Il y a tout juste un an, on interviewait les trois membres d’Isaac Delusion à la sortie de leur concert au Pitchfork Festival. Quel rapport avec Dream Koala me diriez-vous ? Musicalement aucun, mais les similitudes entre leurs parcours sont étonnantes. Deux artistes pour qui les choses sont allées vites, très vites, et qui en moins d’un an ont réussi à faire leurs preuves et à être propulsés au devant de la scène indie française et même outre-Atlantique. Des artistes encore jeunes mais talentueux, à qui l’on réserve un bel avenir et sur lesquels beaucoup d’espoirs reposent.

Pour Dream Koala, tout commence avec le remix d’ « About You » qu’il publie sur son Soundcloud. Il faudra peu de temps à XXYYXX pour remarquer ce track et surtout ce jeune artiste pour qui la blogosphère s’emballe soudainement. Une notoriété acquise sur le web et les réseaux sociaux, Dream Koala peut alors laisser parler sa musique. En Septembre 2012, Yndi, de son vrai nom, donne son premier concert et six mois plus tard sort son premier EP Blur sur le label rémois Highlife Recordings. Cinq titres d’invitation au rêve qui marquent la naissance du style Dream Koala. Un univers mélodique et chaleureux par lequel on se laisse facilement envoûter, évoluant entre Chillwave et Abstract et mené avec classe et talent.

La suite est celle d’un artiste qui buzze : des concerts aux quatre coins de l’Europe aux côtés de XXYYXX, Giraffage ou encore King Krule, des apparitions régulières dans les salles parisiennes, beaucoup de rencontres, une installation à Berlin et même une Boiler Room à Londres l’hiver dernier. Malgré cela, Yndi trouve le temps de composer et perfectionner son style. Un travail qui portera à nouveau ses fruits puisqu’à la fin de l’été 2013, il sort son second EP, Odyssey, sur Splendid Records Factory, nouveau label de l’agence créative Splendens. Plus “Pop” mais tout aussi remarquable que son prédécesseur, Odyssey fait l’unanimité par son morceau éponyme mais aussi par la maturité qui s’en dégage. En trois morceaux, Dream Koala nous conte son histoire, son odyssée et l’aboutissement d’une longue année riche en évènements mais qui lui procure une énergie qui le pousse à aller de l’avant. Une année qui s’est entre autre achevée ici à New York, lors du CMJ Music Marathon, où nous avons eu la chance de le rencontrer pour une interview exclusive. Voilà le récit de cet entretien avec l’artiste, sans doute, le plus prometteur de la scène électro-indie française.

– Ça te fait quoi d’être ici, de jouer à New York,  seulement  un an après ton tout premier concert ?

C’est un peu une sorte de fantasme pour tous les musiciens de venir jouer à New York comme c’est une ville emblématique au niveau musical. Donc c’est super, c’est une vraie claque pour moi, mais je t’avoue que je ne réalise pas encore ! Je pense que je m’en rendrais compte une fois que je serai rentré chez moi !

– Un voyage à New York, une installation à Berlin, deux EP,… Comment est-ce que tu as vécu cette année plutôt chargée en événement ?

Beaucoup de choses ont changé cette année c’est vrai. J’ai perdu des potes, je m’en suis fait des nouveaux, j’ai commencé à vivre de ma musique et tout est allé très vite. J’ai perdu beaucoup de choses mais ça en vaut la peine comme je pense avoir pris les bonnes décisions jusque là. Mais c’est la vie et j’espère qu’elle continuera à m’offrir de belles choses.

– « Odyssey », c’est un nom en hommage à ce bout de chemin que tu as fait depuis l’année dernière et à toutes ces choses qui te sont arrivées ?

Oui « Odyssey » c’est tout à fait ça. C’est un morceau qui me tient beaucoup à cœur du coup. C’est un hommage au voyage d’Ulysse. La vie ressemble beaucoup à ça en fait : on a tous un objectif que l’on souhaite atteindre. Moi j’ai cette peur de ne pas y arriver et de voir ma vie passer à côté de mes rêves.

