Faire se rencontrer Emmanuelle Parrenin, icône folk de la France des 70’s et le producteur Detlef Weinrich (Tolouse Low Trax) sur un disque est une idée suffisamment extra-ordinaire pour la célébrer. Cela donne Jours de grève et c’est disponible sur Versatile.

« Depuis longtemps me trottait dans la tête l’idée de faire un disque avec l’immense Emmanuelle Parrenin et (…) l’idée de l’associer au sorcier minimaliste de Düsseldorf s’imposait, tant leurs univers me semblaient étrangement converger. » On ignore totalement comment fonctionne Gilbert Cohen, boss de Versatile, label toujours présent et toujours pertinent depuis plus d’un quart de siècle. Toujours est-il qu’un tel objet sonore, faute de meilleur terme, n’aurait peut-être pas pu voir le jour dans un autre esprit, et sur une autre maison. Le disque a été enregistré en 2019 à Paris durant une séquence sociale tendue et des grèves à répétition – d’où le titre – avec des invités prestigieux dont le regretté Ghédalia Tazartès, disparu il y a quelques jours. Un immense poète underground, iconoclaste et insaisissable qui aura passé sa vie dans une ombre réconfortante – tout comme Emmanuelle Parrenin, pour qui il ajouta ses psalmodies et chants habités pour la dernière fois. 

Jours de grève, c’est un mariage entre deux mondes et autant d’univers qui a priori ne communiquent pas, ou peu ; celui d’une chanson avant-gardiste, en français, associée à un jazz expérimental et d’une musique électronique toute aussi avant-gardiste mais bien synthétique elle. Un tel exercice n’est bien sur pas nouveau mais touche ici au magique. C’est peut-être l’appétence pour une électronique lancinante et lente de Tolouse Low Trax et de Jan Schulte (qui mixa le disque), tous deux issus du célèbre club Le Salon des Amateurs à Düsseldorf – club où la vitesse d’un track est inversement proportionnel à l’ambiance. C’est probablement une alchimie entre des générations d’artistes et de musiciens que rien ne prédisposait à se rencontrer. Il en ressort huit morceaux comme autant de voyages en terrain inconnu, dans un espace infiniment petit où tout est possible. Où la folk habitée rejoint le free-jazz, le drone accueille des incursions tribales et où tout cohabite d’une étrange mais belle façon. 

On s’en voudrait de vous détailler ce qui est difficilement descriptible et de vous spoiler le voyage : on vous laisse appuyer sur lecture, les yeux fermés.

Emmanuelle Parrenin et Detlef Weinrich, Jours de grève
Versatile