Guillaume Berroyer, plus connu sous le nom de Ark, est un artiste qui appartient au patrimoine électronique Français. Anticonformiste sur le fond comme sur la forme, ce provocateur a toujours su faire crier les foules. Présent depuis les début de la culture Techno en france, notamment grâce à ses premières incartades électroniques avec Pépé Bradock sous le nom Trankilou. S’il n’a jamais trop cherché à mâcher ses mots, il n’a jamais cherché à nous faire avaler des salades. De Keuhar à Arkpocalipse Now, en passant par tous ses disques, on peut aisément affirmer que Ark est une personne “entière” quand il s’agit de musique.

S’il est apparu en France à l’époque de la French Touch, c’est sûrement l’un des seuls Français à avoir un tel CV sans jamais avoir fait de choix de carrières douteux. C’est également le seul français à avoir signé sur Perlon avec son collègue Cabanne. De fait, il serait vraiment difficile de réduire Ark à un simple tableau sur Discogs, avec des signatures sur Briff Records, Circus Company, Telegraph, Karat ou encore Perlon. Nous avons donc profité de son passage à la Concrete en octobre dernier pour lui poser quelques questions afin d’en savoir plus, sur son passé et ses projets futurs. Il se produisait alors avec son collègue Cabanne pour un live épique de deux heures. C’est donc une interview à chaud, mais avec un Ark calme et réfléchi.

– Salut Ark, peux-tu te présenter ?

Ark : Ark, guillaume Berroyer, producteur, dj de musique électronique sur de multiples labels français, anglais, américains, allemands.

A la base tu viens du punk, comment es-tu arrivé à la house ?

Ark : Pour faire rapide, j’ai arrêté de jouer dans des groupes en tant que guitariste au début des années 90. J’ai découvert à ce moment-là les machines ; j’ai appris à me servir des samplers et des programmes pour faire de la musique et je me suis rendu compte que c’était plus simple de faire de la musique avec des machines qu’en tant qu’instrumentiste  dans un groupe. Tu as une certaine autonomie, tu ne dépends pas d’un groupe, tu peux faire des projets seuls.

Vingt ans après, je pense que c’était une bonne idée car j’ai réussi à réaliser pas mal de projets. J’ai réussi à collaborer avec la plupart des gens que j’aime dans la musique électronique. Au cours de ces vingt dernières années, j’ai bossé avec des gens comme Jamie Liddell, Dolibox, Matthew Herbert, Isolée, LoSoul, Akufen, Cabanne, Mr Oizo. J’ai également travaillé avec Dj Shalom avec qui on a monté Shalark. Donc aujourd’hui quand je regarde derrière il y a eu pas mal de rencontre, des projets éclectiques, tout comme ma culture musicale.

J’écoute de tout depuis que je suis jeune : techno, house, rock, classique, jazz, funk, reggae… j’ai arrêté de faire du rock vers 90. De 91 à 93 j’ai appris à me servir des machines. Puis j’ai fait mon premier groupe d’électro, c’était Trankilou avec Pépé Bradock. Les projets se sont enchainés depuis …

Avant Pépé bradock,  tu as découvert la musique électronique au travers de la Gabber , peux-tu nous expliquer comment ce genre musical a suscité ton intérêt ?

En 92 j’étais en vacances en Espagne et j’ai un pote qui arrivait de paris avec un poste. On était tranquillement en train d’écouter du jazz, de la funk … Et il est arrivé avec de la gabber hollandaise, ce qui m’a plus c’est le  côté équivalent du punk, ce côté un peu provoc.

En 92 c’était une musique nouvelle,  incomprise de quasiment tout le monde à part une petite frange de gens qui sont rentrés dans le délire. C’était extraterrestre, extrémiste, provocateur … quelque chose qui ne te laisse pas indifférent.

– Et donc après tu t’es mis sur le projet trankilou, comment s’est faite cette collaboration ?

C’est un ami commun qui nous a présenté, Bradock arrivait de je ne sais plus où en province, il s’installait à Paris et cherchait des gens pour faire de la musique. Moi je bossais chez BPM, un des premiers magasins de disques électroniques à Paris, c’est fermé depuis longtemps maintenant. Lui bossait chez Croco disques, un autre magasin de disques. On s’est vite entendus sur la passion de la musique et on a commencé à faire de la musique ensemble. Ca a donné deux disques. Malheureusement, on n’a pas collaboré très longtemps, on est vite partis chacun dans notre direction. Au final, on a bossé ensemble deux-trois ans. On a fait un premier maxi en 95, un deuxième en 97 qui a très bien marché d’ailleurs.