J’avais commencé la prod du morceau quelques mois avant qu’on ne le sorte mais je n’avais pas encore de paroles et d’accroche. Un soir j’ai rêvé que j’étais dans un avion et qu’on allait se crasher. Je me suis réveillé en sursaut et je me suis dit : « C’est ça dont je veux parler ! ». Je me suis levé, j’ai pris le micro et j’ai enregistré la mélodie et les paroles en une seule prise.

– Dans quel état d’esprit étais-tu quand tu as composé et enregistré cet EP ? Est-ce que ça ressemblait à ce que tu as vécu avec Blur, ton précédent EP ?

Je pense qu’avec « Odyssey » je n’ai pas eu peur de me laisser influencer par ce que j’écoute comme musique. J’ai cherché des sons plus expérimentaux, plus abstraits ; parfois même un peu moins électroniques, mais plus moderne dans son ensemble. J’ai fait toutes les prods moi-même que j’ai ensuite enregistré dans le studio de La Maison Muller à Paris. J’ai aussi ré-enregistré certaines parties que j’avais faites sur ordinateurs avec de vrais synthés et c’est ce qui donne ce son vraiment analogique. On a mixé le tout avec Andy de Vicarious Bliss. Pour répondre à ta question, je pense qu’avec Odyssey, j’ai fait plus attention que sur Blur. J’ai moins fait les choses à l’arrache, j’ai plus travaillé dessus et je me suis plus posé de questions.

– Il y a un son beaucoup plus « Pop » d’ailleurs que sur tes premiers morceaux. Est-ce que c’était un choix de ta part ou est-ce c’est parce que tu cherches encore ton son ?

Ouais exactement ! Je suis encore dans une phase d’expérimentation. Je pense que je commence à avoir un style assez personnel, mais justement j’aimerais le faire évoluer avec le temps et en fonction des nouveaux projets sur lesquels je bosserai. J’écoute énormément de choses : du Black Metal, de la Bossa Nova, du Jazz, du Rock,… Et j’essaye vraiment de piocher dans tout ce que j’aime.

Avec Odyssey, je voulais mettre plus de voix que sur mes premiers morceaux. Mais quand j’ai commencé à jouer en live, j’ai remarqué qu’il manquait quelque chose entre le public et moi. Alors je me suis mis à chanter un petit peu par-dessus mes beats. Chanter en jouant en live c’est cool et vraiment différent de juste balancer des beats derrière son ordinateur. Ça m’a vraiment plu, alors j’ai voulu faire des chansons avec de vraies parties chantées comme « Odyssey », « Architect » ou « Ocean ».

– Comment t’en es-tu sorti avec le chant alors ?

C’est vrai qu’avant ça, je n’avais pas l’habitude de chanter. On me disait même parfois : « Ah non Yndi, ne chante pas là stp ! ». Quand j’ai commencé à chanter, j’utilisais ma voix comme un instrument, comme un synthé et je la mettais beaucoup plus en arrière. Et avec le temps j’y ai pris goût !

– Et ça marche plutôt bien parce que ton EP a été très bien accueilli par la presse et le public ! Est-ce que ça t’a ouvert d’autres perspectives personnellement et pour ta carrière ? 

Ça m’a d’abord beaucoup touché parce que les gens ont directement partagé le morceau dès que je l’ai posté sur mon Soundcloud. Je suis très reconnaissant envers toutes ces personnes, celles qui l’ont écouté, téléchargé ou même qui en ont juste parler à leur potes. Il y a vingt ans ça n’aurait jamais été possible.

Ensuite, ça m’a permis de montrer au gens que j’étais un « vrai » musicien, que je jouais de la guitare et que je chantais. Avant on me voyait souvent comme un producteur derrière son ordinateur. Maintenant c’est différent, et ça m’a aidé pour avoir des dates dans des plus grosses salles et avec des « vrais » groupes. Et ça m’a permis de venir à New-York aussi !

– Tu dois avoir d’autres morceaux en stock et tu es sans doute en train de travailler sur ton premier album. Les prochains morceaux que tu vas sortir seront donc plus de la veine du Dream Koala d’Odyssey, de celui de Blur ou bien quelque chose de totalement différent ?

