Auntie Flo est un producteur qui nous vient d’un peu partout : né à Goa en Inde, il murit à Glasgow et s’installe à Londres ; un jeune oiseau en migration, survolant le monde à la recherche de sonorités ensoleillées et dépaysées ; un phénix qui renait des cendres des musiques de tradition, qui se réjouit de chants populaires, arrangeant le tout sans soucis de tracés géographiques.

Cet article s’appréciera pleinement accompagné de la playlist ci-dessous.

 Sa musique sent la liberté.

 L’Afrique aurait le monople du cœur et des rythmiques, de ces peaux tendues, de ces cuirs de congas, de ces claps de wood-block ; la structure, elle, serait d’une Angleterre froide, d’humeurs house et de drum ; des rappels japonisants, des relans d’Amérique du Sud. Le trajet de Brian D’Souza s’imagine : en partance de Goa, donc, il fait escale sur un un continent africain qui devient le berceau de son monde ; il s’y ressource de la naïve bonne humeur du Kwaito sud-af’, du Highlife ghanéen , du sang jazz-funk de l’Afrobeat nigérian, des pulsions du Mbalax sénégalais ; les valises pleines il s’envole pour la Grande-Bretagne où les fumées noires d’usines et l’electronique prennent du pouvoir, le brouillard des ruelles, une moiteur permanente ; les boucles s’y bouclent, la Dance se rapproche et grandit.

 Une éthique qu’Auntie Flo peaufine depuis 2011 et la sortie de son premier EP sur Huntleys & Parlmers – maison de cœur qu’il n’a pas quitté, à laquelle il s’est associé en promoteur, dépêchant à Glasgow, des pointures de la musique electronique à tendance world (Nicolas Jaar, Shackleton, Alejandro Paz) ; Goa Highlife donc, premier EP solo, est une merveille ; on y trouve tout le caractère du musicien, de mélodies entêtantes et dépaysantes, traditionnelles et futuristes, d’un groove saccadé et enivrant ; une première sortie au caractère minimale encore appuyé, vice qui se fera oublier sur Future Rythm Machine, après une sortie chez Kompakt « Sun Ritual » – de bonne facture somme toute mais moins éclatante.

 Future Rythm Machine, son premier LP, expose la pleine mesure de ses ambitions. Un album dominé d’instruments traditionnels, de guitares et de yukuleles, de flutes et d’orgues, de percussions mécaniques, d’un furieux brassage culturel et musicologique ; les morceaux se désarticulent et évoluent à leur gré, dessinent des scènes aux atmosphères étrangement familières ; le temps d’une seconde nous sommes poussés au centre d’une ronde rituelle, face à un shaman en transe « I Want To Blow Your Mind », à danser une Cumbia de déhanchés larges et vifs dans des vapeurs de rhum « La Samaria feat. Mamacita », à se saouler de saké chaud dans une campagne japonaise et pluvieuse « He Makes The People Come Together » ; comme envouté de magie noire, l’album nous porte à des accès de frénésie, dans un déchirement géographique et temporel, les sens brouillés d’explosions de souvenirs de voyages.

 Un désir de transport quelque peu similaire à l’initiative de Mark Ernestus lorsqu’au cours de l’année 2013 il proposait un double album d’originaux et de réedition de Mbalax ; une redécouverte du genre via des arrangements dub techno peut-être plus digestes pour des oreilles européennes moulées à la minimale berlinoise (Jeri-JeriNdagga Versions, Mark Ernestus presents Jeri-Jeri800% Ndagga).

 Auntie Flo, construit tranquillement sa discographie, de productions plus froides et plus club à tendance Cadenza « Doodle » et « Lumbalu » sur l’EP Highlifeedits, opère un lifting parfaitement maitrisé sur une pièce de maître « Roforofo Fight » de Fela Kuti, se distingue de son rôle de producteurs par des performances live accompagnées du percussionniste sud-africain Esa Williams ; le britannique en est encore au fondement de son château et passe déjà pour un roi, de sagesse et d’ouverture ; alors il nous tarde d’entendre où encore il va nous emmener, sûr d’avance de suivre son invitation.