– Justement, vous avez été affiliés rapidement à la french touch, sans pour autant faire partie de ce mouvement…

Je crois que c’est une question de repères et de dépends. Quand on a sorti notre disque, on a commencé à mixer un peu partout et c’était la grande explosion de la French Touch. On connaissait les mecs de Motorbass, Daft Punk etc donc on a été affiliés à eux car on avait tous à peu près le même âge. Les gens qui cherchent des repères et qui décrivent cette période 95-96 avec Saint Germain, Etienne de Crécy nous mettent donc dans le lot.

Mais la French Touch est devenue très vite caricaturale, commerciale avec des filtres, etc.. Donc je ne pense pas que Trankilou soit représentatif de la french touch , même si dans ce qu’on a fait des éléments sont décrits comme éléments French Touch.

– Avec du recul, comment vois- tu ce mouvement ?

D’ici deux ans ça fera vingt ans, il s’est passé des choses depuis ! Personnellement je me suis un peu assagi donc je suis un peu en retrait de tout ça. J’habite à Lyon, j’ai mon studio où j’essaie de travailler tranquillement donc  je suis un peu déconnecté de la scène actuelle et je n’aurai pas vraiment d’avis.

Néanmoins, il y a plein d’artistes intéressants. C’est juste que je ne prends plus trop le temps d’acheter des disques, j’essaie surtout de travailler. Là je n’ai pas sorti d’album depuis « Arkpokalipse Now » il y a deux ans . Là je sors deux trois disques prochainement. Un chez Versatile, le label parisien. Un chez Thema le label new yorkais et un sur le label de Seuil et Le Loup, Hold Youth. Il y aura également une compilation bientôt sur Tresor, le mythique label berlinois. Donc ça va être bientôt un come back !!

Et aujourd’hui tu collabores essentiellement avec Cabanne. Tu avais quand même collaboré avec Dj Shalom, Mathieu Chedid, Bumcello, Krikor. Aujourd’hui avec qui voudrais-tu collaborer ?

Même si c’est inaccessible, je rêverai de faire des remixes pour des gens comme Jack White, le mec des White Stripes. Je le trouve exceptionnel ! C’est un autre univers. Dans l’électronique, j’aimerai bien refaire des trucs avec Isolée dont j’aime beaucoup le travail et avec qui je suis ami, donc pourquoi pas. Il y a aussi San Proper ou Dandy Jack qui est un artiste chilien allemand qui est sur Perlon. Cette année je prépare un album avec mon frère Pit Spector.

Tu peux nous en dire plus ?

Pas du tout, on part bosser demain à Lyon mais l’album on le préparera surtout de janvier à mars, en espérant le terminer avant l’été pour le printemps. Je ne peux pas donner d’indice car je ne sais vraiment pas ce que l’on va faire. Je sais que là on sort un maxi sur Thema. Le son que l’on a fait est très excitant, je suis très content du résultat. C’est une house assez tranquille avec pas mal de connotations jazz, funk.  Il s’agit  d’être assez musical, d’essayer de faire des trucs agréables à écouter

– Et tu peux nous en dire plus sur ta collaboration avec Cabanne ?

Ca fait dix ans que l’on bosse ensemble. Notre premier maxi ça devait être en 2002. Depuis, on est amis et on collabore. On a fait trois quatre maxis ensemble. Pendant quelques années ça s’était calmés et puis là depuis un an on a fait trois quatre live ensemble et à chaque fois ça se passe super bien ! La collaboration est intéressante parce qu’il y a ce mélange de sons qui est fou.

On s’accommode bien ensemble. C’est très chaotique et au final on crée des morceaux. Il y en a un qui lance un son, et petit à petit on improvise des morceaux avec nos sons. Je ne sais pas comment Cabanne s’organise, mais moi mon live est un mélange des sons de tous mes morceaux donc j’ai à ma disposition 500 sons qui correspondent à vingt morceaux et je pars au hasard, je construis en allant. Donc parfois on se demande un peu où ça va et puis comme l’eau qui boue des petits morceaux de magie apparaissent peu à peu. Ca frémit, ça boue, parfois tu coupes le feu et ça redescend.

– Qu’est ce qui t’a plu dans le fait de travailler avec Cabanne ?