Parfois j’ai des idées en tête mais quand j’essaye de les mettre en forme, généralement ça débouche sur autre chose. En ce moment oui, je bosse sur mon premier album, mais du coup je ne sais absolument pas comment ça va sonner. Mais j’aimerais faire quelque chose d’accessible, de « Pop », mais tout en gardant un côté avant-gardiste et expérimental. J’ai envie de mélanger des instruments, des rythmes, des sonorités.  J’aime le mélange et le métissage, alors j’aimerais que mon album soit dans cet esprit.

– Et cet album tu aimerais le sortir sur un label français ou étranger ?  Major ou indé ? 

Je ne sais pas vraiment en fait. Tout dépendra des personnes que je vais rencontrer et de leur discours. Si par exemple une personne d’un label indé américain vient me voir et comprends exactement ce que je veux, ce dont j’ai envie et où je veux aller, alors je le ferai avec cette personne ! Mais si je rencontre quelqu’un d’Universal qui tient le même discours et avec qui je m’entendrais très bien, alors ça sera avec cette personne. Pour moi ce qui est important ce sont les personnes et je suis assez ouvert à ce niveau là.

– D’ailleurs en parlant de label, on a un point commun Phonographe Corp et toi : c’est Reims, ville où Highlife Recordings, le label sur lequel est sorti Blur, et une partie de nos équipes, sont basés. Odyssey, lui, est sorti sur le label de La Splendens Factory. Comment choisis-tu les gens avec qui tu travailles ?

Beaucoup au feeling et par coïncidence aussi. Il y a des gens avec qui je travaille actuellement qui se sont trouvés au bon endroit, au bon moment et que j’ai pu rencontrer comme ça. Je pense que la musique et toutes les disciplines artistiques en général, ça marche souvent au feeling, même s’il y a une réalité économique derrière aussi.

– Avec les personnes avec lesquelles tu travailles et dans ton entourage, il y a XXYYXX, Girraffage, le hollandais Torus, mais aussi le jeune crew de Moose Records composé d’ANDREA et de Julia Losfelt. Vous êtes un peu les seuls ambassadeurs français de la Chillwave. Est-ce que tu penses que ce style de musique a un avenir en France comparé à des pays comme l’Angleterre ou les Etats-Unis ?

C’est marrant que tu me définisses comme un artiste Chillwave (rires) ! Je ne sais pas trop, mais j’ai l’impression qu’en France on a du mal à trouver un son fort qui sois reconnu à l’échelle mondiale et par beaucoup de personnes. A part le son Ed Banger et David Guetta peut-être. Je pense que ça a de l’avenir, mais pas maintenant. Les Français suivront les Américains et les Anglais, comme ça a souvent été fait. Quand ça sera devenu assez grand là-bas, peut-être que l’on commencera à vraiment s’y intéresser chez nous.

– Et par rapport à la scène musicale française justement, où est-ce que tu te situes ? Plus proche d’une scène électro type Ed Banger, Savoir-Faire, ClekClekBoom ou plus proche d’une scène indie ?

Entre les deux je dirais. En fait je n’aime pas trop être affilié à une scène ou que l’on me colle une étiquette. J’aime bien me balader, aller à droite à gauche mais aussi faire les choses dans mon coin. Je te dis, j’aime le mélange et le métissage. Et c’est pareil dans la musique que j’écoute. Je pourrais très bien aller à un concert de Punk Hardcore un soir et le lendemain passer la soirée au Social Club. J’aime rencontrer des gens différents et apprendre d’eux.

– Tu dis que tu aimes bien faire le choses dans ton coin, mais tu as commencé la musique avec un groupe il me semble. Ça ne te manque pas parfois de jouer ou de faire des concerts tout seul ? Est-ce que tu aimerais, peut-être plus tard, revenir à une formation à plusieurs ?

Si si bien sûr ! J’aime bien bosser tout seul niveau production et composition, surtout en tant que Dream Koala. Mais en live c’est vrai que ça me manque cette chaleur humaine. Regarder ton batteur, ton bassiste et se taper des barres !  Je trouve que tu te sens très puissant quand tu es avec ton groupe sur scène, donc oui j’aimerais bien rejouer avec des gens dans un futur proche.

