Allier belles musiques et bonne bouffe, c’est ce pour quoi pas mal d’entre nous vivent, n’est-ce pas ? Parce qu’un festival se vit toujours mieux avec le ventre plein de (bonnes) choses à manger, Animal Records & Kitchen, équipe derrière le festival La Douve Blanche, a poussé le curseur un peu plus loin que la moyenne dans cette direction. Logé dans le Château d’Égreville à moins de deux heures de la capitale, l’événement en est à sa neuvième édition cette année et n’a pas l’intention de changer de format : des concerts et des DJ sets accompagnés d’une jolie tambouille. Du food truck à un repas en cinq services, La Douve Blanche propose une expérience culinaire forte, tournée vers les bons produits, la saisonnalité bien sûr, le locavorisme. Le bon, en somme. Une démarche singulière, existante dans d’autres événements similaires (on pense à We Love Green, par exemple) mais qu’ici, force d’une jauge limitée et à taille très humaine, on vit différemment. 

Oui, nous allons parler bouffe, chef.fe.s et cuisine de saison sur Phonographe Corp, un média des musiques électroniques – mais pas que. À quelques semaines du festival, on a échangé avec Antonin Girard, co-fondateur et responsable de la programmation food. Festins des chef.fe.s, feeling autour des fourneaux et engagements, on a déjà faim. 

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Comment l’idée du festival est venue ?

L’idée ? C’est l’un des postulats de base des activités d’Animal Kitchen (entité qui chapeaute La Douve Blanche, ndr) : faire des événements, créer du lien à mi-chemin entre la musique que la bonne bouffe. C’est le spectacle vivant, et pour nous c’est autant sur scène que dans une cuisine. On essaye de mettre ces deux choses-là sur le même niveau et de faire en sorte que les gens qui viennent à La Douve Blanche mangent bien, autant qu’ils apprécient leurs concerts : vivre une expérience globale. 

Comment se passe la sélection et la création de la scène food ?

La programmation a toujours été pensée sous le prisme de l’humain plutôt que de l’entité ; on a essayé de créer un food court où les cartes ont été réfléchies par des chef.fe.s. Je m’occupe plus précisément de cette programmation et de la production liée à la food, et même si j’aime toujours donner mon avis sur la partie musique, j’ai dû lâcher les rennes (rires) Le festival a bien grandi depuis sa création et les rôles se sont précisés. 

Le marqueur décisif est que le.a chef.fe soit « cool » d’un point de vue culinaire et humain. On sait que l’on va proposer à ces gens-là une expérience : ils vont passer un bon moment, et non un cachet. Tout le challenge pour moi est de trouver des chef.fe.s talentueux.ses, avec une certaine aura et qui sont prêt.te.s à faire un festival de 72h – de travail et de fêtes, mais de travail avant tout. C’est un vrai casting ! Tout au long de l’année, j’y travaille et cela fait partie du métier que j’aime : le réseautage, la construction d’une industrie moderne de la restauration avec des valeurs, une communauté comme je l’imagine. Je propose à une dizaine de chef.fe.s environ, en fonction des disponibilités, des actualités… Encore une fois, je cherche des gens sur l’affect : ils vont travailler avec des gens bénévoles et des volontaires, j’ai envie que cette équipe-là passe un bon moment avec les chef.fe.s. C’est (presque) mon premier critère (rires)

C’est un patchwork assez compliqué, je ne cache pas que c’est un casse-tête. J’ai des exigences – je ne suis pas seul, d’ailleurs, je travaille entre autres avec Thomas, un ancien journaliste du Fooding qui a une grosse appétence pour la food. Il m’assiste là-dessus, et plus largement dans l’équipe, tout le monde a de petites idées, une connaissance, un pote chef… Il y a trois festins des chef.fe.s à la fin – ce sont des binômes, à quatre mains, et un huit mains. 

 

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Dans ces quatre et huit mains justement, qui retrouvera-t-on cette année ?

Premier festin des chef.fe.s le vendredi soir, avec Ella Aflalo du Drum Café à Arles et Gianmarco Gorni – un duo dont j’attends pas mal d’étincelles. Ella évolue dans une cuisine extrêmement bien dotée avec un fonctionnement de brigade millimétré. Ce n’est pas un resto étoilé mais ça y ressemble, et c’est assez beau à voir. Gianmarco, c’est un forain – et je dis ça avec beaucoup d’affection, on l’est aussi ! Il est très spontané, un peu bordélique, bon vivant… J’ai hâte ! Le samedi midi est un huit mains, un peu plus festif : c’est un b2b de restaurants, première fois que je fais ça. C’est entre Figure et Lolo, deux chef.fe.s dans chaque adresse (Lolo en a deux) ; ils se connaissent et ont déjà échangé leurs cuisines, ce qui était assez fou. Et le samedi soir, ça sera entre Adrien Cachot et Thomas Graham.

