En 3 ans, Antonin Jeanson, jeune corse fougueux et artiste confirmé, s’est taillé un costume très classe dans le microcosme qu’est la scène Techno française. En effet, ces dernières années vous avez pu voir le nom d’Antigone sur des labels tels que Construct Re-Form, Ars Mechanica, Children Of Tomorrow ou Concrete Music. Vous avez pu entendre ses productions jouées par des artistes tels que Jeff Mills, Cosmin TRG ou Dj Deep et bien d’autres.

Aujourd’hui Antonin ne mixe plus à l’Appart K’fé de Reims (référence à une soirée que nous avions organisé en 2010 en sa compagnie, quelques jours avant la sortie de son premier EP – NDLA) mais écume les clubs de Paris. Il joue régulièrement lors des journées Concrete et lors des événements de l’un des bastions de la Techno Française, Construct Re-Form. On avait fait connaissance avec le jeune homme alors son premier disque n’était pas encore sorti, depuis, il a été difficile de s’en séparer. On a profité de la nouvelle année pour lui poser quelques questions quant au pourquoi du comment.

Nous vous proposons de (re)-découvrir son premier podcast, enregistré pour Phonographe :

– Ça fait un petit moment que tu digges, comment cette passion a-t-elle germé chez toi? Est-ce du à des proches?

Pour moi tout a commencé à mon retour des Etats-Unis, en 98, avec la Techno-parade. Je ne sais plus comment, mais je me suis retrouvé sur un char, c’était celui du label BPM (qui d’ailleurs n’existe plus). Ma marraine bossait pour eux à l’époque, je me souviens que j avais été impressionné par cette musique que je ne connaissais pas du tout. Par la suite j’ai eu mon premier disque techno offert par ma marraine, Sonic Tourism, un truc super acide. Je l’ai écouté en boucle pendant au moins 1 ans sans déconner !

– Donc c’est ta marraine qui dans un premier temps a eu un rôle clé dans ta construction musicale. En 1998 tu ne devais même pas avoir 10 ans. Quelle était la seconde étape?

En fait, j’avais à peine 8 ans. La seconde étape a été d’acheter des vraies platines pour jouer et une table mais c’est venue un peu plus tard, vers l’âge de 12 ans. Entre temps j’ai été collectionneur de jouets un peu rares, des maillot de foot (année 70), mais à un certain moment il fallait bien grandir. Du coup, j’ai commencé petit à petit à récupérer les disques de mes parents et en parallèle à acheter des disques de musique électronique chez Silly Melody et Bouligné (je ne connaissais pas encore les disquaires spécialisés). À l époque pour être honnête j’achetais sans connaitre les styles , du coup, tout y passait de la trance à la Drum N’ Bass en passant par la Techno et la House Progressive, des trucs commerciaux et plein merdes, je n’avais pas encore l’oreille je pense, mais ce qui est drôle c’est que parmi ces disques j’ai retrouvé quelques année plus tard du Red Planet ou du Gary Martin par exemple.

– C’est assez étrange d’avoir tant de détermination si jeune. Parmi ces disques, quand penses-tu avoir trouvé ton orientation musicale?

Je crois que j’ai vraiment trouvé mon style après la grosse période minimale de 2006, même si j’achetais toujours de la techno, je ne pense pas que la minimale soit une mauvaise musique. Il y a eu choses fantastique qui se sont faites, d’ailleurs c’est cette musique qui m’a donné envie d’en faire et de m’acheter Ableton, mais début 2007 cette musique a pris une tournure trop tech house que je n’aimais pas du tout. Ce qui m’avait plu au départ, c’était son côté un peu expérimental et recherché. D’ailleurs, peu de temps après, John Thomas vendait toute sa collection de disques, c’est vraiment là ou tout a changé pour moi : j’ai dû acheter une bonne partie de sa collection. C’est là que je me suis vraiment remis à écouter de la techno et où je me suis construit une vraie culture techno.

-Tu disais juste avant que tu apprécies les jouets rares. Finalement, on note une pointe d’excentricité qui est plutôt en contraste avec ta personnalité. Tu es plutôt quelqu’un de discret.

J’ai toujours été assez discret avec mes passions, j’avais toujours peur du jugement des autres et à l’époque du lycée, les gens s’en foutaient un peu de la musique électronique je passais mon temps avec mes écouteurs à écouter des mixes de Jeff Mills, DE9 | Closer To The Edit de Richie Hawtin .. Je m’isolais pas mal, je rêvais d’en faire mon métier.

– Maintenant que tu as grandi est-ce toujours la même chose?

Oui, tous les matins je me réveille et je suis content de pouvoir faire de la musique, quand je compose, je ressens des choses tellement fortes en émotions, en couleurs, en sentiments.

– Et concernant le jugement des autres?

Je l’ai un peu moins. Il m’a fallu 5 ans avant de faire écouter ce que je faisais. J’ai attendu le moment où je me sentais le mieux dans ma peau.

– Qu’est-ce qui a été l’élément déclencheur?

Je crois plusieurs choses pour être totalement honnête. J’étais quelqu’un de très angoissé. Pour sortir de cet état je me suis donné un an pour travailler sur moi-même et sur ce que je voulais faire de ma vie. Du coup j’ai bossé pour réaliser mon projet mon rêve d’enfant : faire de la musique électronique. Puis, à force de travailler, j’ai sorti 4 morceaux qui me semblait être un bon début. C’est par la suite que rencontré Sylvain aka Zadig (son Phonocast) qui montait CRF.