– En parlant de futur, tu n’as pas un peu la pression pour la suite ? Tu as eu beaucoup d’exposition médiatique et internationale pour un jeune artiste (Boiler Room, Noisey, Vogue,…), notamment ici aux Etats-Unis, et on te perçoit un peu comme la révélation de la scène indie française. Tu es flatté ou ça te fait flipper ?

Ça me flatte énormément ! Rien que de savoir que des gens écoutent ma musique sur Youtube ou achètent mes EP ça me fait plaisir. Alors oui, quand on me dit que je suis un espoir d’une scène spécifique,  ça me met la pression le trac certes, mais ça me pousse à aller encore plus loin et à me dépasser. C’est une pression positive parce que ça me motive pour ne pas décevoir mes fans ou les gens qui me soutiennent.

– Et tu penses que le fait d’être jeune dans un milieu assez dur comme celui de la musique représente plus une force qu’un handicap ? Quand tu regardes des mecs comme Tyler The Creator, XXYYXX, King Krule ou encore Disclosure ça a l’air d’être plutôt bénéfique pour eux…

Oui, je pense qu’être un jeune producteur dans la musique aujourd’hui ça ne peut t’apporter que des bonnes choses. Je suis encore frais et j’ai le temps. Mais je suis toujours entouré de personnes qui sont plus âgées que moi et dont j’apprends beaucoup. Être jeune ça te permet d’oser, de faire des choses qu’une personne qui a vingt ans de carrière ne se permettrait pas de faire.

Tu parlais de Tyler dans ta question. C’est un peu grâce à lui que j’ai commencé à faire de la musique électronique. Je me suis dit : « Putain le type a trois ans de plus que moi et il fait déjà tout ça ! Faut que je me bouge ! ». En concert il y a des mecs de seize ans qui viennent me voir et me disent qu’ils font de la musique. Ça me touche parce que je me vois il y a trois ans avec Tyler ! Parce que s’il n’y avait pas eu Tyler, je ne me serai jamais autant investi dans Dream Koala !

– Et tu penses qu’avec Odyssey tu as suffisamment fait tes preuves ou tu penses avoir encore pas mal de travail ? 

Je pense avoir encore pas mal de travail (rires) ! Déjà pour apprendre à « proder », je dois approfondir ma technique. Ensuite dans la composition des morceaux, j’ai encore des progrès à faire. « Odyssey » est un bon titre, mais je pense que je peux faire mieux et surprendre encore plus mon public.

– Et Tyler, tu penses que lui il a fait ses preuves ?

Ah oué Tyler lui il a fait ses preuves (rires) ! J’aime son style, sa classe, tous ses albums,… J’aime vraiment tout ce qu’il fait.

– Si tu as l’occasion de bosser avec quelqu’un que tu apprécies, j’imagine qu’il en ferait partie. Sinon avec qui est-ce que tu aimerais collaborer ?

Oui Tyler en ferait partie c’est clair. Mais je ne sais pas si j’aimerais vraiment bosser avec lui. Je pense que j’aimerais juste le rencontrer, passer une soirée avec lui me taper des bonnes barres. Il doit avoir pas mal de trucs drôles à raconter je pense !

Sinon j’aimerais bien bosser avec la chanteuse Banks, je trouve qu’elle a vraiment un truc à elle. Avec King Krule aussi et je pense que ça va se faire un jour ; enfin j’espère ! Avec Sade Adu, qui est ma chanteuse préférée et que je respecte beaucoup. Flying Lotus bien sûr, mon héros ! Il y a tellement de gens en fait, et même si je ne bosse pas avec eux, j’aimerais au moins juste les rencontrer au cours de ma carrière.

– C’est quoi la prochaine chose que tu vas faire en rentrant à Berlin ?

Dormir et manger (rires) ! Avec le décalage horaire j’ai juste l’impression d’être déréglé ! Et puis bosser sur l’album jour et nuit (rires) !

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