Ca m’apporte surtout de bons moments en live tous les deux. Moi je fais beaucoup de live depuis presque dix ans seul, et c’est vrai que quand on est à deux c’est plus sympa. Je ne mixe plus beaucoup, j’achète plus de disques et je préfère le live. En plus mes disques sont abîmés et difficilement utilisable…Je ne mixe plus que deux trois fois par an

– Tu es un grand passionné de hip hop…

Oui, fin 80, début 2000 : le hip-hop old school ; je ne sais même pas ce qui se fait maintenant . Ca m’a beaucoup influencé. D’ailleurs là j’ai un morceau teinté de hip hop qui va sortir mais dont j’ai pas encore trouvé le nom avec des voix de Kool Keith.

Même avec Trankilou il y a avait déjà l’empreinte hip hop.  Consciemment ou non, le hip hop revient dans mes productions, que ce soit dans la rythmique ou dans les samples de voix. J’ai fait pas mal de trucs hip hop pas sortis, je n’en fais plus trop en ce moment.

– Penses- tu qu’il est possible de concilier art et compromis ?

Oui, c’est très complexe… a priori, si tu veux vraiment faire quelque chose d’artistique, c’est sans concessions, sans écoute des visions des gens. L’art doit être instinctif et sincère. Mais en cherchant tu peux concilier artistique et concessions grâce à la valorisation de certaines parties qui font que tes production peuvent etre plus accessible

– Ton intégrité t’a-t-elle joué des tours ?

Bien sûr, au cours des vingt dernières années, j’aurai pu être quelqu’un avec une meilleure image, qui tourne plus car j’avais pas mal d’acquis et un entourage pour. J’ai choisi d’être moi, avec bons et mauvais côtés. Mais en ce moment, je suis plutôt dans une étape où je suis sérieux, où je prends soin de moi, où je travaille et j’espère que le travail portera ses fruits avec ce que je vais proposer de nouveau. Mais je n’ai pas de but,  je veux juste être heureux.

– Si tu avais une chose à refaire dans ta carrière ?

Franchement, j’ai envie de dire travailler plus, mais j’ai quand même sorti quarante à cinquante disques… On peut toujours vouloir faire mieux mais je ne vais pas revenir là-dessus. Aujourd’hui j’ai quarante ans, j’ai commencé à vingt ans, j’ai collaboré avec plein de gens, la plupart sont devenus des amis. J’ai eu donc de la chance : arrêter les études jeune, vivre de ce que j’aime, la musique… D’ailleurs je ne suis pas sûr que j’aurai pu être bien en tant que grand dj d’ibiza vu mon caractère…

– Ton côté provocateur et ton goût sur les jeux de mots ne vient-il pas de ton père ?

Si, il est dans la bande de Charlie hebdo, comme tout enfant j’ai baigné là-dedans  et le côté calembours, jeux de mots m’a forcément impacté.

– Tu viens de Reims ?

Ma famille est champenoise, pas moi. J’ai toujours de la famille là-bas.

– Qu’est-ce qui te fait vibrer musicalement parlant aujourd’hui ?

Le blues me procure beaucoup de plaisir. Et j’adore aussi Jack white c’est mortel ! Il vient de sortir un album solo. Il est très riche au niveau de ses influences. Ça fait dix ans qu’il sort plein de trucs et je le trouve passionnant.

Je viens de découvrir l’anglais Floating Point. J’ai choppé ses mixes de soirées, c’est un mélange de funk, soul, jazz, house…  Ca m’excite bien !

– Si tu avais trois adjectifs pour te décrire musicalement parlant ?

Anciennement extraverti, nouvellement introverti, l’archétype même du mélomane.

– Qu’est ce que l’intégrité artistique pour toi ?

Pour moi, c’est de faire sincèrement ce que tu veux faire, sans être influencé par ce que demande la société.

– Qu’est ce qui te motive encore à produire ?

La passion. Il y a tellement de choses à faire dans la musique, tu peux évoluer, faire des choses différentes… Donc si t’es bien dans ta tête tu peux garder l’envie en fonction des différentes périodes de ta vie. Il faut évoluer pour éviter la lassitude.

– Lors de la dernière interview, tu t’es présenté par un jeu de mot « ark, le roi de la house ou le rat de la house. » Un jeu de mots pour finir l’interview ?

J’ai tendance en tant que provocateur à mettre de lui sur le feu…

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