Showcase pour leurs temps et leur bonne humeur .