En amont de son premier DJ set en terres parisiennes, nous avons eu la chance de nous entretenir avec le jeune producteur Australien Andras Fox qui, du haut de ses 26 ans, déroule un CV déjà très long. Ses différents albums et EPs sortis sur des enseignes honorables (Mexican Summer, Omega Supreme, Dopeness Galore) ont confirmé ses talents de producteur hybride et inventif.

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Tout juste diplômé de la prestigieuse Red Bull Music Academy, Andras Fox fait ses premières armes sur des enseignes internationales ce qui lui permet de faire part au public de son incroyable collection de disques et de son envie de partager son savoir qui paraît sans limites. Crate Digger avisé, il ne se laisse que très peu de frontières et part à la découverte de disques oubliés des années 80 pour leur redonner vie à travers ses DJ sets et ses émissions de radio.

A défaut de l’avoir rencontré IRL, le jeune australien a consenti à nous parler de ses passions, sa manière de pousser les limites du digging et de la scène Australienne, toujours florissante.

Ta musique est un mélange intelligent de Funk et d’Ambient, d’où viennent tes influences ?

Je ne sais pas si on peut qualifier ma musique d’intelligente. C’est faussement simple et amateur. Je suis simplement les traces des musiciens des années 80 et 90, ceux qui allaient de l’avant, sans croupir dans le Funk ou l’Ambient. Tu peux être chill out et groovy, n’importe quel gamin qui a grandi dans les années 90 au son des compilations Ministry Of Sound peut en attester. J’adore les enregistrements “maison” faits par ceux qui ont écouté Prince puis plus généralement vécu la révolution Disco et se sont éclatés à faire des disques anti funky. Ces types auxquels je pense n’avaient généralement aucune idée de ce qu’ils faisaient !

Un adjectif revient fréquemment dans la description de ta musique : “Library Music”. Qu’est-ce que cela signifie ?

Historiquement, les LPs de Library Music étaient produits en masse en vue d’être utilisés en arrière-plan de films ou pour la radio. Les producteurs étaient généralement anonymes ou utilisaient des pseudos. Naturellement produits dans un but commercial, ces disques étaient souvent libres des barrières auxquelles la musique électronique de l’époque était soumise. Il s’agissait de rythmes et de mélodies qui pouvaient aisément se fondre dans l’environnement télévisuel. J’aime une certaine frange de ce mouvement, et j’aime beaucoup le côté ésotérique et spirituel de Joel VDB. C’est un producteur qui maîtrise parfaitement le genre. Si j’aime également ses side-projects tels que Brainticket, c’est le minimalisme forcé et l’ascétisme des albums de Library Music qu’il a produit pour le label Allemand Coloursound qui me rendent heureux : une simple boîte à rythmes couplée avec cet occultisme typique de l’Est me suffisent.

Combien de temps passes-tu en studio ?

Je passe en moyenne 5 jours par semaine à m’occuper de problématiques techniques : câbler, peindre, construire des meubles et ajuster les lumières. Je dois passer un jour par semaine à enregistrer dans un éclat d’énergies désordonnées, puis un autre jour à ranger pour ensuite recommencer le processus du début.

Tu produis une musique très cinématique : atmosphérique, breakée et abstraite. Dans le futur, te vois-tu contribuer à une B.O de film ?

Le projet New Age “Overworld” était justement une B.O pour un spectacle de danse contemporaine et c’était l’une des expériences les plus incroyables à laquelle j’ai participé. Beaucoup de mes amis travaillent dans la production de films et de vidéos, et j’ai toujours voulu contribuer à ce type de projets. C’est effectivement mon but à long terme !

J’ai lu dans une interview que tu  n’aimes pas vraiment le Funk. Est-ce pour cette raison que tu repousses les limites du genre ? Dans le but de créer et améliorer un son nouveau qui te convient plus ?

