Compilation regroupant une house music transformée en dance music au contact de la variété française, Dynam’Hit, Europop Version Française 1990-1995 arrive sur Born Bad Records. Les deux curators du projet, Belec et Sainte-Rita, nous décortiquent quelques titres.

Glissement naturel dans une soif de découverte qui frise la retromania, ces deux dernières années ont vu les 90’s sucrer la première place du podium aux 80’s, fouillées de fond en comble. On passe à la suite, et quelle suite ! L’arrivée en force des musiques électroniques au début de la décennie ouvre des perspectives immenses et chacun y va de son « House Tube », y compris en France. On ne parle pas ici des pontes du genre et des titres bien connus, mais plutôt d’une production souterraine, méconnue et surtout, chantée en français – chose rare pour des musiques électroniques, et qu’il l’est d’autant plus que la mode d’alors se voulait à l’anglais. Une version plus synthétique et dance, new-beat ou hip-house du French Boogie. 

C’est dans cet interstice méconnu que Belec et Sainte-Rita, DJs proches du collectif Bruit de la Passion ont réalisé pour le label Born Bad Records, excavateur en chef de la partie immergé de l’iceberg musical hexagonal. Dynam’hit, sous-titrée Europop Version Française 1990-1995 est une compilation qui s’attarde donc sur la production en français d’une musique électronique qui arrivait à grands bruits – diabolisation, reportages sensationnels et remarques acerbes en prime.

Une musique émergente mais déjà intégrée par bon nombre de producteurs, musiciens et requins de studio : comme toute musique à la mode, autant piocher ce qu’on y souhaite pour faire des tubes, mais à sa sauce. Surtout, à destination des kids, de la télé, des radios. Des disques électroniques donc, chantés en français mais qui ont plus que cela ; hip-house, acid, new-beat, pop synthétique, les influences et trouvailles se mélangent sur des paroles parfois légères qui, il faut bien l’avouer, nous font sourire tout autant qu’ils racontent (un peu) notre histoire musicale. 

Pour Phonographe Corp, les deux curators Belec et Sainte-Rita détaillent quelques titres de cette compilation à glisser dans nos discothèques idéales, quelque part entre Interview, Bassline Boys et Laurent Garnier.

Anne Zamberlan, « Attention Danger »

C’est une des petites célébrités de la compile, en premier lieu suite à son apparition dans Charlotte For Ever, le film de Gainsbourg. Cette expérience l’a aidé à accepter son obésité, qui la complexait beaucoup et Zamberlan est devenue une pionnière de la lutte contre la grossophobie en France, et sans doute la première actrice et mannequin de sa stature. Elle n’a fait qu’un disque, Attention Danger, qui met en garde contre la drogue. Un titre très naïf, rigolo, un bon exemple de faux rap, c’est tellement de la récupération que c’en est drôle. Mais aussi très bien troussé ; si c’est un faux rap, c’est un vrai morceau de hip-house, produit par Fabian Van Messen, Jack Mauer et Marc Neuttiens, trois Belges responsables d’une palanquée de disques New-Beat sous alias : Bassline Boys, Code 61, Defcon… 

Fred de Fred, « En Amour (Edit 2020) »

Voilà un morceau qui ne s’est pas révélé à la première écoute. Il s’agit d’un remix rave d’un titre de Fred de Fred, chanteur de variété plutôt rock, mais émigré à Sheffield et qui a donc vécu le bouillonnement du Summer of Love de 1988, et la vague acid house qui allait avec. Dans le remix, la voix de Fred est accélérée pour atteindre les fameux 120 bpm, comme si c’était l’alpha et l’omega de la musique de club. La voix de Fred était donc plus aiguë qu’au naturel. Perso, la première fois que je l’ai posé sur ma platine, je n’ai pas trouvé ça fameux, ce chanteur qui pose sa voix trop aiguë sur une instru rave. Mais au ralenti, le morceau s’est révélé, au point d’être un des meilleurs du disque à notre avis. La construction est imparable, on ne s’ennuie jamais, les stabs house sont addictifs et ça fourmille de détails de production qui se révèlent au fil des écoutes. 

Jean-François Maurice, « Top Model »

C’est un morceau que j’ai trouvé sur Bide et Musique (une webradio incroyable), vers 2015 je pense, alors que je ne cherchais pas ce type de musique. Le CD est très rare, ça s’annonçait compliqué de récupérer un fichier correct, ce titre m’est donc un peu sorti de la tête. Jusqu’à un jour où, en dansant dans un club, je me suis dit que je devais absolument mettre la main dessus pour pouvoir le jouer en boite. C’était à l’inénarrable Gambetta Club, probablement à une “Bisou” organisée par Belec ! 

Jean-François Maurice est un big boss dans l’industrie de la pop : dans les années 60, il a écrit les premiers tubes de Christophe, Michèle Torr, C. Jérome. Il a une voix très grave, du coup dans sa carrière perso, il ne se donnait pas la peine de chanter, il susurrait des mots d’amour sur de la disco pas très inventive. En 1995, un an avant de mourir, il a sorti son best-of, et Top Model est un inédit enregistré pour l’occasion, pour ajouter un peu de fraîcheur à sa compile. Sauf que cette fois c’est sur un arrangement techno (quel opportunisme !) et le résultat, très décomplexé, est plutôt fun !