Nul besoin de présenter Burial, ce sombre inconnu. Ce simple paradoxe en dit long sur la manière dont le fer de lance du label Hyperdub, le petit protégé de Kode9, a choisi de mener son existence au sein de la scène musicale actuelle. Rejoignant les quelques irréductibles qui résistent encore et toujours à la lumière des feux de la rampe tels que Boards of Canada ou Aphex Twin, Burial reste tapis dans le noir, délivrant ça et là, souvent à l’improviste, quelques rares sorties qui font taire le bruit du monde pour un temps.
Rival Dealer, son dernier EP, ne fait pas exception à la règle. Annoncé il y a tout juste deux semaines, sans titres ni tracklist, il fut intronisé d’ores et déjà comme l’évènement de cette fin d’année. On avait déjà eu droit à une technique de communication similaire pour la sortie de son précédent opus Rough Sleeper, paru à peu près à cette même époque l’année dernière.
Malgré le succès interplanétaire que Burial a acquis ces dernières années, celui-ci semble vouloir se rattacher à l’underground et y rester, ne pas faire de vagues. Ce type de communication et de sortie n’est pas sans rappeler le mode de diffusion d’obscures galettes de Jungle et de Rave Music de la fin des années 90. On peut également penser aux radios pirates anglaises qui sévissaient à peu près à la même époque. Ce n’est pas totalement un hasard, dans les très rares interviews que Burial a donné à la presse, il a avoué avoir baigné dans cette culture étant plus jeune, par le biais de son frère qui lui fit découvrir la culture de la Rave Music, dont il garde, dit-il, un souvenir nostalgique.
Cependant, soyons honnête, depuis son excellent album Untrue, sorti en 2008, Burial n’a pas vraiment pris de risques, creusant une formule que nombre de producteurs ont tenté d’assimiler et se réapproprier. Rival Dealer semble ainsi manquer de surprises. Mais le producteur anglais n’en a probablement que faire, et c’est peut être ce qui fait sa force. Cet EP est certainement celui où Burial est le plus proche de sa vérité musicale. Tous les éléments déjà présents dans ses précédents opus apparaissent ici dans une formule simplifiée, plus directe, des samples de R’n’b aux basses grondantes et sourdes, évoquant les premières heures de la Jungle et de la Dub.
« Rival Dealer », le morceau phare, est une véritable ode à la Rave Music, et probablement, à ce jour, un des morceaux les plus violents de Burial. Sirènes et rythmiques évoquant la Drum’n’Bass puis la Techno frappent, tandis que l’auditeur est noyé sous une multitude de craquements, grésillements et samples divers, comme pour mieux dérouter, asseoir cette confusion dans laquelle le producteur nous plonge.
“Sometimes You Try To Find Yourself” murmure une voix dans un moment d’accalmie. Et c’est précisément ce que Burial cherche à faire, faisant presque fi de son auditoire. Cependant, il semble toucher là une vérité, un questionnement au coeur de l’esprit de toute une génération, celle d’un monde en crise.
« Comme Down To Us » et « Hiders » représentent un versant plus apaisé, chants R’n’B très marqués et samples de piano angélique nous plongent dans une atmosphère presque idyllique. Ces deux morceaux semblent être un cri d’amour lancé par Burial au R’n’B du début du siècle. Cependant la répétition de certaines lignes mélodiques, parfois trop insistantes, font de “Come Down To Us” et “Hiders” un des moments les plus faible de sa carrière.
C’est peut-être également un moment clé. Celui où il décide de ne plus se cacher, ou disons, de sortir un peu de l’ombre, assumant ouvertement ses influences et ses désirs. Au final, Rival Dealer s’avère peu consistant, même si Burial, avec cet EP, se dévoile finalement plus qu’il ne l’a jamais fait.
Burial – Rival Dealer EP (Hyperdub)