Ce n’est pas que je n’apprécie pas tout le Funk. C’est juste que je ne produis pas dans le but de faire des chansons rythmées, vibrantes et ouvertement sexuelles. C’est un peu comme ce mec accoudé au bar qui saute sur la première venue avec sa chemise déboutonnée et qui la plaque contre le mur. Je préfère que les choses soient plus douces et persuasives. C’est pareil en musique.

Parle-nous de la scène Australienne : comment est-elle en ce moment ? On ne voit pas trop ce qui se passe depuis la France. Tu affirmais dans une interview qu’elle est très riche…

Esthétiquement parlant, elle l’est. Nous avons trouvé une identité solide et cohérente. On ne compte pas vraiment sur les sons d’ailleurs. Je ne prétends pas parler au nom de toute une scène et de toutes les musiques, mais tout se passe tranquillement et dans la sérénité à Melbourne. Je joue toujours des disques de ma ville, de mes potes, et de la scène passée et présente.

Qu’en est-il de ton activité de digger ? Tu achètes beaucoup de disques en Australie ?

Je cherche des disques dans le monde entier, et le seul principe qui me guide est de toujours acheter local : il n’y a aucun intérêt à digger de la Funk américaine en Australie par exemple… Tu ne trouveras pas grand chose ! Je passe beaucoup de temps dans les archives des stations de radio, en ligne évidemment, et dans les magasins de CDs également.

Est-ce cette collection de disques qui t’a amené à animer des émissions de radio ou le contraire ?

J’achetais déjà des disques au début du lycée, et à ce moment-là, j’enregistrais aussi des démos sur une table de mixage pour K7. Je pense que le désir de collectionner des disques s’est déclenché avec l’envie de les partager. Je rêvais souvent d’avoir ce pouvoir de partager ce que j’écoute avec le monde. Depuis, j’ai réalisé combien ce super pouvoir était bizarre et narcissique…

Tu sembles ne pas te cantonner à un seul label et tu as signé sur différentes entités telles que Mexican Summer, Omega Supreme ou Dopeness Galore ces dernières années. Comment choisis-tu l’élu qui signera ta musique ?

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(Ecris tel quel dans l’entretien – ndla)

Selon toi, un bagage musical est-il obligatoire pour être un bon producteur ?

Pour moi personnellement ? Je n’ai pas eu le choix. J’ai grandi avec certains types de musique et ceux-ci ont fortement influencé ma personnalité et de tout ce que je fais aujourd’hui. Mais je conçois que certains soient menés à ce qu’ils font d’une façon différente, que ce soit dans l’art, la musique ou internet. La seule chose dont je sois certain est que la production nécessite un bagage plus large que ce que tu produis réellement. Les producteurs de House qui écoutent uniquement de la House font rarement de bons disques…

Dans une interview, tu parlais de ta famille en Hongrie : signifies-tu “famille” au sens large ou au sens strict du terme ? Connais-tu la scène locale ?

Je parle de famille-famille. Je ne connais pas vraiment la scène locale, néanmoins, la dernière fois que j’y ai été, j’ai fait du son avec Route8, un producteur de Budapest qui utilise également une Roland MC-307 Groove Box.

En tant que DJ, tu joues des sons bizarres et downtempo, joues-tu parfois plus club ?

Oui, je joue de la musique de club, du moins, selon ma propre définition de la chose. Je ne peux pas renverser un club avec des LPs de Gigi Masin, Talk Talk et Steve Halpern ! Je suis plutôt dans le Broken Beat et les sons rave. En ce moment je me plonge de nouveau dans la Drum’n’Bass et également dans tous ces trucs ruff sortis ces dernières années.

A quoi peut-on s’attendre pour ce premier show à Paris ?

Attends-toi à beaucoup de musique Australienne signée Bell Towers et moi-même. Je jouerai probablement moitié USB, moitié vinyles, les EQ calés à +9db et je jouerai sûrement dans le rouge selon la table de mixage et le sound system. Cool pour toi ? J’espère que le public français appréciera !