Tout ça, est la programmation festin des chef.fe.s donc – un format dégustation, à l’assiette, un peu premium, avec 60 couverts par service. On est assez fier de proposer ça, un repas en cinq étapes, vins compris. Sur le food court, grand public lui, on a aussi la volonté d’organiser ça autour de chef.fe.s avec des ami.e.s qui souhaitent proposer un format un peu fun, par exemple La Cuisine de Souad cette année. Mais aussi des mareyeurs de Normandie, la team Bang Bang pour des tapas bien spicy ; Casa Azul vont eux proposer une cuisine tex-mex. Et un nouveau format cette année ! La cantine des chef.fe.s, un format que l’on construit avec Le Recho, une association de réinsertion par la cuisine ; il y aura un menu avec l’intégralité des chef.fe.s du festival. C’est un entrée-plat-dessert que l’on veut cantine, accessible, reproduit par une équipe de cuisiniers en formation, qui sera dans le food court. Cela permet aux gens d’avoir une petite empreinte des chef.fe.s.

Il y a ces trois formats-là donc, et une scène culinaire où l’on fait intervenir tout ce beau monde : les producteurs qui nous emmènent de super produits, Le Recho, les chef.fe.s que l’ont fait monter sur scène pour pouvoir avec une approche plus populaire et grand public…

On essaye de respecter autant d’engagement que possible par rapport au locavorisme, au bio, au végétarien… On est très pointilleux là-dessus. Il y a un cahier des charges, que l’on a édité avec Ecotable et sur lequel les restaurateurs et chef.fe.s s’appuient.

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Est-ce que tu donnes des consignes sur les menus, sur les produits… ?

J’essaye de laisser carte blanche, avec un budget à respecter : on veut qu’ils se fassent plaisir, sans brider la créativité. J’explique aux chef.fe.s aussi que l’on n’est pas sur un concours ou sur du démonstratif. Souvent, on se met la pression et on passe un mauvais moment ; vu que c’est du one shot, la technicité n’est pas au rendez-vous, cela demande un vrai temps d’adaptation d’élaborer un menu complexe. Je leur demande de faire des choses simples, bonnes, marrantes, sympa pour eux, pas trop compliquées… Le naturel revient au galop et on se retrouve avec des choses… (rires) J’ai rarement été déçu, et c’est l’avantage de faire des binômes : deux fois plus de technique et de talents. 

Ça a créé de belles amitiés, c’est l’une des choses dont je suis le plus heureux : des chef.fe.s qui ne se connaissaient pas, qui s’appréhendaient un peu même et qui repartent un peu copains comme cochons. 

Je prêche pour ma paroisse, mais ce sont de très beaux moments – et le festival dégage beaucoup d’émotions. On est une petite structure et l’on met beaucoup d’engagements pour créer une sorte de bulle paradisiaque pendant trois jours – les festivaliers les premiers, j’espère, et les restaurateurs et artistes et les chef.fe.s. 

Est-ce que tu sens que la partie food est autant importante que la partie musique, pour les festivaliers ?

On aimerait, c’est notre postulat. Pour citer We Love Green, ils aimeraient aussi – ils font tout pour et on fait tout pour, mais aujourd’hui, tu ne te déplaces pas dans un festival pour de la food, très peu de gens le font, à moins que cela ne soit un festival dédié à la culture de la food. Ce n’est pas anodin dans la décision d’achat d’un billet pour le festival, je pense que cela participe d’une certaine manière mais ça n’est pas encore équivalent à la musique. L’important est que les deux soient complémentaires. Avoir des noms de che.fe.s et de restaurateurs.trices connu.e.s et apprécié.e.s sur une affiche, ça sert. Ça part à une certaine communauté, tout le monde n’a pas le luxe ou l’appétence pour une certaine bistronomie et la cuisine new age. Est-ce que c’est un dénominateur fort de vente de place ? Aujourd’hui, je ne peux pas dire ça. On va vers le mieux et on se donne du mal pour, avec beaucoup de promotions dans ce sens. Il y a une conversion en fin de festival : les anciens reviennent. 

La Douve Blanche, du 07 au 09 juillet (c’est ce week-end)
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