J’ai rencontré Sylvain chez Syncrophone. Ce qui est drôle, c’est que j’avais acheté son disque sur Syncrophone (le label) et j’étais là à dire a Sylvain « Putain Zadig c’est vraiment bien » mais je ne savais pas que c’était lui. C’est comme ça qu’on s’est rencontré. Du coup, un jour, j’ai débarqué avec des morceaux et je lui ai fait écouter. En parallèle, il montait son label Construct Re-Form et du coup il m a proposé de les sortir.

-Tu tournes beaucoup avec l’équipe Construct Re-Form. Est-ce important pour toi que ce label ressemble un peu à une petite famille?

Oui c est très important. Peu de labels connaissent ça, donc on peut dire qu’on a de la chance d’avoir ça. On s’y sent bien, on est une vraie bande de potes, j’espère pouvoir faire la même chose avec mon label.

-Lors de tes sets, on sent également beaucoup plus d’aisance que lors de tes premières dates, ou notamment que ta première Concrete. Comment appréhende tu le public maintenant ?

Plus d’aisance, je ne sais pas, j’ai toujours aussi peur qu’avant voir plus. Je ne pense pas avoir encore trouvé ma voix en tant que DJ. Je me cherche, c’est peut être dû au fait de passer plus de temps en studio que sur des platines. J’apporte plus d’importance à ma musique, surtout qu’il faut prendre du temps, entre acheter des disques et monter son studio, tout cela a un prix. Pour l’instant, j’ai encore beaucoup de progrès à faire. Mais bon, je pense m’y remettre d’ici peu de temps, ça commence à me manquer .

-On a vu que tu as fait deux lives l’année dernière, un lors d’une soirée Construct Re-Form au Batofar, un autre lors du Weather Festival. Comment s’est passé la préparation ? Est-ce que ce travail t’a permis de progresser dans ta manière de produire ? Qu’est-ce que cela t’a apporté ? Pourquoi ne joues-tu plus qu’en dj ?

J’ai préparé ce live en un mois et demie, c était une grande première pour moi, surtout que je n’avais jamais essayé d’en monter un avant cela. Le résultat final était assez cool, ça a été un mois de boulot intensif à reprendre des vieux morceaux qui étaient seulement des ébauches ou alors des morceaux sortis mais dans lequel il était impossible de tout reprendre à cause du nombre de pistes, puis il fallait choisir ce qui pouvait être modifiable en plein live. Je ne voulais pas faire un live où je balance juste des simples clip audio et basta. Je voulais vraiment sentir du live et pas checker mes mails !

Ce qui est drôle avec ce live, c’est que j’ai appris à laisser traîner mes morceaux plus longtemps sur une boucle. Avant, j’avais toujours peur qu’on dise que c’est trop répétitif. En fait, c’est juste une question d’avoir confiance en sa musique. Je ne joue qu’en DJ en ce moment parce que je veux me laisser plus de temps pour monter mon deuxième live, et puis j aimerais vraiment travailler avec l’image en même temps .

-Plusieurs de tes productions sont influencées par Detroit et par les nappes. Tu apprécies également la Sci-Fi ?

C’est drôle que tu parles de science fiction, j’ai toujours été un grand fan des ambiances de film sci-fi surtout des vieilles séries comme Lost In Space ou encore The Twilight Zone. Ce sont des choses qui m’ont vraiment marqué pendant mon enfance.

-Tu penses que ces influences se ressentent dans ta musique aujourd’hui ?

De plus en plus. Je me suis intéressé il y a quelque temps à comment la musique électronique de l’époque était faite. Du coup, je réutilise des procédés de l’époque en reprenant les même effets sonores, surtout dans mes projet pour Ars Mechanica. De temps en temps, je me surprends car j’ai l’impression d’écouter un son de film de 1950 sur un beat techno, c’est assez intéressant.

– Est-ce que tu penses que ton rapport à l’image et à la musique a pu être influencé par ton père notamment qui est Photographe ?

Oui, je pense, en partie la relation avec les images est très présente dans ma musique, du moins c’est ce que je ressens quand j’en fais. Ça peut être un paysage en Corse ou encore un souvenir d’enfance, je ne vais pas trop rentrer dans les détails, ce sont des sentiments qui sont courts et tellement flous, mais depuis peu de temps, il m’arrive de prendre en photos des choses qui pourraient m’influencer davantage dans mon travail .

– Aujourd’hui, écoutes-tu toujours autant de techno ou as-tu différents centres d’intérêt?

Oui bien sûr, même si je dois dire qu’en ce moment j’achète un peu de tout mais surtout des trucs étranges, comme des Oneohtrix Point Never, Soft Focus, Yves de Mey

– Il y a quelques temps, tu annonçais que tu préparais ton label pour 2014. As-tu pu avancer sur ce projet ?

C’est en cours j’ai justement eu le temps réfléchir pendant ces vacances à ce que je voulais faire, mais je n’en dis pas plus !

– Donc sur quoi peut-on t’attendre en 2014?

2014 : un label en cours puis plein de releases, notamment le prochain Construct Reform, As I walk to you, un remix de Artifax et des dates vraiment cools…

– Si tu avais l’occasion de donner un conseil à un jeune digger de 12 ans aujourd’hui, qu’est-ce que ce serait ?

Je pense aucun. Je ne me considère pas comme un expert en la matière, j’achète parce que j’aime bien la musique, c’est plus drôle de découvrir tout seul. Au début, je tirais les disques en fonction de leurs pochettes, du coup ça donnait de belles surprises.

Antigone jouera demain soir à la Realease Party de Construct Reform au Batofar en compagnie de Johannes Volk, Jeroen Search et Birth Of Frequency. Pour plus d’infos, rendez-vous sur Facebook

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